Bercé par la folie de sa culture, le japonais You Oshima est parvenu, en deux albums signés sur Holy Records, à répandre une musique aussi avant-gardiste qu’exceptionnelle.
Son art n’est certes pas particulièrement perméable, et la majorité d’une scène devenue frileuse n’acceptera pas cet album sans doute moins digeste que ce à quoi pouvait s’attendre une partie du public de "Into the Oriental
Phantasma", un premier opus qui, bien que marqué du sceau du génie, comportait encore de nombreuses influences européennes, notamment dans les hurlements black plus typiquement scandinave (le fabuleux "
Endless Labyrinth" le démontrera jusqu’à la fin des temps !).
Dans les abysses d’un metal expérimental, "The Second
Renaissance" résonne comme l’appel d’un artiste aussi fou que génial. Paradoxalement mégalomane et introverti, ce magicien asiatique œuvrant à la fois derrière les manettes, les guitares, les programmations, les claviers et s’occupant de l’ensemble des hurlements, You Oshima est parvenu à s’extraire d’un genre pour en créer un totalement nouveau.
Ce n’est plus vraiment du metal que nous écoutons ici. Nous pénétrons sur des terres uniquement conceptuelles et émotionnelles, où les barrières stylistiques sont aussi futiles que violées. S’inspirant à la fois du manga
Ghost in the Shell et du conte du petit chaperon rouge, ce cinglé à accouché d’une œuvre dérangeante, noire, malsaine mais portée par une virtuosité de tous les instants, et ce jusque dans la production.
Très fine, propre et lisse, elle renvois à la froideur d’une lame du sabre tranchant la chair et s’emparant de lame dans un rituel quasi naturel.
Malgré tout catalogué comme du black symphonique,
Kadenzza dévoile dès "The
Embers Of Reveries" qu’il est bien plus que cela. Une furie de rapidité, une multiplicité vocale et surtout une virtuosité guitaristique inspirée du néo classique pour une osmose nouvelle et merveilleuse. Le chant clair est aussi désespéré que celui de You est noir et autodestructeur.
"The Second
Renaissance" est une quête difficile dans son accomplissement, et les nombreuses interventions solistes du violon ne sont pas pour simplifier une écoute déjà rendu difficile par la richesse du style.
Mais que dire face au phénoménal "
The Abyss Stares At You", s’ouvrant sur une piste unique de violon naviguant entre réel et imitation. Les symphonies montent en puissance, lentement, puissamment, la tension grandie en nous, tente de nous prendre la gorge avant que ne se fasse entendre un magnifique cortège religieux, clair, splendide. Puis une explosion de haine avec l’arrivée effroyable de You Oshima. Vomissant ses paroles, les hurlant tel un damné devenu inhumain, il dialogue avec ce chœur venu des cieux et arrachant une à une chacune de nos tripes. Le solo se fait ensuite entendre, sa virtuosité hallucinante renvoyant à la déficience mentale de son géniteur, avant que tout cela ne s’accélère dans un blast annihilateur et grandiose, rendant les ténèbres plus belles que n’importe quels rayons de soleil.
Si "Utakata" s’éloigne complètement d’un genre musical préétablie pour explorer des horizons uniquement symphoniques, grandioses et inquiétant (chanté en japonais), un titre tel "In The Woods" à de quoi surprendre.
Car ici, il ne s’agit non plus de métal ni de musique mais uniquement d’un alliage d’ambiance et d’atmosphères si glaçantes qu’elles semblent créée dans un but cinématographique.
You Oshima, de son génie, parvient à instaurer un climat effrayant et malsain avec un unique accord de piano, si dérangeant que son écoute en devient étouffante. La narration, ayant une volonté plus conceptuelle que réellement musicale, parvient à faire redescendre une tension que l’on ne pourrait tolérer plus intense, à la fois introspective, pénétrante et contemplative d’un monde en suspens dans sa propre démence.
Mais si "In The Woods" se révèle étouffante, quel terme donner à "Mother’s
Flesh", exagérément malsain, musical et dérangeant. Loin de la splendeur de "The Wolfoid" (un titre de cinglé, au chant absolument dément et à la rapidité inhumaine !), "Mother’s
Flesh" s’ouvre sur des grincements électroniques rejouant avec nos organes internes.
Exploitant au maximum la schizophrénie de son compositeur, en y incorporant excessivement d’effets, rendant son chant plus dérangé qu’il ne l’était déjà, perdant sa dernière trace d’humanité au profit d’une mécanicité démoniaque, psychopathe et dérangeante au possible, accompagnée par le retour du chant clair et par la voix lumineuse d’une jeune fille, dont les interventions, loin de réconforter l’auditeur, ne font que le plonger encore plus loin dans une spirale où la morale semble étrangère.
Glaçant, le passage hérité du petit chaperon rouge (“Mother, what big ears you have Mother, what big eyes you have Mother, what big claws you have Mother, what big teeth you have”) ne pourra laisser personne indifférent, impossible de ne pas frissonner. Débutant dans une rapidité démesurée, pour rapidement entrouvrir le paysage atmosphérique, il est comme une longue agonie, un long supplice entre un bourreau et sa victime, rendue encore plus abominable par l’ajout de passages industriels et de riffs d’une lourdeur sans précédent, hachant notre peau comme du beurre.
Rythmé par quelques notes de claviers semblant décompter notre avenir en ce monde avant une explosion finale dantesque : la destruction, la mort, le chaos infiniment accompagné d’un sentiment de plénitude sans jamais abandonner cet univers malsain et latent dans la ligne de piano se terminant sur un "
Redemption" une nouvelle fois cinématographique, nous laissant en suspens et en proie aux doutes.
Une écoute qui laissera irrémédiablement des séquelles, autant musicales que psychologiques. Car, même après l’avoir vécu et une fois le disque achevé, ce sentiment de peur qui nous occupait ne nous a pas quitté…et c’est dans les profondeurs d’une nuit sans sommeil, que toute la bestialité de mes cauchemars prendra vie. "The Second
Renaissance" n’en étant que l'inéluctable commencement…
J'aime énormément le titre Mother's Flesh reprenant d'ailleurs très bien la version orale et originelle la plus morbide du petit chaperon rouge.
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