Il était une fois dans une contrée lointaine un paisible royaume qui avait pour nom Metalgothique, formé par le grand roi
Paradise Lost et dirigé d'une main de fer (dans un gant de velours) par la Triarchie Theateroftragedy /
Tristania / Thesinsofthybeloved. Ce royaume coulait des jours heureux : la musique y était aussi douce que rugueuse, aussi sombre que romantique, mais par-dessus tout artistiquement intègre.
Puis vint le jour où cette quiétude fut troublée par des assauts répétés en provenance de la Metalacademy et du Celinedionmetal, les royaumes frontaliers aux velléités commerciales et à la musique corrompue, chantres du gain facile et du profit maximum. Perturbée par tout cet argent à l'éclat aveuglant, la Triarchie, déjà abandonnée par son roi à l'esprit versatile, vit son harmonie voler en éclats et ses trois provinces gouvernantes fuir le navire en péril pour suivre chacune leur propre destinée, laissant le royaume du Metalgothique aux mains des envahisseurs, qui n'ont dès lors eu de cesse de saccager son patrimoine artistique, bafouant ses valeurs traditionnelles et entachant à jamais sa renommée.
La province du Theateroftragedy céda sans hésitation à l'appât du gain, non sans avoir au passage horriblement sacrifié sa plus valeureuse combattante :
Liv Kristine Espenaes. Gloire lui soit rendue et que la déchéance éternelle s'abatte sur ses anciens compagnons d'armes.
La province du Thesinsofthybeloved, sentant la bataille perdue d'avance, préféra se saborder plutôt que de tomber dans les mains de l'ennemi… La mort avant le déshonneur.
La province du
Tristania, minée par des querelles internes, connut une douloureuse scission, le prince Einar Moen, accompagné de sa troupe, rejoignit les rangs ennemis, tandis que le prince Morten Veland s'en alla seul fonder la province du
Sirenia qui, après des années de lutte et de résistance, finit elle aussi par rendre les armes et pactiser avec l'opposant, en enrôlant sur sa dernière œuvre en date une casserole originaire du royaume de la Metalacademy.
Triste dénouement pour toutes ces gloires passées qui ne sont plus aujourd'hui que l'ombre d'elles-mêmes (du moins pour celles qui sont encore en vie), et pour le royaume du Metalgothique autrefois florissant et dont toutes les provinces, à présent en ruines, sont tombées sous le joug des cupides ennemis … Toutes ? Non ! Une province peuplée d'irréductibles metalgotheux résiste encore et toujours à l'envahisseur : la province du
Draconian qui, bien que relativement discrète, continue à perpétrer les grandes traditions du metal gothique à l'ancienne : celui où les rythmes sont pesants, celui où la terre tremble au son des grondements du chant death, celui où les guitares dégagent une senteur âcre de metal extrême, celui où les orchestrations sont imposantes, celui où le chant féminin nous berce de son aura envoûtante et romantique … du vrai, du pur, fermement enraciné dans le terreau originel.
Autant on parle de true heavy metal et de true black, on peut aussi parler de true metal goth, appellation qui n'est en rien exagérée tant le gouffre séparant ses racines de ce qu'il est actuellement devenu est insondable.
Histoire de bien enfoncer le clou et de porter haut et fièrement l'étendard de ses origines,
Draconian a même davantage privilégié l'aspect metal sur cette nouvelle offrande. Les claviers, bien que toujours présents sur ce "
Turning Season Within", sont un peu plus en retrait par rapport aux précédentes œuvres, le fait que le préposé Andreas Karlsson se soit éloigné du groupe (temporairement ou définitivement, on ne sait trop à l'heure actuelle) n'y étant certainement pas étranger (il n'est crédité qu'en tant que musicien de session). La formation suédoise se rapproche désormais beaucoup d'un style doom/death mélodique tel que peut le pratiquer
Swallow The Sun par exemple, avec cependant une très forte dose gothique de par la présence de Lisa
Johansson, au chant toujours aussi inspiré et habité par la grâce.
Draconian a également très bien négocié son pari de proposer des morceaux plus courts et accrocheurs et donc à l'efficacité accrue, tout en ménageant encore suffisamment de structures progressives pour résister à l'épreuve de nombreuses écoutes … Le bon équilibre, en somme.
Mais c'est surtout par son feeling "roots" que se distingue "
Turning Season Within", cette atmosphère sombre et tragique mais non dénuée d'une lueur d'espoir, illustrée à merveille par la pochette : cet homme tiraillé entre lumière et obscurité, prisonnier de ses tourments issus de sensations ambivalentes, sensations parfaitement représentées par la musique qui constitue un ensemble massif et cohérent mais où chaque titre conserve sa personnalité propre. On peut citer notamment "Earthbound" coupé par un break acoustique à la
Opeth avant de repartir dans une toute autre direction, "The
Failure Epiphany" avec ses contrastes passages éthérés / passages lourds jusqu'au-boutistes, ou encore "The Empty Stare" caractérisé par un rythme extrêmement pesant.
Certes, on ne trouve rien qui n'ait déjà été entendu sur cet album, mais en se posant en défenseur des traditions du metal gothique,
Draconian redonne ses lettres de noblesse au style et pourrait presque paradoxalement être qualifié d'original au vu du paysage metal goth actuel. Un paysage bien triste, où écouter un tel disque, aussi pur et intègre, est devenu denrée rare, et à cet égard,
Draconian ne peut qu'être couvert d'éloges.
Draconian, l'ultime rempart face à la déferlante de la Metalacademy et du Celinedionmetal … mais pour combien de temps encore ?
Je ne savais pas Draconian si proche de ma vision du metalgoth, on me l'avait plutôt dit orienté funéraire (à l'image de Doom:VS enfanté par Johan Ericson).
Ca ravive mes envies de ce style qui me semble tristement agonisant ces derniers temps...
Et au vu des différentes critiques positives sur cet album - et les autres de ce groupe -, je pense me servir copieusement à la fnac après les avoir goûtés et approuvés sur deezer :p
Au plaisir de vous lire !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire