Décidément, le Chili devient au blackened thrash ce que l'Allemagne était au thrash traditionnel dans les 80's. Véritable vivier de groupes souvent talentueux, cette terre de l'autre bout du monde qui règne sur plusieurs latitudes est en passe de devenir LA référence de tout le continent, se substituant à d'autres contrées pourtant mieux équipées et à la population plus fournie.
Apostasy, fondé en 1988 et auteur d'un unique album, le terrible
Sunset of the End sorti en 1992 en format cassette (et donc passé complètement inaperçu en nos contrées et d'ailleurs récemment réédité par
Fallen Temple en CD et
Dark Power Records en LP - avis aux fans de
Dark Angel) parvient à sortir en 2018 son second full-lenght chez
Fallen Temple, visiblement satisfait de son poulain. Probable que le succès de la compilation sortie chez le même label en 2013 et l’émergence de toute la scène nationale n'y soient pas étrangers non plus.
Alors, ça vaut quoi
Apostasy en 2018 ? Le trio SkullFukk à la batterie, Cris Profoner qui compose tout à la place de Tom Araya (qui fut le premier thrasher reconnu mondialement d'origine Chilienne et donc grand-père spirituel de toutes ces pousses contemporaines) et Sebastarot dans les fines cordes officient dans un blackened thrash à ranger dans la veine de
Hellish Crossfire. A savoir un thrash à l'ambiance malsaine, qui se veut blasphématoire, agrémenté de passages acoustiques réussis (l'intro "Praise of
Darkness", puis "The Great
Damnation" que n'auraient pas renié le Roi Diamant, et enfin la ligne de basse de "
Serpent Spell"), et porté par une coloration acérée, chère au
Darkness Descends de l'Ange Sombre, dont on attend avec impatience le réveil discographique, soit dit en passant. Ainsi, le fabuleux "
Virgin Sacrifice" assène ses coups de boutoir à base de riffing venimeux et effréné. On nage en plein thrash extrême, poussé à 200 BpM, soutenu par les déclamations de Profoner (écho inclus) et un refrain entêtant. Vraiment un titre carton, laissant présager une tuerie dans le genre.
Malheureusement, sur la (faible, on y reviendra) distance, l'album ne tient pas ce summum de qualité. Oh, pas que ça soit mauvais, simplement à force d'écouter
Hell Awaits ou
The Force (
Slayer,
Onslaught) en boucle ("
Witching Fire") certaines compositions manquent singulièrement de relief et de l'intensité promise par ce premier morceau. "
Armageddon Is
Near", par exemple, avec son tempo fainéant et persistant, laisse retomber un soufflet prometteur, devenant très poussif sur sa globalité, malgré un solo limite hardrock surprenant. Alors, bien sûr, on se raccrochera sur les déclamations convaincantes de Profoner, ainsi que les boucles typiques d'un thrash bercé par le
Slayer de 1985. Et, finalement, arrivé assez rapidement en bout de course, on se dit que
Apostasy possède le souffle d'un sprinter et n'aurait jamais dû quitter les tempi rapides, tant il semble plus convaincant dans ce genre d'exercice sans oublier des soli réussis ("
Strike of the
Tormentor"). Mais enfin, 3 instrumentaux sur 8 titres pour 32 minutes de musique, et malgré la qualité du final "
Satan Ascends", fortement inspiré par le grand
Slayer, ça nous laisse sur notre faim.
Au final, et même si on peut comprendre l'intérêt de surfer sur la vague extrême Chilienne du moment pour ces vétérans ayant été là avant beaucoup de jeunes pousses,
The Sign of Darkness ne réussit que par (de belles) fulgurances à s'extraire de la masse. Dommage, car il y a moyen de faire un album référentiel avec plus de constance, de matière, et en lâchant le frein à main. Cris
Profaner n'est pas encore Patricio Spalinger (
Ripper - d'ailleurs Skullfukk en porte fièrement un t-shirt, il a du goût le monsieur), Dans le genre Bloodrust
Scythe de
Hellish Crossfire reste plus constant, et
Apostasy gagnera à chasser sur les terres empreintes de rapidité plutôt que de s'embourber dans des zones pesantes qui alourdissent son propos. Un disque trop court, intense par intermittence, et qui à défaut d'un bon repas, a le goût d'une belle mise en bouche. Vite, la suite.
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