On aurait presque oublié à quel point le mouvement Fusion a pu être important dans les années 90. A l’heure où le style végète dans un relatif anonymat, le moment est donc venu de vous parler d’un de ces plus illustres représentants. Disons-le d’emblée, ne cherchez pas une once d’objectivité de ma part. Mais, étant donné qu’il s’agit d’un de mes disques de chevet, peut-être, m’accorderez-vous ce manque de neutralité ? « Time’s Up » est pour moi un de ces disques qui vous marque au fer rouge, de ceux qui vous ont touché au point d’être inscrit dans votre
ADN ; une sorte de « Madeleine de Proust », qui recèle de multiples détails faisant écho à des souvenirs intimement liés à l’adolescence. Je n’hésite pas à qualifier ce second
Living Colour comme un témoignage de l’originalité qui caractérise son époque. D’ailleurs, « Time’s Up » va bien au-delà. C’est le mélange de toutes les nuances de couleurs au sein d’un seul et même tableau.
Bien avant l’avènement des
Living Colour,
Fishbone et autres
Faith No More, un groupe de
Rasta va s’illustrer dès la fin des 70’s en combinant ses influences Punk / Hardcore avec du Reggae : Les
Bad Brains. Bien que condamnée aux réseaux « alternatifs », cette formation va avoir un impact immense sur bon nombre de musiciens en herbe à commencer par un certain Vernon Reid. En 1984, le Guitariste va s’entourer d’autres instrumentistes et pas des moindres : Le Batteur
Will Cahloun (qui vient de la Berklee School of Music de
Boston), le Bassiste Muzz Skillings (qui est diplômé de musicologie) et le Chanteur Corey Glover (qui s’est également illustré en tant qu’acteur dans le film « Platoon » d’
Oliver Stone). Composé de 4 afro-Américains bien décidés à ne s’imposer aucune limite, le groupe va aller encore plus loin que son model en créant un univers très personnel. Ce qui en résulte, c’est une fusion entre le Rock, le
Metal et différentes influences qui viennent de la culture « Black » telles que la Funk, le Jazz, la Soul, le Rap, etc. Fort d’un patronyme en adéquation avec ce métissage culturel,
Living Colour est né.
Pur hasard ou coup de pouce du destin, l’histoire veut qu’un certain Mick Jagger ne soit pas étranger à cette soudaine mise en lumière. Très impressionné, l’interprète de « Satisfaction » s’est investi à bien des égards, notamment, en les prenant sous son aile. Il intervient au niveau de la production tout en assurant les chœurs (et l’Harmonica) sur certaines chansons du premier album «
Vivid » (1988). Sur cette lancée, le groupe fut invité à assurer la première partie des Rolling Stones (le Steel Weels Tour). «
Vivid » fut un succès (certifié 2 fois disque de platine) et récompensé par un Grammy Awards (Meilleure performance pour le single « Cult Of Personnality »). Notons que Vernon Reid apparait également sur les efforts en solo du célèbre chanteur «
Primitive Cool » (1987) et de Keith Richards « Talk Is Cheap » (1988). Puisqu’on ne change pas une équipe qui gagne, le producteur Ed Stasium et la Rock Star vont récidiver avec une belle brochette d’invités lors de la création du 2ème album. Pour ma part, j’ai découvert le groupe avec « Time’s Up » attiré par une chronique dans le magazine Guitares & Claviers. L’article en question faisait partie d’une sélection des meilleurs disques à conseiller à ses lecteurs. Le chroniqueur ne tarissait pas d’éloge sur Vernon Reid qu’il décrivait, ni plus ni moins, comme l’héritier de Jimi Hendrix. La description qui en était faite ainsi que la liste impressionnante des crédits m’a décidé à franchir le pas et aller l’acheter au feeling. Et autant dire que j’ai été bien inspiré ce jour-là !
Construit un peu à la manière d’un album de Rap, « Times’s Up » est constitué de 15 titres (dont 3 interludes) pour près de 60 min de musique, enrichi par une ribambelle de « Featuring ». Le résultat est étonnamment homogène malgré l’éclectisme musical qui en découle. Pour décrire l’apport du célèbre guitariste, il suffit d’imaginer ce qu’Hendrix aurait pu faire dans un groupe de
Metal après avoir absorbé les influences et techniques développées tout au long des décennies 70 et 80. Son jeu versatile fait des merveilles autant en rythmique qu’en solo. L’ingéniosité de ses interventions illumine, littéralement, l’ensemble des morceaux (Ecoutez les riffs de «
Pride » et ceux d’ « Information
Overload » tout comme le solo aux consonances Jazzy de « Someone Like You » et vous comprendrez ce que je veux dire). Précisons qu’ils sont agrémentés de nombreux effets et mélodies aériennes qui vous transporterons loin très loin (Par exemple, l’intro géniale de «
Fight The
Fight », ou encore « Type » et son enchevêtrement de plans Heavy et d’effets atmosphériques). Si vous êtes prêt pour le grand voyage, écoutez «
Solace Of You » une chanson au parfum exotique qui vous expédiera directement au soleil.
Le très charismatique Corey Glover tire lui aussi son épingle du jeu. Sa voix « Soul » offre un bon contraste avec le caractère Heavy des morceaux. Son chant à la fois puissant et nuancé lui permet d’assumer tous les registres avec aisance (du plus habité «
Pride » au plus haut perché « This Is The
Life » en passant par le Hit fédérateur « Love Rears It’s Ugly Heads »). Comme c’est de coutume dans ce milieu, le Bassiste ne se contente pas de doubler les parties de grattes. Il joue même à armes égale avec elles en sortant tout son arsenal technique (écoutez le break du morceau titre, les effets sur l’interlude « Ology » et sa maitrise du Slap sur « Elvis Is
Dead »). Bien entendu, le Batteur n’est pas là, non plus, pour faire de la figuration. Il assure, de fait, une solide assise rythmique (Il faut l’écouter cogner sur «
Fight The
Fight » et sur « Type » pour s’en convaincre). C’est également le cas dans un registre plus fouillé et subtil (« Love Rears It’s Ugly
Head», « This Is The
Life »).
L’autre point fort qui caractérise cet album se trouve être dans son imposante liste d’invité. Souvent très éloignées de l’univers
Metal, ces collaborations sont loin d’être anecdotiques. A ce titre, 2 morceaux se distinguent. Sur « Elvis Is
Dead », Mick Jagger et Little Richards interviennent aux chœurs avant de laisser le Saxo de Marcélo Parker s’ex
Primer. Le résultat est un « melting-pot » de plans Funky capable de concurrencer les
Fishbone sur leur propre terrain.
Pas des branquignols quoi ! Quant à « Under Cover
Of Darkness », il surprend au fur et à mesure qu’il progresse de par les interventions de Queen Latifah (Artiste multi-casquettes connue notamment pour être pionnière du Rap au féminin), laquelle nous fait profiter de sa verve et du Saxo de Don Byron (accompagné du Black
Swan Quartet) pour un final, des plus, explosif déclinant ces éléments tout azimut.
A l’image de son visuel très fouillé, « Time’s Up » offre, à mon sens, un parfait condensé de ce que les plus grands de la Fusion sont capables. Une œuvre hétéroclite qui n’en finit pas de nous livrer tous ses secrets. Le rôle du producteur Ed Stasium (Ramones, Talking Heads) est également à souligner. Le moindre détail est éminemment mis en valeur par son travail qui ne souffre pas du poids des années. Concernant les textes, une citation extraite du livret résume bien leurs propos : «
Freedom of expression is not negotiable.
Fight all forms of censorship ». « Time’s Up », c’est avant tout un choc culturel qui permet de casser les préjugés. C’est aussi la réunion d’artistes d’horizons divers qui s’associent au profit d’un but commun : Celui de défendre la liberté d’expression !
20/20
Mon préféré !
Excellente chornique , (enfin une pour rendre justice à cette oeuvre). Tou cela me donne envie de me replonger dans ce Time's up dont j'ignorais bon nombre d'anecdotes et d' infos sur les titres. Même si j'aime cet album , ma préférence va à Stain qui reste pour moi une référence.
Un énorme classique !
Et comme disait George Clinton, Marcélo Parker, Marcel au placard.
Nan sérieux elle pique les yeux celle-là !
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