Mortis Mutilati, en voilà un nom sympathique ! Les amateurs d’extrême le savent, avec un patronyme pareil, il y a peu de chances que la formation évolue dans le power symphonique ou le neo metal et c’est en effet du black metal que nous sert le one-man-band d’Etampes...
Formé en 2011, la formation sort avec
The Stench of Death son quatrième album. Si le groupe n‘est pas encore très reconnu malgré son activité, cette nouvelle livraison pourrait bien changer les choses tant le black metal délivré ici est de qualité : d’emblée, l’intro Nekro nous frappe par son côté mélodique et poignant, arpèges fluides et virtuoses à la mélancolie triste qui nous donnent l’impression de marcher dans les longs couloir délabrés d’un grand château à l’abandon, le vent et la pluie s’engouffrant en hurlant par les carreaux brisés. Un certain romantisme se dégage de cette composition, une beauté désabusée et fanée qui renvoie au cliché de la pochette, et ce n’est pas ce chant féminin à la tristesse voilée qui va me faire mentir.
Puis, sur Echos From the Coffin, un rythme lent et lancinant vient nous embrasser de ses bras décharnés, appuyé par la double pédale et le raclement de gorge aigu de
Macabre. Les guitares sont vénéneuses, distillant des harmonies maladives et charriant un flot d’émotions autodestructrices qui nous submergent, et
Mortis Mutilati vogue habilement entre plusieurs courants de black metal, fusionnant une sorte de DSBM très propre et soigné, à une musicalité admirable qui lorgne parfois vers le gothique (ces guitares plaintives, les cœurs féminins lyriques, ces claviers qui viennent tisser de leurs notes hypnotiques une aura de dépression). Le résultat est très réussi, notamment grâce à un travail admirable sur les guitares, ces dernières proposant des riffs accrocheurs et traînants qui nous hantent de leurs notes aussi lugubres qu’entêtantes. Au détour de ces huit compositions, on croit apercevoir des ombres chuchotantes, pâles fantômes d’une grandeur oubliée qui se flétrit dans les miasmes de la vieillesse, de la maladie et de la déliquescence, et rappelant par moments le black aristocratique de
Celestia dans l'ambiance dégagée.
Si la musique de
Mortis Mutilati est très mélodique (
Echoes from the Coffin, le lent et spectral Crevant-Laveine, l’arpège cristallin et larmoyant qui entame Regards d’
Outre-Tombe), ces cinquante minutes parviennent à véhiculer un malaise palpable, notamment grâce à ce chant déchiré, à ces tempi majoritairement lents qui nous enferment dans une spirale de morosité et de neurasthénie, et à ce riffing superbe à la beauté aussi hypnotique que dérangeante (Regards d’
Outre-Tombe,
Portrait Ovale, les exemples ne manquent pas). Le tout se fait parfois un peu répétitif dans les harmonies et les structures, mais d’une manière générale la qualité est incontestablement au rendez-vous, et l’écoute intégrale de cet album est même curieusement éprouvante tant les mélodies portent ces ambiances noires, froides et désespérées qui donnent envie de regarder le sang s’écouler de nos veines ouvertes en sirotant placidement un verre d’absinthe (
Portrait-Ovale aux notes aigues et bourdonnantes qui nous harcèlent, l’Odeur du
Mort, étouffant, avec sa basse lugubre et ce riffing qui se répète encore et encore). Il y a une certaine noblesse dans cette décadence et dans cette monomanie autodestructrice qui fascine autant qu’elle révulse (le début plus qu’explicite de Homicidal
Conscience), et on se laisse d’autant plus entraîner dans les méandres de cet album que l’on sait que la mort, omniprésente sur ces dix pistes, est inévitable.
The Stench of Death est donc une très belle surprise qui devrait ravir tous les croque-mort et les âmes torturées, réussissant le pari de mêler mélodies et intensité en un black metal, travaillé, froid, et envoûtant à la personnalité affirmée. Qu'on se le dise, avec
Mortis Mutilati, la mutilation n’a jamais été aussi belle…
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