Parmi les multiples formations connues pour avoir été influencées de près ou de loin par la musique de
Cradle Of Filth, il en est une qui a su attirer sur elle moult critiques l’accusant d’être un vulgaire plagiaire de ses compatriotes britano-vampiriques. Cette formation anglaise d’abord appelée Daemonum, fut fondée en 1993 par le guitariste Nigel et le chanteur Jon Kennedy (qui fut un temps bassiste de CoF, détail qui a sûrement son importance) avant d’être rebaptisée définitivement
Hecate Enthroned en 95. L’année suivante, le groupe signe un contrat avec le jeune label oxfordien
Blackend Records et sort son EP
Upon Promeathean Shores qui correspond en fait à un réenregistrement de sa démo
An Ode for a Haunted Wood. Une première production qui déjà fit débat, étant donné que celle-ci emprunte plusieurs éléments à un certain The Principle of
Evil Made
Flesh.
Le groupe enregistre finalement son premier full-length durant l’hiver 1997... prétendument « à la pleine lune »... tout en créditant son claviériste aux “ Choirs of the Damned ” et son chanteur/auteur des textes à la “
Satanic Poetry ”... Oui, oui, je confirme, ça sent bon le pompage des gimmiks de Cradle qui ne fut pourtant pas le seul à utiliser ce genre de procédé dans ses livrets (souvenez-vous des jeunes membres de
Darkthrone... mais ne digressons pas trop !). Sinon, on peut remarquer que la piste introductive de ce
Slaughter of Innocence se nomme “
Goetia ”, le nom même de ce qui devait être le premier disque produit par CoF en 93 (mais qui n’a finalement pas vu le jour)... curieuse coïncidence, mon cher Watson !
Bon, clôturons ce débat une fois pour toute : OUI, Jon Kennedy copie sans vergogne les techniques vocales de Dani
Filth, OUI le choix d’insérer une intro et des interludes assez longs dans la tracklist n’a rien d’innocent et OUI il est certain qu’au niveau structure, riffs ou lignes mélodiques, il y a parfois de grosses ressemblances avec les morceaux de Vempire ou de
Dusk...and Her Embrace : des morceaux complexes variant entre assauts brutaux et middle-tempo aériens ; ici des breaks à la “ Queen of the
Winter, Throned ” ou à la “ The Rape and Ruin of Angels ” ; de ci de là, une partition spectrale échappée de “
Nocturnal Supremacy ” ou de “ Beauty Slept in Sodom ”, etc.
Néanmoins,
Hecate Enthroned a quelques atouts personnels dans sa manche. L’élève plus ou moins avoué sait se détacher du maître par l’ajout de judicieux arrangements de guitare acoustique (comme sur l’excellent instrumental aérien “ A
Monument for
Eternal Martyrdom ”) et en ne s’encombrant ni de mélodies heavy ni d’une quelconque voix féminine racoleuse : les riffs fermement ancrés dans un Black
Metal brut de décoffrage oscillant parfois vers le Thrash,
Hecate Enthroned propose une ambiance moins théâtrale que CoF, avec des claviers en fond choral qui se rapprochent souvent davantage de la majesté du jeune
Emperor (In the
Nightside Eclipse), la complexité et la densité des nappes en moins. Soulignons surtout que les montées dans les suraigus du brun corbeau Jon restent toujours fondues dans le mur sonore des guitares ou les lignes orchestrales.
Ténébreuse et laissant peu de place aux apitoiements, l’œuvre est avant tout dédiée à un antichristianisme primaire et à la corruption, concepts magnifiés à la fois par des chansons à la verve démoniaque et un artwork austère, la pochette grisâtre étant semblable à un double négatif d’une photographie illustrant l’innocente qui progressivement va être happée par la beauté de l’Adversaire. Quelque répit sera donné entre chaque déferlement de violence mais les transitions sont oppressantes, en particulier ces glauques sonorités souterraines qui suivent le lancinant “ The
Spell of the
Winter Forest ” (morceau où s’illustre la guitare sèche de Nigel) et précèdent l’impitoyable “ Aflame in the Halls of
Blasphemy ” aux paroles autocensurées et à la fin en fade-out.
Si la production à l'ancienne rend assez mal les sons les plus graves et met un peu trop en avant la caisse claire de la batterie, elle a toutefois l’avantage d’accentuer l’épaisseur des guitares supersoniques de Marc et de Nigel et modifie de manière intéressante certaines attaques de cymbales, faisant songer à des éclats de verre, à des bris de statues idolâtrant les pauvres saints du Ciel. Dans l’ensemble, la seconde partie du disque se veut plus hargneuse que la première. Le titre éponyme et son lointain piano apparaissant de bout en bout constitue le point de rupture : à partir de là, les aérations via de courts middle-tempos se raréfient et les furieuses envolées de l’inépuisable Jon deviennent quasi-omniprésentes.
On sera cependant plus critique à l’égard de sa voix gutturale qui aurait surtout méritée une meilleure mise en relief (cf. notamment l’autre morceau autocensuré “ Christfire ”), le mixage lui étant préjudiciable. En ce sens, il s’avère davantage convaincant sur les passages les plus brutaux, avec en premier lieu la totalité du transcendant “ Within the
Ruins of
Eden ”. D’ailleurs, il est intriguant de constater une totale noyade d’un court chant clair entonné trop discrètement dans la deuxième partie de “
Beneath a
December Twilight ” mais peut-être est-ce un choix artistique ? L’innocence noyée par les ténèbres... définitivement perdue après ces courts chuchotements entonnés juste avant la dernière vicieuse poussée de “ The Dance
Macabre ”.
Malgré des influences évidentes et des petites imperfections relativement frustrantes, The Slaugther of Innocence, a
Requiem for the Mighty est un disque qui ne manque pas d’efficacité, d’homogénéité et de caractère, un petit bijou parmi les multiples outsiders Black mélodique/atmosphérique sortis dans les années 90. En somme, du
Old Cradle of
Filth plus black, épique et fluide, moins tape-à-l’œil ou grandiloquent et sans influences dark, death ou heavy dans les riffs.
Beau boulot !
Un album que j'aime profondément !
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