Encore inconnu sur la planète metal symphonique à chant féminin, ce jeune groupe venu de Francfort défendre ses chances n'a tari ni d'efforts, ni d'aplomb pour nous octroyer cette première offrande. En effet, c'est à un album full length de dix titres variés et développés sur un ruban auditif de cinquante minutes qu'il s'est attaqué, afin de nous inviter à le suivre dans un metal symphonique gothique et progressif, un poil doom. Dans la veine sympho gothique de
Arven, avec un zeste atmosphérique de
Xandria et de
Dark Sarah, et quelques relents rock dans la lignée de U2, le combo co-fondé en 2010 par Heiko Seibert (guitare et basse) et Philip Seibert (claviers, batterie, growls), livre un propos instrumentalement dense, complexe, parfois épique, un poil romantique, aux harmoniques nuancées, calé sur le schéma vocal de la belle et la bête. Au-delà d'un travail de recherche sur les harmoniques relatif aux compositions et de paroles finement écrites, on ne passera pas outre les qualités d'interprétation de la mezzo soprano Regina Beatrix Rumpel fraîchement débarquée. De plus, les qualités d'enregistrement ont pour corollaire un mixage convaincant et des finitions loin de manquer à l'appel. Aussi, animé d'une flamme qu'il compte ne pas éteindre de sitôt, il compte tenir la dragée haute à ses compatriotes de cette scène metal, à l'instar de
Elvellon ou
Once. Sera-ce le cas eu égard à cette livraison ?
La plupart des passages combinent une patte symphonique gothique à une assise rythmique progressive. Ce qui s'observe déjà à l'entrée du skeud. Aussi, un vent de terre souffle avant qu'une voix céleste ne nous parvienne sur « Spaceflight », piste metal symphonique où une montée en puissance du corps orchestral ne tarde pas à l'assister. Une rythmique épaisse un poil syncopée étreinte de riffs écorchés vif s'installe alors. Malheureusement, on est amené à suivre de sinueuses séries de notes sur des couplets à la mélodicité un poil terne et des refrains qui n'atteignent pas la plénitude recherchée. Malgré les envolées lyriques de la sirène, à la façon de Dianne Van Giersbergen (
Xandria), les placements ne sont pas toujours très heureux et peinent à déclencher une émotion. De son côté, l'entraînant «
Next Level Racism » laissant slider une lead guitare à la U2, nous octroie quelques gammes dans la veine de « The
Joshua Tree », habilement mises en valeur par les impulsions célestes de la belle. Ainsi, d'infiltrants couplets et refrains sont distribués avec quelques puissantes inflexions relayées par de délicates volutes. Aussitôt rattrapée par son furibond d'acolyte, la sirène nous embarque dans un océan de notes qui progressivement gagne en intensité et en vélocité. Relativement agréable, à défaut d'être imparable, le morceau se laisse écouter sans sourciller, même si on aurait pu souhaiter voir convoler la douce en solo, ainsi qu'une clôture moins terne et plus soyeuse. Par ailleurs, le mid tempo progressif un tantinet épique « Rainfall », dans l'ombre d'
Amberian Dawn, première mouture, livre une pièce aux arrangements convaincants et au cheminement harmonique plutôt avenant. Une fois de plus, les envolées lyriques de la maîtresse de cérémonie auraient gagné à se détacher des chaînes qui les lient aux éructations bestiales de son ténébreux comparse, y compris dans les passages montant crescendo. Enfin, imposante fresque de l'opus, « Day in
Hell » accueille le pavillon par de printaniers gazouillis avant d'offrir de délicats arpèges à la guitare acoustique corroborés à de troublantes patines vocales de la douce. Soudain, la rythmique resserre son étreinte et le riffing devient griffu, alors que le serpent synthétique s'anime pour accompagner la belle dans ses pérégrinations. Un joli délié à la lead guitare se fait ouïr ainsi qu'une ombrageuse présence en arrière-fond, précédant un pont technico-mélodique de bonne facture. Aussitôt, la reprise s'effectue vocalement et de belle manière et l'espace percussif gagne en puissance et en vivacité. Hélas, par moments, on perd le fil du cheminement mélodique et on s'enlise dans d'inextricables sables mouvants, avant de se faire lâcher en plein vol, au final. Quelques points sont donc marqués mais qui ne sauraient effacer les quelques carences restant à éradiquer.
