Sorti de terre en 2010, le jeune quartet, influencé par quelques notoires formations metal gothique à chant féminin (
Lacuna Coil,
The Gathering,
Xandria,
Darkwell, Theatre of
Tragedy...), entend bien ne pas rester bien longtemps en retrait d'une scène pourtant saturée en troupes de tous poils. Dans cette dynamique stylistique, les Franciliens d'
Unseelie nous invitent à une plongée aquatique en eaux profondes dans un océan metal gothique peuplé de chimères, où s'observe une heureuse cohabitation entre puissance énergivore et vibrante mélancolie. Encore peu diffusé et produit hors de l'espace hexagonal, le combo a suivi une démarche éminemment prudente concomitamment à une approche qualitatitve pour égrainer ses premières compositions, proposant, de fait, un humble EP auto-produit de 3 titres, enregistré avec un allant quasi professionnel au White
Wasteland Studio (
Paris). Chaque plage répondant à une logique compositionnelle propre, nous les aborderons à part entière afin de percevoir ce qu'elles recèlent. Entrons donc sans plus attendre dans l'univers metal gothique mélodique conjointement concocté par la soprano Anne-Emmanuelle Fournier, le guitariste et programmeur Marc Chevallereau, le bassiste Mathieu Waltzing et le batteur Jean-François Brind'Amour.
On entre dans les abysses de la menue rondelle sous l'égide d'un rêve troublant et saisissant poussé à son paroxysme. Ainsi, le frétillant « Ounen-Nefer », titre metal gothique mélodique aux accents orientalisants, oscillant entre les univers de
Lacuna Coil et des premiers
Xandria, s'appuie sur un riffing ample, effilé, avec quelques tirs en rafales, adossé à une massive section rythmique pour nous disséminer ses infiltrantes gammes et ses délicats arpèges. En outre, un sens inné de l'esthétique mélodique, non sans rappeler Theatre of
Tragedy, s'observe, aussi bien sur les sculpturaux couplets que sur les magnétiques refrains, mis en exergue par les claires patines oratoires doublées d'un léger vibrato de la belle. On évolue ainsi dans un univers de contrastes rythmiques et vocaux (avec la présence partielle et opportune d'un screamer en background), à l'atmosphère envoûtante, renforcée par un dense parterre orchestral dont s'extirpe une violoneuse présence, contribuant à imprimer une suave empreinte à une mer limpide à la profonde agitation intérieure.
Dans le secteur des mots bleus, le collectif français ne s'est pas avéré maladroit non plus, loin s'en faut. On pénètre dans le grand bleu à l'aune de l'entraînant et élégant « Le Printemps de Desdémone », moment intimiste des plus enchanteurs, aussi caressant que le souffle d'une brise d'un soir d'été. Cette voluptueuse et onirique invitation au voyage pousse les portes des ultimes frontières de nos âmes pour venir les habiter, revêtant dès lors le visage d'une hypnotique créature venue des profondeurs océanes, pour mieux s'en emparer. Aussi, un incontrôlable frisson s'empare de nos chairs le temps de cette lévitante et pénétrante ritournelle, et encore après... C'est dire que cette ballade progressive développe ses arguments suivant un sillon mélodique immersif à souhait, sans mièvrerie aucune, tout en fluidité et en toucher, motivant inconsciemment une onde vibratoire à nous étreindre de bout en bout. Les angéliques volutes de la maîtresse de cérémonie s'inscrivent en parfaite symbiose dans ce touchant message musical, celui-ci dégageant une puissance émotionnelle que d'autres pourraient bien avoir à lui envier parmi pléthore d'homologues stylistiques.
Enfin, le combo a élevé au rang d'un art l'homogénéisation des contrastes rythmiques et atmosphériques, et ce, non sans une pointe d'originalité. Ainsi, de virulents et corrosifs riffs se combinent habilement à des espaces instrumentaux où une souple rythmique vient envahir le vivifiant « The Âge of Kâlî », invitant morceau metal gothique faisant cohabiter le Ying et le Yang, à la manière de
The Gathering. Ce faisant, de savoureux passages imprégnés d'une douce torpeur non sans rappeler Blackmore's
Night alternent avec les braises incandescentes dont se parent les couplets. Quelques envolées semi-lyriques d'une parfaite tenue consenties par la sirène, dans le sillage de Stephanie Luzie (
Atargatis, ex-
Darkwell) parachèvent de nous convaincre de ne jamais lâcher prise. Et l'exercice de fond d'une redoutable efficacité lui donnera raison, la cohésion groupale ainsi organisée et investie avortant tout moment de flottement auditif dans cette grisante tourmente.
De fil en aiguille, on parcourt les 17 minutes de cette initiale offrande sans encombres, avec l'indicible désir d'y revenir pour permettre à nos tympans alanguis de goûter à nouveau aux insoupçonnés délices du skeud. Des harmoniques bien distribuées, une technicité déjà éprouvée mais sans exhibition ostentatoire, une élégance des formes mélodiques et une fine écriture attendent les amateurs, déjà largement amassés, de ce registre metal. Certes, quelques finitions, des retouches en termes d'accords et des enchaînements inter pistes plus affutés, une offre plus diversifiée, permettraient de valoriser une production artistique à la logistique déjà soignée. Mais nos acolytes, témoignant d'un potentiel affirmé, ont encore le temps de peaufiner les détails d'une production encore jeune. Avec un zeste de maturité, la féconde inspiration transpirant de ces premières portées gagnera en aura et, vraisemblablement, impactera un auditorat plus étoffé. Suite à cet encourageant effort, on attend dès lors, avec une pointe d'impatience à peine dissimulée, un propos plus substantiel, notamment à l'aune d'un album full length...
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