La plus grande prudence est de mise dès lors que l'on se trouve face à un one-mand band de funeral doom… C'est-à-dire qu'en ayant expérimenté des déchets tels qu'Ego
Depths, sans parler des laxatifs comme Satanarsa et
Boyanov Gimn / Gris Records en sortent par wagons et au rabais, forcément l'expérience finit par rimer avec méfiance. En citant ces deux labels pourvoyeurs de "bedroom funeral" à la chaîne (les peuples de l'Est sont champions dans la catégorie), on aurait tôt fait de stigmatiser la section atmo / ambient du funeral doom caricaturée "je reste le doigt calé sur la même touche du clavier".
Ce serait oublier que ce petit microcosme compte quelques talentueux artistes sachant maîtriser le minimalisme (aussi difficile que jouer 15 notes à la seconde ou tenir du 300 bpm) et doser la répétitivité (hypnotique sans être narcotique). On citera bien sûr le grand patriarche Stijn Van Cauter (en particulier avec
Until Death Overtakes Me), mais en se limitant aux projets solos, on se rend compte que pas grand-chose ne reste suffisamment marquant pour venir rapidement à l'esprit (si ce n'est l'excellent
Lethargy Of Death, ainsi que Qhwertt en dérivant un peu vers le drone). Ou alors, il faut se tourner vers les duos comme
1000 Funerals,
Fungoid Stream, Odio Vestri et
The Liquescent Horror (bedroom en colloc' mais avec qualité king size, s'il vous plaît).
Bref, à la simple vue de sa carte de visite et dans le plus expéditif des a priori,
The Howling Void pourrait se faire exécuter fissa : échappée solo coincée entre des projets donnant dans le death/grind brutalo-gore (
Abosranie Bogom,
Intestinal Disgorge), avec un gars (un certain Ryan) ne possédant aucun manifeste pédigrée de doomster… Tout le profil du parfait somnifère… En apparence.
Car à écouter ses deux précédentes réalisations (
Megaliths of the Abyss,
Shadows Over the Cosmos), il faut reconnaître que
The Howling Void s'en sort bien, en proposant un funeral doom à tendance atmo / ambient de calibre tout à fait honorable (on passera sur le terme "symphonique", dont la réalité demeure assez vague). "
Shadows Over the Cosmos" lui a notamment permis de se faire remarquer au milieu des nombreuses sorties de
Solitude Prods, même si la galette peine à dépasser le niveau de bonne musique de fond.
L'heure est donc de savoir si, avec ce dernier-né "
The Womb Beyond the World", l'américain se contente de poursuivre son ronron habituel ou se décide à passer un cap. C'est la deuxième option qui est en surbrillance, clairement, sans pour autant que le bonhomme révolutionne son style.
L'affiliation à UDOM demeure aussi claire que le nez au milieu de la figure, dans la teneur d'ensemble supra-éthérée, le minimalisme limite basique et le growl diffus récitant quelques rares paroles noyées dans la stratosphère. Idem pour les influences
Shape Of Despair, particulièrement évidentes à l'écoute de "The
Silence of Centuries", son riffing agissant comme un poison lancinant, ses mélodies simples et mélancoliques, réminiscences de l'immense "Shades of…". Sans oublier un soupçon de
Tyranny délesté de l'impact apocalyptique, lors de séquences jouant passagèrement sur l'effet de pesanteur (
The Womb Beyond the World, Lightless
Depths), le tout mis en valeur par une production nette et sans bavure, telle qu'on peut l'attendre de la part d'une institution comme
Solitude.
De ce panorama somme toute traditionnel se révèlent, au fur et à mesure des écoutes, des agencements légèrement moins figés, des respirations acoustiques mieux pensées, un poil de polyphonie supplémentaire,… Toute une foultitude de microscopiques détails qui, mine de rien, accrochent subtilement l'oreille et rendent la musique de
The Howling Void davantage captivante que par le passé. Petites touches, grands effets : voilà une progression que l'on pourrait qualifier d'effet papillon pour un rendu véritablement immersif.
Dans la seconde partie de "Lightless
Depths", de sublimes arpèges nous envoûtent tandis que surgissent des grandioses vagues de claviers nous enveloppant tel un liquide amniotique, avant que les courants du final "Eleleth" ne nous emportent vers un ailleurs… Vers un rivage lointain où le ressac nous dépose, échoués, à la porte d'une autre dimension. Un univers sombre, mais dénué de toute menace.
Les atmosphères laissent derrière elle un champ d'interprétation ambivalent, ce que traduit parfaitement l'intitulé du disque, à la fois introspectif (the womb) et spatial (beyond the world).
Sans conteste pour
The Howling Void son œuvre la plus aboutie à ce jour et qui permet au one-man band de décrocher le précieux sésame : faire partie du haut du pavé en matière de funeral doom à dominante claviers. Et dans un genre aussi casse-gueule, c'est déjà une grande réussite en soi.
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