Voilà ce qu'on appelle un virage musical à 800°. Je sais, cela donne un peu le tournis de faire plus de deux fois le tour de soi-même, mais à vrai dire, c'est exactement ce qu'on ressent lorsqu'on entend ce disque et que l'on sait qu'initialement,
Ephel Duath était un groupe de black symphonique. Assez expérimental, certes (les italiens semblent plutôt forts à ce petit jeu là, puisqu'ils comptent aussi dans leurs rangs un certain
Eneth, groupe étrange malheureusement trop peu connu et trop peu distribué), mais tout de même, il y a de quoi être surpris.
Qu'en un an seulement, une formation passe d'un black symphonique à un hardcore jazz complètement barré, ça laisse baba. Ceci s'explique bien sûr par le démembrement presque complet de la formation initiale, qui laisse le guitariste du groupe seul aux commandes, et libre de partir en vrille comme il l'entend.
Alors imaginez... Un hardcore très progressif, chargé de crises régulières, et de passages beaucoup plus calmes, planants, piqué de crises saxophoniques dissonantes jazzy, d'influences jazzy un peu partout (écoutez donc un peu la batterie pour voir, c'est monstrueux de technique et de rapidité, de justesse, tout en ne se rapprochant pratiquement jamais d'une batterie métal classique). Un chant clair aérien et mélancolique doublant un chant hardcore très typé, parvenant à se faire presque doux (par rapport à un chant habituel du genre s'entend, cela reste des vocaux hurlés, tout de même), plus lisse et mélodique sans perdre aucunement sa puissance... Voilà ce à quoi on a affaire, une monstruosité hybride fascinante. Une petite merveille imprévue et imprévisible. Un chaos sonore aux structures rappelant fortement des improvisations de free jazz, parcouru de lignes mélodiques conductrices. Un chaos organisé, millimétré sans en avoir l'air. Bref, un monument.
Décrire les mouvements de ce disque se révèle très difficile, et je ne me risquerai pas à la tâche. On notera tout de même des titres particulièrement excellents: Praha, orchestrale se trouvant être le morceau le plus jazz et le moins chaotique des morceaux, une petite perle belle et nostalgique,
Ruins avec sa batterie purement hallucinante de vitesse, ses breaks multiples et ses mélanges osés de chant clair et hurlé, et Ironical
Communion, sans doute le morceau le plus compliqué de l'album, 7 minutes de délire complet.
Alors, oui, cet album est fameux. Mais évidemment, il faut aimer le style. c'est le genre d'OVNI qui ne peut pas laisser indifférent. Soit on adore, soit on ne supporte pas. Je ne vous cacherai pas que pour beaucoup de monde, ce sera la deuxième option. Avant de se jeter sur l'album, il faut déjà écouter The Passage (le clip est très sympa d'ailleurs). C'est un morceau très représentatif du contenu sans être trop dur d'accès, si vous l'appréciez vous pouvez acheter. Sinon, évitez, vous n'en sortirez pas indemne.
Pour finir, une petite mention spéciale au batteur et au bassiste, qui sont tous deux particulièrement excellents.
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