Par ailleurs, comme pour ne pas rester rivé à un metal sympho gothique pur, le collectif germain s'est aussi orienté vers une coloration plus sombre accolée à son propos. Ainsi, une lead guitare grincheuse qui ne sait trop comment se mouvoir pour trouver un juste positionnement sur sa portée nous accueille sur l'intrigant « Kaleidoscope », furieux titre dark gothique sympho où la belle se perd dans d'interminables élucubrations pour nous embourber dans des chemins de traverse plutôt insécurisants. Le ciel s'assombrit encore avec la présence d'un growler caverneux qui, d'ailleurs, ne fait pas illusion bien longtemps. On comprend que, dans ce secteur stylistique, le groupe n'est pas vraiment à son aise et l'accroche auditive ne s'opère que partiellement, ce que prouve également le passage suivant. Sur une rythmique syncopée et muni de riffs acérés, «
Ghost », titre doom gothique, virevolte dans une énigmatique tourmente dont on ne perçoit que malaisément le découpage couplets/refrains. On tend à s'y perdre en conjectures instrumentales et l'unité d'ensemble souffre d'un manque d'harmoniques affinées et de lumière mélodique. Enfin, tout en douceur, « Moor » nous reçoit, sous l'égide du couple oratoire, avant de nous acheminer vers des champs dévastés et quelque peu lugubres. Difficile de trouver un point d'ancrage dans cet océan de notes soudain devenu houleux, malgré un joli solo de guitare et quelques gammes bien restituées au piano. Comme un présage, fermant la marche, une boîte à musique s'enclenche, fatigue de plus en plus, hoquète et soudain fait place à un glaçant silence.
Enfin, pour compléter son offre, le combo teuton a aussi souhaité jouer sur les contrastes atmosphériques, rythmiques ou vocaux pour asseoir son projet, avec plus ou moins de réussite. Ainsi, le frondeur « Social
War » assène ses riffs assassins et sa sanglante section rythmique pour un fulgurant instant avec quelques surprenants passages à la guitare acoustique, rompant un temps la folle embardée pour un moment tamisé. Soudain, l'orage gronde et les éclairs oratoires frappent, à l'aune de growls telluriques que la sirène a bien du mal à contenir. Mais, on s'enlise dans d'obscurs méandres mélodiques, suffisamment frustrants pour s'avérer peu propices à la remise du couvert. D'autre part, de délassantes nappes synthétiques nous invitent à entrer dans l'univers semi-aseptisé de «
Paradise » , alternant couplets tamisés et mélodieux et refrains énergisants et nuancés, dans le sillage de
Dark Sarah. Lorsque les éléments tendent à se déchaîner, la douce empreinte vocale de la déesse se fait rejoindre par le growler, dont la présence n'a pas permis à ce titre une sereine accroche tout le long. Mais, l'ensemble du cortège ainsi déployé demeure invitant. La troupe s'est également essayée à un autre exercice délicat, suivant un plan percussif plus offensif. Ainsi, claquent les tambours sur l'enfiévré «
Beast of
War », titre power sympho à l'assise rythmique proche d'
Ancient Bards. On est conduit sur des couplets assez engageants mais desservis par des refrains peu ragoûtants, et surtout par un duo mixte jouant sur les contrastes voix féminine angélique/voix masculine ombrageuse mais avec peu d'impact, au final, tant l'éparpillement suinte sur cet acte. Peu de cohérence harmonique et une orchestration qui se déchaîne sans maîtriser réellement ses effets émanent de cette plage.
Pas sûr qu'on y revienne un jour.
Résultat des courses : sur ce premier opus, le combo a beaucoup oeuvré sur la qualité sonore et les détails techniques, avec quelques réussites à la clé. Néanmoins, malgré ce louable effort, le message musical demeure déconcertant. Tout d'abord, les traçages mélodiques offrent encore peu de rayonnement et les séries d'accords encore quelques gênantes approximations pour nous convier à une écoute prolongée. Tournée vers la diversité atmosphérique et les effets de contrastes, cette production n'a hélas pas eu les reins suffisamment solides, ni l'inspiration féconde, pour déployer d'heureuses harmoniques susceptibles d'encenser notre tympan. Il aurait été souhaitable également de ne pas recourir systématiquement à des parties growlées pour faire ressortir le côté dark gothique à l'affaire. On aurait ainsi gommé quelques irrégularités et mauvais ajustements vocaux, nuisant plus à l'appréciation des lignes vocales de la jeune interprète qu'autre chose. Cette dernière devra encore travailler ses placements et affiner ses envolées pour rendre plus fluides et harmonieuses ses inflexions. Aussi, force est de constater que les risques de la déroute sont loin d'être absents et, bien souvent, le risque de zapping de certains passages, voire de morceaux entiers, pour ne garder que les plus marquants ou émouvants, est réel. On comprend donc que c'est en demi-teinte que l'on ressort de l'écoute de cet opus. Aussi, on ne conseillera cette offrande que pour une écoute ou deux pour le plaisir de la découverte, notamment aux amateurs de metal symphonique gothique à chant féminin clair. Autant dire que l'on en attend plus, beaucoup plus, pour sustenter l'auditorat concerné, souvent familiarisé aux gammes et aux arpèges de ses sources d'influence. La balle est désormais dans leur camp...
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