Parfois, le parcours d'une formation artistique est loin de s'apparenter à un long fleuve tranquille, dont celui de ce talentueux et opiniâtre combo allemand fondé en 2010 à Hambourg...
Après un mémorable premier album studio du nom de «
Destined Ways », sorti en 2014, le groupe, contre toute attente, nous fera patienter quelque six années avant de nous livrer son second opus, «
In Memoriam », où se mêlent, cette fois, deux titres inédits et six des douze pistes du premier élan alors dispensées en version acoustique live.
Plus surprenant encore, un an plus tard à peine, en réponse à une tout autre orientation conférée à leur projet, nos acolytes réaliseront deux singles («
An Eternal Night » et «
Verge of War »), auxquels en suivront quatre autres («
Tuba Mirum », «
Side by Side », «
A New God » et « Cause You Were There »), en 2022, ces six pistes constituant alors le corpus exclusif du présent EP, «
Tuba Mirum ». Cela étant, les 29 minutes du ruban auditif de la galette seraient-elles à considérer comme une simple parenthèse dans la carrière du groupe ? Une respiration nécessaire entre deux sorties d'albums de longue durée ? Ou encore une œuvre à part entière, qui aurait toute sa raison d'être ?
Dans cette perspective, l'équipage de la précédente traversée a essuyé un remaniement de fond : si son père fondateur – le guitariste et parolier Jörn
Schubert (
Dark Age, ex-
Holy Moses) – comme le baryton Thorsten Schuck font toujours partie de l'aventure, tant le bassiste Dirk Schlächter (
Gamma Ray) que le screamer Mirko Gluschke (
Dead End Circle) seront tous deux remplacés par Denis Filimonov (Inversum). D'autre part, la mezzo-soprano Jasmin Gajewski (dont les notes en voix de tête pourront rappeler
Heidi Parviainen (
Dark Sarah, ex-
Amberian Dawn) se substituera à son homologue Nina Jiers, quand Kai-Ole Buuck remplacera, lui, Thorsten Harnitz (Counter-World Experience) derrière les fûts. Avec l'adjonction du guitariste rythmique Tom Lutsche, et le concours de Nino Helfrich (Inner
Axis) à la (lead) guitare (sur cinq des six singles de la rondelle), le groupe ainsi constitué nous plonge à nouveau au sein d'un metal symphonique aux coloratures opératique, progressif et death mélodique, là encore dans la veine coalisée d'
Epica,
Nightwish,
Therion,
Aesma Daeva,
Dark Sarah et
Amberian Dawn.
Réputé pour ses exigences en matière de production, le collectif teuton n'aura pas dérogé à sa règle sur ce mouvement, aussi bref soit-il ! Méticuleusement produit par Nino Helfrich (Nino Helfrich, Inner
Axis), le méfait n'accuse pas l'once d'une sonorité résiduelle tout en offrant une belle profondeur de champ acoustique ; se superposent des arrangements instrumentaux de bon aloi, signés, là encore, Corvin Bahn, le claviériste/vocaliste de Crystal
Breed, déjà sollicité en tant qu'invité par
Beyond The Black,
Gamma Ray,
UDO, Nachtblut et par le groupe lui-même. Pour mettre les petits plats dans les grands, les paroles de ce set de partitions reposent sur la finesse de plume de l'auteure/interprète Sarah Gorzelitz (Lycania). Tous les feux seraient donc au vert pour nous promettre une traversée des plus sécurisantes dans cette mer limpide à la profonde agitation intérieure...
Comme à son habitude, le combo dévoile son aptitude à concocter ces séries d'accords finement sculptées qui non seulement font mouche mais se révéleront également aptes à rester gravées durablement dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon.
Ce à quoi nous sensibilisent déjà ses pistes les plus enflammées, à commencer par «
Side by Side », entraînant mid/up tempo aux riffs crochetés et à la coloration opératique, à la confluence d'
Epica et
Aesma Daeva ; recelant un refrain catchy mis conjointement en habits de lumière par les puissants élans du baryton et les fluides oscillations de la sirène, des enchaînements intra piste des plus sécurisants et enorgueilli d'un fringant solo de guitare, le ''tubesque'' méfait poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Dans cette énergie, on ne saurait davantage éluder l'entraînant et ''therionien'' up tempo «
Verge of War » eu égard à l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre ; aussi se dessine un hit en puissance éminemment classique et néanmoins propice à un headbang bien senti et quasi ininterrompu !
Au moment où il se fait plus incisif et dans une visée death mélodique, cette fois, le propos demeure non moins pénétrant. Ce qu'atteste le ''tristanien'' up tempo «
A New God », eu égard aux galvanisantes montées en régime de son corps orchestral et à l'unique présence d'un growler au top de sa forme. Et ce ne sont ni le fuligineux solo de guitare à mi-morceau décoché ni l'imposante couverture oratoire que lui assure sa muraille de choeurs qui nous débouteront de cet étourdissant ballet des vampires. Mais le magicien a encore quelques tours dans sa manche en réserve...
Et quand ils en viennent à tamiser leurs ambiances, nos compères trouvent à nouveau les arguments susceptibles de nous faire plier l'échine sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustre, d'une part, la somptueuse et ''therionienne'' ballade « Cause You Were There » ; une véritable invitation au voyage en d'oniriques contrées nous est alors promise à l'aune de cet émouvant mouvement nourri de délicats arpèges pianistiques. Souligné par les magnétiques notes en voix de gorge de Thorsten Schuck, couplets finement ciselés et refrain immersif à souhait glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Et comment ne pas se sentir porté par les vibes enchanteresses jaillissant des entrailles de «
An Eternal Night » ? Il s'agit là d'un morceau inspiré par le lied de Franz
Schubert intitulé « Wanderer an den Mond ». S'écoulant au fil d'une sente mélodique des plus impactantes qu'encensent les empreintes vocales de deux vocalistes classiques alors en parfaite osmose, cette ballade progressive à mi-chemin entre
Nightwish,
Therion et
Amberian Dawn demeure un autre temps fort de nos parcours.
Mais ce serait, une fois encore, à la lumière de sa pièce en actes metal symphonico-progressive que la troupe nous dévoile ses plus beaux atours. Ainsi, le titre éponyme de l'opus, «
Tuba Mirum », déverse ses quasi 6 minutes d'un parcours épique et empreint de théâtralité, au carrefour entre
Therion et
Dark Sarah. Reposant sur une frissonnante triangulation oratoire – les cristallines inflexions de la belle répondant en écho aux chatoyantes impulsions du baryton et aux serpes oratoires d'un glaçant screamer –, se calant sur une ligne mélodique et un lyrisme des plus ensorcelants, et égrainant, en prime, un solo de guitare des plus flamboyants, la petite fresque ne se quittera que pour mieux y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité.
Au terme de cette brève mais si stimulante traversée, un doux sentiment de plénitude nous étreint. Une fois encore, le combo allemand interpelle tant par la qualité et la variété de ses joutes oratoires que par la pleine maîtrise technique de son instrumentation et son intarissable inspiration mélodique. En dépit de l'humilité de son format, cette rayonnante et proprette galette varie ses exercices de style et ses phases rythmiques à l'envi, sans accuser l'ombre d'un bémol harmonique susceptible d'affadir l'attention du chaland. S'il évacue toute zone de remplissage dans sa trame, cet effort, en revanche, ne consent pas à une quelconque prise de risque. Dans le sillage atmosphérique des précédentes réalisations tout en y insérant quelques sonorités inédites, ce solaire élan serait à considérer comme une œuvre à part entière. Bref, une ronde de saveurs exquises concoctée par le collectif allemand...
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