Plus tôt dans l’année, Disembodied
Tyrant publait son troisième EP
The Poetic Edda en collaboration avec Synestia, une réalisation aussi entreprenante que prodigieuse qui aura permis à l’artiste
Blake Mullens* d’amener un vent de fraîcheur au deathcore par le biais d’inspirations classiques et baroques. Au-delà d’une franche réussite, le jeune musicien a été soudainement propulsé en acteur majeur d’une musique moderne et émotionnelle. Les chiffres ne mentent pas avec des compositions qui ont cumulé plusieurs millions de vues et qui place le one-band en tête de liste aux côtés de formations telles que
Thy Art Is Murder,
Suicide Silence ou encore
Shadow Of Intent.
* dans ma précédente chronique, j’évoquais un duo mais il s’agissait d’un projet solo, navré pour cette fausse information
Ce n’est que quelques mois plus tard que l’interprète et compositeur américain nous dévoile sa quatrième esquisse The
Tower : Part One, cette fois-ci sans participation d’un vocaliste ou d’une formation externe. En revanche, c’est avec une lineup sérieusement étoffée et renouvelée que le combo se présente avec les arrivées de Dominic Petrocelli à la guitare (ex-
Nemora, ex-Career Oportunities), Lucas Koughan à la basse (
Fallujah) et Kevin Alexander à la batterie (
Demise Of
The Crown,
Brought By Pain). Ce mini-album de seulement trois titres et d’une durée d’un peu moins de quinze minutes est sans conteste moins insolite et extravagant que son prédécesseur de par sa tournure symphonique et blackened très semblable à celle de
Lorna Shore.
Pour autant, la réalisation de cet opus est une nouvelle fois sensationnelle et l’exécution est saisissante, un sens du détail qui ne semble avoir aucun secret pour notre récent quatuor. Lorsque les chœurs s’unissent sur le titre Aberrant Waltz, l’effroi est palpable, le sentiment apocalyptique prend véritablement aux tripes et nous sommes médusés devant une telle élaboration.
Bien qu’elles soient assez timides, les suggestions classiques et baroques témoignent d’une mélancolie, d’une sensibilité qui sont encore trop peu représentées dans le style death. L’introduction du morceau d’ouverture
Icarian est une référence à une pièce de classique, la Sonate des Trilles du Diable de Guiseppe Tartini. Cette courte mais intense prélude est remplacée par une malfaisance et une sévérité intraitables escortée par une atmosphère morose typique du black metal. Le titre impressionne par sa technicité, notamment sur ses percussions où son hâtiveté et ses connotations tribales ne sont pas sans rappeler The
Art Of Dying de
Gojira. Certains riffs sont d’ailleurs très traditionnels et s’apparentent davantage au death classique qu’à l’hardcore.
La qualité de la production n’est pas seulement instrumentale car les prestations vocales sont toutes aussi pétrifiantes et complexes. Sur Malphasian, cette diversité au chant est la plus remarquable : les premiers instants tendent vers une ambiance mystique dans un registre clair puis chavirent sur une tessiture growlée conventionnelle. Les quelques ébauches à la voix écorchée et gutturale contribuent à une souffrance et une angoisse pures, une panique également perceptible par le solo de guitare et les riffings du breakdown final. Quelques effets électroniques sont même interprétés pour ponctuer cette crainte et la rendre trouble.
Les pannes peuvent paraître quelque peu désuètes ou ridicules par une influence slam omniprésente caractérisée par des rythmes languissants. Pourtant, elles sont toujours justes, parfois inattendues à l’instar des breaks d’Aberrant Waltz où l’on retrouve des éléments neo-classiques par la présence d’accords acoustiques. Le breakdown d’
Icarian s’illustre par une aspiration thall assez similaire à
Vildhjarta ou Humanity’s
Last Breath, un djent expérimental et effrayant ainsi qu’une brutalité et une lenteur qui nous envoie dans les tréfonds du purgatoire.
Avec The
Tower : Part One, Disembodied
Tyrant signe une nouvelle étape décisive dans son ascension. En conjuguant technicité, intensité émotionnelle et directions variées, le projet démontre une capacité rare à transcender les genres tout en affirmant son identité. Si cet opus se montre plus conventionnel que
The Poetic Edda, il n’en reste pas moins une œuvre d’une puissance et d’une richesse incontestables. Avec un son affiné et une direction artistique audacieuse, le quatuor mené par
Blake Mullens confirme qu’il n’est pas seulement un acteur émergent mais une force incontournable de la scène deathcore moderne. Le futur s’annonce prometteur et l’attente pour la suite de ce premier acte ne pourra qu’être fébrile.
Merci beaucoup pour la chro ! Bien que je ne retrouve pas sur cet EP ce qui m'a fait tomber sous le charme de The Poetic Edda, je suis impatient de voir ce que la formation peut donner sur un album complet, tant en termes d'inspirations que de maintien de l'attention (relativement novice dans l'univers Deathcore, je dois avouer que je peux finalement zapper assez vite si je ne discerne pas de vraies évolutions qui démarquent un morceau d'un autre).
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