Il y a des parcours artistiques proprement chaotiques qui semblent ne jamais se stabiliser, quoi que l'on fasse et malgré les années qui passent.
Quand on trace la rétrospective de tout ce qui toucha de près ou de loin les brésiliens d'
Angra, visionnaires et chefs de file de toute une génération, la traînée de poudre peut être suivie à la trace. Du split initial des deux-tiers du groupe pour un nouveau line-up qui vit le départ de son batteur quelques années plus tard pour le retour de Ricardo Confessori, du split même du groupe qui avait été reformé sur les cendres des anciens membres d'
Angra (Sha(a)man) après seulement deux opus en passant par le parcours semé d’embûches d'André Matos en solo se retrouvant en pleine perdition jusqu'au départ récent d'Edu Falashi dans les rangs de la déesse de feu (remplacé en attendant par le taulier Fabio Lione pour la tournée des 20 ans d'"Angels
Cry"), rien ne va.
Edu Falashi a pris la décision de se focaliser sur son propre groupe,
Almah, plus proche de sa vision musicale et de son ambition vocalement parlant. Cela semblait tomber sous le sens après un "Aqua" relativement maladroit et inégal ainsi qu'un "
Motion" (troisième opus d'
Almah) plus personnel, violent et sombre, dévoilant la nouvelle approche du groupe et surtout laissant entrevoir son avenir.
Dès lors,
Almah semblait avoir pris son envol et l'arrivée d'"
Unfold" apparaissait comme l'assommoir, le coup de marteau qui enfoncerait définitivement les Brésiliens au niveau des groupes déjà nommés et non plus comme un banal projet parallèle. Le départ de Felipe Andreoli qui préférait se concentrer lui sur
Angra ne sembla pas déranger Edu qui s'attela une fois de plus à la composition quasi intégrale de ce quatrième effort.
D'entrée, on aperçoit un artwork plus lumineux, optimiste même, qui nous interroge sur la nature de l'album alors que l'on pensait voir un Edu plus rageur que jamais, lui qui avait avoué ne plus vouloir chanter de manière aiguë comme il le faisait dans
Angra, et avoir présenté sa véritable nature sur le terrible
Motion. Produit en Californie, "
Unfold" se pare d'une production puissante mais manquant du mordant de l'album précédent, peut-être trop lisse et américain justement pour coller à la richesse musicale dont sont capables les Brésiliens. "In my
Sleep" déboule pourtant sur une rythmique presque thrash, une double pédale éclatante et des interventions de guitares toujours aussi lumineuses et techniques, très fines, qui démontrent le talent du dernier arrivé Gustavo di Padua (remplaçant de Paulo Schroeber qui fut obligé de partir pour des raisons de santé). Edu semble à l'aise, entre ses vocalises amples et mélodieuses ainsi que ses cris devenus familiers et bien plus agressifs. Rien de neuf sous le soleil californien mais des éléments rassurants sur la bonne santé du combo.
Mais rapidement, on va trouver que quelque chose cloche. Rien n'est mauvais, tout est plutôt bien exécuté, inspiré presque, techniquement parfait...mais il manque sacrément de tripes et de feeling pour trouver dans
Almah tout ce qui a fait la magie d'
Angra durant toutes ces années. "Beware the Stroke" continue dans un genre relativement syncopé, avec toujours des leads mélodiques incroyables mais le refrain tombe rapidement à plat alors que la montée en puissance des couplets pouvaient laisser présager quelque chose de bien plus gros. Edu, s'il est toujours parfait dans son rôle de frontman, ne prend pas réellement de risques et ne va dans ses derniers retranchements comme ce fut le cas sur le précédent disque ou sur un album comme "
Aurora Consurgens".
Il manque à cet album une personnalité forte, une identité qui le sortirait véritablement du lot. Certes,
Almah s'affirme comme un groupe définitivement plus lourd et brute qu'
Angra ou
Symbols mais cela ne suffit pas pour le rendre unique, notamment à cause de cette production puissante mais globalement générique. A l'écoute de morceaux comme "The Hostage" ou "
Believer", il est difficile de se dire qu'on pourrait reconnaître le groupe dès la première écoute, si ce n'est par la voix d'Edu. "
Believer" revient d'ailleurs à un style plus rapide et orchestré, un peu perdu dans la rudesse globale du disque. On remarquera également le superbe "
Wings of Revolution" (un rappel de "
Wings of Destination" ?), bien plus mélodique mais basé autour d'une ligne mélodique très belle et pure, de chœurs surplombant un refrain magnifique et emplie de poésie, de mélancolie même. Il se dégage une puissance sous-jacente et très forte de cette composition réussie de bout en bout.
A l'inverse complet, "Cannibals in Suits" rappelle "Zombies
Dictator" pour son penchant très extrême, son riff très sombre et l'approche vocale violente comme rarement chez Edu. La double pédale est plus brute que jamais, le refrain apporte une légère éclaircie dans la noirceur des couplets, les leads sont tranchants et très techniques (très thrash dans l'esprit toujours) avec des chœurs qui risquent de tout détruire en live.
Le problème d'"
Unfold", c'est ce manque d'équilibre qui fait qu'il ne choisit aucun chemin plutôt qu'un autre. Il ne se décide pas. Tantôt agressif, tantôt bien plus mélodique...un instant tourné vers l'avenir avant qu'il ne fasse deux pas en souvenir du passé...Il est globalement très réussi, techniquement et artistiquement très au point mais il semblerait que, bien qu'Edu puisse se concentrer désormais à 100% sur
Almah, il ne sache tout de même pas complètement où aller. Est-ce là les limites du vocaliste quand on le compare au duo de compositeur Loureiro/
Bittencourt qui lui a beaucoup appris ?
L'avenir nous le dira mais il n'est pas encore l'heure où
Almah se pose définitivement en leader du genre. Il est encore difficile de savoir où ira le groupe, dans quelle direction et quel sera son futur. Les multiples fluctuations de line-up n'ont sûrement pas aidé ces dernières années et un peu de stabilité ne pourra qu'être positif pour les prochaines sorties. Pour le moment, "
Unfold" reste un opus intéressant mais pas celui de transition ou d'aboutissement que l'on aurait légitimement pu attendre. Les fans s'en contenteront sûrement pendant que les autres resteront inéluctablement sur leur faim...
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