Tout semble s'accélérer pour le combo ukrainien. En effet, le premier EP à peine achevé que naît, 2 mois plus tard, un second dénommé «
Therion of Wawel ; auto-production au mixage équilibré où s'enchaînent 5 titres opératiques sur un ruban auditif de 23 minutes tout au plus. Moins dense et contrairement à son aîné, ce nouvel opus ne propose plus d'instrumentaux et met davantage l'accent sur le chant masculin, la partie féminine étant désormais reléguée au second rang. De plus, bien que fonctionnant sur un même modus operandi, le line-up a subi quelques modifications. Ainsi, on retrouve l'auteur/compositeur, guitariste, programmeur et unique instrumentiste Andrey Femyak (ex-
Amily), accompagné cette fois de quatre vocalistes (au lieu de six), à savoir : Elena Volska (mezzo-soprano), Miroslav Dubinetskiy (ténor), déjà présents sur le premier EP, ainsi que Kateryna Grytsyk (alto) et Mykola Piddubnyk (baryton/basse), récemment intronisés. Et cette nouvelle donne n'a pas été sans effets sur l'évolution du projet.
Dorénavant, c'est du côté des premières moutures de
Rhapsody Of Fire,
Stratovarius et surtout
Therion, que le groupe a puisé son inspiration, contrairement au précédent effort, essentiellement infiltré par les premiers travaux de
Leaves' Eyes,
Nightwish,
Amberian Dawn, même si
Therion n'a pas été absent de la liste. Ainsi, le quintet ukrainien propose un metal symphonique mélodique et classique au tempo le plus souvent mesuré, aux arrangements de bon aloi mais à la technicité timide. Ce faisant, il aurait troqué la touche prog pour une autre plus opératique. Aussi, le message musical peut-il apparaître lisse, un peu terne, manquant de cette dynamique qui faisait le sel de certains passages du précédent opus. Bref, un changement d'orientation stylistique qui pourra dérouter l'auditeur non initié aux codes du genre, du moins au début.
Contrairement à bien d'autres formations metal symphonique à chant mixte, ce seraient les passages où domine l'interprétation masculine qui emporteraient plus largement l'adhésion. A commencer par l'entame de l'opus « Apollonius of Tyana
Journey » ; prégnant low tempo aux fins arrangements où grésillent par touches les riffs, et où alterne un profond baryton et un ténor haut perché, dans un frissonnant échange basé sur de stupéfiants contrastes. Non sans rappeler
Stratovarius, avec quelques relents de
Rhapsody Of Fire (à l'époque de «
Triumph or
Agony »), à la sauce ukrainienne, ce morceau racé recèle bien des armes de séduction pour nous rallier à sa cause. D'autre part, c'est sur des charbons ardents que nous mène «
Once at Wawel Hill », alors rapidement mué en un agréable mid tempo aux riffs massifs et scabreux et doté d'un léger tapping. Dans le sillage de
Therion, à l'aune de « Secret of the Runes », ce titre classieux et sensible fait la part belle au ténor et au baryton, au demeurant parfaitement harmonisés, les sopranos ne venant les rejoindre qu'en fin de parcours. Bref, une brillante performance vocale pour un morceau réservé aux amateurs de metal symphonique éminemment classique.
Parmi les pistes où se combinent chant masculin et féminin, l'une d'entre elle sort du lot, les deux autres témoignant de quelques points de faiblesse, notamment sur le plan mélodique. Dans cette lignée, le baryton partiellement mué en basse infiltre « Smocza Jama », low tempo opératique lui aussi dans la veine d'un
Therion des premiers émois.
Plus loin, une mise en parallèle avec la mezzo-soprano se fait jour, comme pour nous intimer de rester plus que de raison. Par ailleurs, un riffing vrombissant et saccadé émerge, et même surmonte les nappes synthétiques pour s'imposer en finalité. Ainsi, tout semble sous contrôle. Un peu trop, peut-être...
Dans cette veine, se répondent en écho les quatre vocalistes lyriques sur l'énigmatique «
Seven Stones », bref low tempo opératique doté de riffs gras et répétitifs. L'ambiance est d'autant plus pesante que ces derniers étreignent une rythmique lourde et d'une régularité métronomique. En cela, il nous rappelle les premières œuvres de
Therion, à l'image de «
Deggial ». Lorsque virevolte un libertaire violoncelle, une véritable symbiose s'opère entre interprètes. Mais la sauce peine à prendre tant la ligne mélodique est fade, sans consistance, et les vocalises en proie, elles aussi, à la répétition. Enfin, mid tempo poussif aux riffs graveleux, «
Therion of Wawel » révèle de fines harmoniques mais une sente mélodique monotone, peu propice à une écoute prolongée. Malgré de somptueuses joutes oratoires entre baryton, ténor et mezzo-soprano et en dépit d'arrangements de bonne facture, le morceau a bien du mal à nous emballer. On n'insistera pas.
Si cet album témoigne d'une réelle qualité d'enregistrement et de prestations vocales au-dessus de tout soupçon, il lui manque ce petit supplément d'âme qui lui aurait valu une inconditionnelle adhésion. De plus, ce classique propos accuse quelques baisses de régime (mélodies en demi-teinte, accords convenus, dynamique émoussée...) et peu de variété rythmique et atmosphérique. Par ailleurs, cette œuvre encore taillée dans la roche trahit, une nouvelle fois, un manque d'épaisseur artistique, le combo ne parvenant guère à apposer sa signature au point de nous faire oublier ses sources d'influence. Les quelques passages impactants seront-ils suffisants pour maintenir une attention constante auprès d'un auditorat de plus en plus sensibilisé aux vibes de leurs modèles identificatoires et au metal symphonique à chant mixte, en général ?
Pas si sûr. On en attend donc plus, beaucoup plus de la part d'un collectif qui avait su nous émouvoir sur leur précédente livraison. La balle est désormais dans leur camp...
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