Edgar Allan Poe ; poète et romancier américain du XIXème siècle, remarquable figure de la littérature américaine et instigateur reconnu du roman policier dont de nombreux récits préfigurent également les genres de la science-fiction et du fantastique. Modeste auteur de divers recueils de poèmes, critique littéraire au « Burton’s Gentleman’s Magazine » notamment puis homme de lettres reconnu et encensé suite à la parution du poème « The
Raven » en janvier 1845 qui dès lors investira les pages littéraires des plus grands périodiques de la côte Est tel que le « Evening Mirror » de
New York, le natif de
Boston dépeint dans nombre de ses écrits un univers fantastique et morbide incitant au voyage et conséquemment au refus de la réalité d’un monde absurde et superficiel. Nul doute que l’œuvre et la personnalité de cet écrivain de légende à la fin tragique fut source d’inspiration créatrice pour nombre d’artistes torturés et parfois même subversifs à l’instar d’un certain
Carpathian Forest..
Carpathian Forest se forme sous le nom initial de The Childmolesters en 1990 à Sandnes en Norvège autour du vocaliste et claviériste Roger «
Nattefrost » Rasmussen et du guitariste Johnny « Nordavind » Krovel. Un temps rebaptisé
Enthrone, le projet des névropathes asociaux du comté de Rogaland abandonne le concept thématique de la dépravation sexuelle propre à The Childmolesters pour investir dès 1991 celui des ténèbres et des forces occultes dans une première démo de
Misanthropic Black
Metal intitulée «
Black Wings ». Sous le funeste patronyme de
Carpathian Forest voit le jour quatre démos parmi lesquelles «
In These Trees Are My Gallows » et «
Journey Through the Cold Moors of Svarttjern » (1993) avant que ne sorte en 1995 sur le label italien Avantgarde Music un premier EP répondant au nom solennel et augural de «
Through Chasm, Caves and Titan Woods ».
Motörhead et
Venom. Telles semblent être les influences musicales majeures animant de façon on ne peut plus prépondérante le black metal basique mais terriblement efficace du
Carpathian Forest cuvée 1995 tant les intenses et jouissifs «
Carpathian Forest » et « The
Pale Mist Hovers Towards the Nightly
Shores » transpirent irréfutablement un feeling roots garantissant alors la singularité du combo à l’aube de la démocratisation et de la pérennité des orchestrations grandiloquentes héritées de l’immuable
Emperor chères aux
Dimmu Borgir,
Limbonic Art et autres
Bal Sagoth pour ne citer que quelques uns de ces groupes trop faciles d’accès qui dommageablement monopoliseront les projecteurs sur un style jadis intimiste, magique et réservé aux seuls initiés. Manque de vision et primarisme musical diront certains ; puissance sonore brute et authentique diront les autres ; toujours est il que «
Through Chasm, Caves and Titan Woods » semble constituer l’expression sincère et on ne peut plus franche de la névrose pluridimensionnelle de deux aliénés solitaires pour qui un black metal primitif et malsain à souhaits s’avère probablement être le seul et unique moyen de canaliser une aversion exacerbée d’un monde extérieur jugé vain, matérialiste et corrompu moralement et ainsi d’éviter d’en venir aux armes et de passer le restant d’une existence cynique et maudite derrière les barreaux d’une cellule de prison froide et humide selon les propres termes des géniteurs du combo norvégien de Sandnes. Dans un registre presque similaire à celui de la sauvagerie émanant des deux premiers morceaux du disque, relevons « When Thousand
Moon Have Circled » quoiqu’au tempo plus retenu que sur les invectives atrabilaires que sont «
Carpathian Forest » et « The
Pale Mist Hovers Towards the Nightly
Shores » mais qui cependant parvient aisément à empreindre l’âme tourmentée de l’auditeur de sentiments fielleux et vindicatifs au possible, notamment grâce à une rythmique des plus lancinantes.
Les grands artistes de ce monde présentent pour beaucoup la particularité et le paradoxe de voir leur démarche créatrice se déchirer fréquemment de façon ambivalente entre des inspirations en apparence contradictoires mais en finalité on ne peut plus complémentaires. Ainsi, alors que d’un point de vue superficiel sa facture semble être synonyme de brutalité primaire et rétrograde, «
Through Chasm, Caves and Titan Woods » présente également le grand intérêt d’investir les sphères dénuées de lumière de la mélancolie et de d’autres affections cristallines à travers des morceaux incitant l’auditeur à s’émouvoir et rendant hommage à l’œuvre littéraire de l’auteur
Edgar Allan Poe notamment. A ce titre, « The
Eclipse / The
Raven » et «
Journey Through the Cold Moors of Svarttjern » tendent irrémédiablement à rompre avec les patterns imposés par les primitifs «
Carpathian Forest », « The
Pale Mist Hovers Towards the Nightly
Shores » et autres « When Thousand
Moon Have Circled » pour laisser
Carpathian Forest épanouir des aspirations romantiques mais sombres au sein de sa première production officielle. Véritable ode à la solitude et à l’introspection personnelle, « The
Eclipse / The
Raven » voit un
Nattefrost réfléchi et affecté s’exprimer avec une émotion incommensurable sur une complainte musicale désenchantée, récitant pour l’occasion et avec une solennité remarquable un couple de strophes tirées du poème « The
Raven » d’
Edgar Allan Poe narrant la claustration tragique d’un être torturé dans une chambre vétuste ayant pour seule compagnie ses propres démons et quelques livres dans lesquels s’évader psychiquement. Ultime doléance de l’opus, la magnifique mais dépressive «
Journey Through the Cold Moors of Svarttjern » qui grave, lancinante et glaciale à souhaits semble flirter avec une insolente complaisance en compagnie d’un suicidal black metal obsédant rappelant les premiers états neurasthéniques des légendaires
Xasthur,
Shining et autres
Forgotten Tomb.
Oscillant pertinemment entre véhémence musicale brute et romantisme sombre et raffiné pour au final révéler un premier effort de grande classe possédant l’insidieuse capacité à envouter l’âme d’un auditeur dès lors à la limite de la transcendance mentale, «
Through Chasm, Caves and Titan Woods » s’avère être une démarche intéressante illustrant l’affection prononcée de deux âmes sombres et dignes représentantes de l’underground black metal norvégien. Respirant à pleins poumons une authenticité sans faille à une heure ou le metal noir se complait honteusement dans les sphères aseptisées du music business qui jadis lui crachait à la figure, ce premier EP de
Carpathian Forest est à conseiller à tous les amoureux du black metal sincère et désintéressé synonyme dans le cas des dégénérés du comté de Rogaland de perversion, de haine ultime et de misanthropie mélancolique.
Petite remarque HS après visionage de la video jointe à la chronique: pourquoi mais POURQUOI une musique aussi sombre et sérieuse que le Black Metal s'accompagne toujours de corpse paint clownesque et d'une attitude ridicule ???
Sinon encore une très bonne chronique qui me donne envie de jeter une oreille sur l'album.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire