Un peu plus d’un an après la sortie d’un
Dance Across the Past prometteur,
Exhumation remet le couvert, sûr de sa force et de sa nouvelle bonne étoile. Appuyé par le label français Holy Records, amateur de groupes grecs, et à nouveau produit de main de maître par un Fredrik Nordström au firmament de sa carrière, l’un des créateurs et promoteurs de l’école death made in Göteborg,
Exhumation persiste, et signe sa fierté,
Traumaticon.
N’imaginez pas le quatuor sur une superbe plage perdue dans les Cyclades à se prélasser au soleil en sirotant un petit Ouzo.
Exhumation a une revanche à prendre et un succès à rattraper.
Dance Across the Past n’était que la première étape d’un plan de conquête mûrement réfléchi depuis près d’une décennie.
Traumaticon prend des airs de jumeau au premier regard, si et seulement si on s’arrête aux apparences. Les indices ne peuvent laisser imaginer le contraire, 15 mois les séparent, même line-up, même producteur. Et pourtant, dès l’entame de ce troisième opus, la fougue semble avoir cédé le pas à une sérénité tout en mesure. En effet, les guitares ne se déchaînent plus au top départ, elle gagnent en consistance et homogénéité, permettant de construire des atmosphères subtiles. Les lignes mélodiques ont perdu de leur clinquant pour proposer un ensemble réfléchi et posé, où chaque élément semble parfaitement à sa place, dans un équilibre mélodique pesé au gramme près. Les claviers, toujours tenus par Fredrik Nordström, ont presque déserté. Quant aux guests, seul le guitariste Gus Karamitroudis as
Gus G. vient claquer un solo sur Befalling. Les Grecs ne se précipitent plus, ils prennent le temps d’une démonstration rigoureuse qui dévoile sur chaque titre un riff, une ligne mélodique, un pattern, qui va irrésistiblement accrocher l’oreille de l’auditeur.
Traumaticon est également plus sombre que son prédécesseur, les riffs introductifs immergent l’auditeur dans des paysages abyssaux, la batterie qui ne faiblit que rarement, empêche la mélancolie de nous gagner, quand les guitares, soli à part, construisent des murs pour nous isoler du monde des vivants. La voix de John Nokteridis nous rappelle également à l’ordre, ce growl autoritaire gronde comme le tonnerre dans la nuit. La voix devient intrigante lorsqu’elle susurre en introduction du titre de l’album, les guitares projettent dans des dimensions oniriques comme seuls les élus natifs de Grèce savent les distiller avant d’assurer un déchaînement des forces endormies.
Les lignes mélodiques de
Traumaticon sont enrichies d’émotions d’une beauté exceptionnelle entrecoupées de coups de rage démentielle. La production incroyable d’équilibre permet de faire un pont entre ces univers en opposition sans rien enlever de la force de l’un et de l’autre, elle est d’une justesse confondante. Les guitares continuent, par ailleurs, d’illuminer des espaces inconnus mais sans orgueil ni volonté de démonstration technique, alors pourtant qu’elles restent bien présentes. Les deux instrumentaux révèlent cet état de fait à travers un jeu poignant. Les Grecs ne forcent plus, un élan naturel porte ce
Traumaticon, chargé d’émotions et de secrets, en particulier sur les titres
Traumaticon et
Secrecy.
Un opus qui demande une certaine patience avant de s’en imprégner totalement. Tout ce temps investi n’aura finalement pas été vain.
Exhumation profite enfin des fruits de son travail en nous proposant un album aussi puissant que prenant. La version japonaise, sortie chez
Avalon, comme pour
Dance Across the Past, bénéficie de trois titres supplémentaires. Le premier est un réenregistrement, il s’agit de
Deepest Side of Fear qui replonge dans les premières heures du groupe, tiré de la démo de
1994 du même nom. Le groupe enchaîne avec une reprise de
The Killing Moon du groupe
Echo & the Bunnymen ; et termine avec un inédit Infinite
Shadow, présent par la suite, sur la compile Holy Bible 1992-2002 du label Holy Records.
Si Dance parlait avec les tripes,
Traumaticon parle davantage avec le Cœur, et réussit à nous éblouir dans un style qui plonge ses racines dans une obscurité hermétique.
Exhumation n’a jamais été aussi près de tirer son épingle du jeu et d’imposer son talent sur une scène, qui bien qu’elle en regorge, est déjà en train de s’essouffler artistiquement parlant.
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