Cinq ans de silence radio soufflés déjà depuis leur troisième et incandescent album studio, «
Shadows of a Broken Past »... D'aucuns n'étaient alors pas loin de penser, à tort, les espoirs de pérennité du projet britannique à jamais envolés. Se plaisant à déjouer tout pronostic et mû par un élan d'inspiration renouvelé, voici le sextet londonien remis en selle. Aussi, aux fins d'un travail en studio des plus minutieux, nous livre-t-il un quatrième opus de même acabit, «
The Solace of Ancient Earth », signé, comme ses prédécesseurs, chez Golden
Axe Records. Ce faisant, les armes esthétiques et techniques des 10 pistes de cette fraîche offrande permettront-elles à nos six gladiateurs d'afficher une farouche résistance face à leurs si nombreux opposants ?
Plus encore, les 54 généreuses minutes du ruban auditif de la galette seraient-elles à même de les hisser parmi les valeurs de référence du metal gothique à chant féminin, douze ans après leur sortie de terre ?
Dans ce dessein, l'équipage du précédent navire a subi un remaniement de fond. Si l'on y retrouve le membre fondateur et batteur Marc Dyos, le guitariste Ross White (
Lunatic Hooker) et le claviériste Marcus Matusiak, Oz Wright se verra, lui, remplacé par Jamie Hunt (
One Machine, Omicida), à la guitare, Mark Harrington (
To-Mera), par
Ash Porter, à la basse, et Emily Alice Ovenden (Celtic
Legend, ex-Mediaeval Baebes), par Sophie Dorman, en qualité de frontwoman. De cette collaboration naît un propos metal symphonique gothique aux relents power mélodique, dans la lignée de
Within Temptation (première période),
Imperia,
Ancient Bards et
Xandria. A l'aune de ses devanciers, mixage et mastering ont été laissés aux soins d'un certain Jacob Hansen, prolifique producteur (Ad
Infinitum,
Arch Enemy,
Destruction,
Mercenary,
Volbeat...), ingénieur et pluri-instrumentiste (
Pyramaze,
Invocator...) danois de son état. En découle un mix parfaitement équilibré entre lignes de chant et instrumentation ainsi qu'une belle profondeur de champ acoustique. De quoi nous intimer d'aller explorer plus en profondeur les entrailles de ce quatrième vaisseau...
Comme il nous y a déjà accoutumés, le combo nous mène volontiers en de magmatiques territoires, avec pour effet de nous aspirer dans la tourmente sans avoir à forcer le trait, le plus souvent. Ce qu'atteste, tout d'abord, « An
Earthen Lament », up tempo enjoué aux riffs crochetés et inoculé d'un léger tapping, à mi-chemin entre
Xandria et
Ancient Bards ; voguant sur de sémillants arpèges d'accords sur lesquels se calent les angéliques impulsions de la déesse et recelant un vibrant solo au synthé que relaie un non moins prégnant legato à la lead guitare, l'époumonant et solaire effort poussera à n'en pas douter à une remise du couvert sitôt l'ultime mesure envolée. Dans cette mouvance, le diluvien «
Ancient Soul » comme le fougueux « Hold of
Winter », quant à eux, n'auront de cesse de nous bousculer sous les assauts répétés de leurs furieux coups de boutoir tout en sauvegardant une seyante ligne mélodique. Et la sauce prend, une fois encore.
Un poil moins éruptives, d'autres plages pourront à leur tour, et d'un battement d'ailes, nous retenir plus que de raison. A commencer par « Spirits of the
Trees », mid/up tempo aux riffs acérés, au carrefour entre
Within Temptation et
Imperia ; pourvu d'un refrain catchy mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène et d'une fulgurante montée en régime du corps orchestral à mi-morceau – investie d'un saisissant face à face entre une guitare léonine et un serpent synthétique aux inaliénables reptations – ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret. Dans ce sillage se place l'aérien et engageant « Your
Dark Reign » qui, en dépit de la complexité de certaines de ses séquences d'accords et de quelques linéarités mélodiques, ne déclenchera pas moins un headbang subreptice.
Dans une dynamique rythmique similaire, et bien que moins directement inscriptibles dans les charts, certains espaces d'expression s'avèrent non moins aptes à nous assigner à résidence. Ce que révèlent, en premier lieu, les tortueux mid tempi progressifs «
Black Wings » et « Crumble to
Dust », eu égard à leurs enchaînements intra piste ultra sécurisés et à leurs insoupçonnées et poignantes accélérations. Par ailleurs, c'est cheveux au vent que l'on parcourra «
Dawn Will Come », un polyrythmique espace metal symphonique gothique à la fois rayonnant et tourmenté. Et ce n'est pas le flamboyant solo de guitare à mi-morceau décoché qui nous déboutera davantage de l'énigmatique manifeste, loin s'en faut.
Quand ils nous livrent leurs pièces en actes symphonico-progressives, nos compères trouvent à nouveau les arguments susceptibles de happer le pavillon. Ce à quoi nous sensibilisent, d'une part, les quelque 6:16 minutes de « :
Ghost in the Woods », à la lumière de saisissants effets de contrastes atmosphériques et rythmiques. Aussi y décèle-t-on des couplets finement ciselés, à la cadence mesurée et des plus invitants, dans la veine d'un
Within Temptation des premiers émois, alternant avec des refrains bien plus enlevés, dans le sillage d'
Ancient Bards. Encensée par les troublantes ondulations de la frontwoman et couronnée d'un fringant solo de guitare, la petite fresque n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. Et comment ne pas se laisser porter par les vibes enchanteresses exhalant des entrailles du félin et ''xandrien'' « Soul to the Sea » ? Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, doté d'un fondant refrain magnifié par les ensorcelantes modulations de la diva ainsi que d'un subtil et ''floydien'' legato, l'atmosphérique et opulent effort conclue de la plus belle des manières cet essai. Sans doute le masterpiece de l'opus.
En définitive, le sextet britannique nous livre une œuvre à la solide architecture harmonique, témoignant d'une technicité instrumentale plus aboutie aujourd'hui qu'hier et fleurant bon la féconde inspiration mélodique de ses auteurs. Une fois encore, un réel effort a été apporté aux soli de guitare et aux arrangements orchestraux, parallèlement à une ingénierie du son parfaitement huilée. A l'instar du précédent élan, on aurait cependant espéré quelques moments d'apaisement, par une ballade ou deux, afin de rompre la monotonie d'une rythmique bien souvent calée sur un tempo soutenu. Cela étant, sa fraîche et poignante empreinte vocale tout comme la qualité de ses enchaînements et l'absence de tout bémol susceptible d'affadir l'attention du chaland sont des armes supplémentaires permettant à ce quatrième mouvement de dépasser d'une tête l'éruptif «
Shadows of a Broken Past ». Aussi à défaut de se poser dès lors en valeur de référence, le collectif londonien conforterait néanmoins sa position parmi les valeurs confirmées du metal gothique à chant féminin. Encore un peu plus près des étoiles...
Très belle chronique qui me donne l'envie de ré-écouter l'album et aussi impatient de recevoir le dernier EP du groupe.
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