The Haunted, en exercice depuis la fin des années 90, a été le représentant, sur ses trois premiers albums, d’un thrash teinté de death mélodique finalement assez peu original mais redoutablement efficace et agressif, parfaitement exécuté par des musiciens compétents, tous anciens membres reconnus de la scène extrême scandinave.
C’est au moment de la sortie de son quatrième album, le bien nommé
Revolver, qui a coïncidé avec le retour de son chanteur « historique » Peter Dolving, que le combo a commencé à faire cohabiter sa mixture thrash avec d’autres éléments plus légers, issus essentiellement de la scène metal « grand public ».
S’en est suivi un
The Dead Eye aventureux mais fort décrié par les fans de la première heure. Le groupe, conscient de l’incompréhension suscitée par cette sortie, livre en 2008 un
Versus faisant partiellement machine arrière avec un retour vers une certaine agressivité, tout en conservant dans l’ensemble son ouverture musicale pour un résultat en demi-teinte évoquant un groupe ne sachant pas sur quel pied artistique danser.
Force est de constater à l’écoute de ce septième album intitulé
Unseen, que le groupe a tranché dans le vif et nous sert une œuvre dont le contenu musical devrait faire grincer beaucoup de dents puisqu’il s’est approché à grands pas d’une certaine scène « groove-neo-metalcore » américaine tout en chassant aussi clairement sur les terres commerciales de ses compatriotes d’
In Flames. Le combo a eu tout le soutien de sa maison de disque, celle-ci misant sans doute sur un éventuel bon coup commercial.
Le disque, produit aux studios Antfarm au Danemark comporte une douzaine de compos majoritairement courtes (elles dépassent rarement les 4 minutes) aux structures musicales simples et directes, une certaine lourdeur des guitares et quelques emballements rythmiques rappelleront quand même furtivement le passé furieux des suédois. Toutefois ils sont administrés à doses si homéopathiques qu’ils risquent de passer inaperçu aux oreilles de l’auditeur distrait et/ou abasourdi par la mutation catégorique du combo.
Mélodies entrainantes et couplets ravageurs, calibrés juste ce qu’il faut pour être mémorisables sont ici légion, le groupe cède complètement aux sirènes de la composition catchy, faisant tout de même par moment preuve d’un certain talent à l’ouvrage il faut l’avouer.
Il est à noter le travail réalisé sur les mélodies vocales, Peter Dolving faisant étalage d’une palette intéressante et étendue dans ce domaine ; l’homme est soit doué soit l’ingénieur qui a manié la console d’enregistrement a été très compétant, la confirmation se fera de toute façon en situation « live » ; des harmonies bien placées parsèment donc le disque et rendent certains titres accrocheurs.
L’essentiel des chansons reposant sur le travail du vocaliste, l’ouvrage des guitaristes reste assez discret et majoritairement porté sur la rythmique (le disque ne comporte aucun solo de guitare), la batterie et la basse se contentent elles d’assurer le strict minimum, l’assise restant toutefois solide. Enfin quelques notes de clavier saupoudrent ici ou là quelques compos mais l’apport est quand même anecdotique ; le tout est emballé dans une production claire, puissante et sans fioritures de Tue Madsen.
Quelques morceaux sortent du lot comme le titre d’ouverture, l’entrainant
Never Better, l’inspiré Motionless où les inflexions de Peter Dolving peuvent évoquer Robert Smith des Cure,
Unseen qui rappelle instantanément le In flames de ces dernières années ou encore l’énergique
Them qui s’inscrit lui aussi dans cette mouvance.
D’autres sont plus dispensables et restent très prévisibles (Disappear), s’apparentent parfois à du remplissage (le maladroit
Catch 22 qui fait néo-metal assez daté) voire sentent exagérément le radio-friendly (
All Ends Well).
Il est à souligner, et plutôt deux fois qu’une, que le changement est tellement radical qu’on peut se demander s’il s’agit bien des mêmes personnes ayant fait les beaux jours de groupes comme At the gates,
Seance ou
Invocator. Chers amis, écoutez
Slaughter of the Soul après avoir écouté cet
Unseen et vous vous rendrez compte du gouffre abyssal qui sépare ces deux albums.
Toutefois le tout est bâti avec professionnalisme et sérieux, charge donc à chacun d’envisager ce qu’il peut retirer d’une telle œuvre.
Cette sortie constituant une prise de risque musicale considérable, on peut donc saluer sans retenue le courage (ou l’inconscience, c’est selon) dont fait preuve les scandinaves à sortir ce disque sous le patronyme de
The Haunted. Une solution intermédiaire aurait pu être envisagée, à savoir le commercialiser sous un autre nom.
Reste à s’interroger sur ce que cette sortie représente aux yeux du groupe : une escapade momentanée pour un retour aux choses sérieuses sur le prochain album, un peu comme le tandem
The Dead Eye/
Versus (ce qui risque de semer à terme le trouble dans l’esprit des fans) ou une mutation en profondeur annonciatrice de changements artistiques radicaux qui affecteront durablement la carrière des suédois.
Groupe hypocrite et calculateur en quête de succès facile ou formation au courage et à la « vista » artistique admirable, à vous de choisir.
Note 11/20
Certes le premier morceau, très cliché néo, est dispensable, mais la suite est excellente, des morceaux très différents, accrocheurs et débordants d'inventivité. Une performance vocale incroyable sur tout l'album (comment comparer ça à In Flames?). Les parties de batterie sont qui plus est excellentes (et quel son!). Vraiment une bonne surprise et un groupe qui prouve son énergie inépuisable plus dans la créativité que dans le blast... ça me va!
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