"
The Only Way to Reach the Surface." Le programme est lourd. Comme une réhabilitation. Comme différentes pistes ou tentatives afin de retrouver un semblant de vie après le deuil, quel que soit sa forme. Retrouver une existence déchirée entre le passé et le futur, fatalement morcelée par les aléas de l’existence, ses souffrances et ses douleurs. C’est de cela qu’a voulu parler Nord pour son second album, suite à un premier essai qui évoquait justement ces deuils. Après la souffrance le soin, ou plutôt l’essai de guérison.
Ce n’est pas forcément si commun de s’attaquer à un concept si fort, encore plus sur deux albums, lorsqu’il s’agit de ses deux premiers. Le quatuor (anciennement trio) de Nord a décidé de le faire afin de donner un corps solide à sa musique, loin de n’être qu’un simple divertissement en soi. Après un premier opus assez mélancolique qui faisait écho aux difficultés de la vie (la perte d’un être cher, d’un amour, d’un boulot, d’une partie de sa vie), celui-ci évoque le fait de se faire violence pour s’en sortir et d’évacuer la tête hors de l’eau. Et de violence, il en sera question musicalement car Nord a considérablement musclé son style et une multitude d’influences extrêmes surgissent alors qu’elles étaient bien plus passives sur "
And Now There’s Only a River
Left Behind". Si on retrouve toujours ce côté rock atmosphérique, voir pop à la Muse, cela s’agrémente de nombreuses parties à la
The Dillinger Escape Plan, Between the Buried and Me ou
Textures. Autant dire que la dualité stylistique est importante, surtout si l’on ajoute un apport non négligeable de l’electro et de légères mélodies synthwave, éparses ici et là.
On passe donc d’une introduction tout en nuances, acoustico-électronique (Muse période "The 2nd Law" es-tu là ?) intitulé "Love", au chant vocodé ne laissant rien transparaitre de la déferlante de violence que sera quelques instants plus tard "Violent Shapes". C’est un blast effréné qui cueille l’auditeur à froid, le transperce de part en part par un riff mathcore à la The Dillinger avant que le chant de Flo ne vienne tout adoucir. On se demande alors à quelles branches se rattraper tant tout cela change d’atmosphère et c’est ce qu’il faut se dire. Nord touche à tout, manipule la violence brute et intense avec les mélodies les plus douces et caressantes. Pour preuve le break de ce premier titre, aux guitares hurlantes pleines de saccades et aux plans mathcore qui se calment ensuite pour presque aller vers les contrées du prog rock. Et il faut avouer que l’ensemble sonne totalement cohérent, à peine choquant. Car là où un Between the Buried and Me ou un
Textures contrebalancent la violence avec des passages atmosphériques, Nord le fait souvent avec des schémas plus simples, pour digérer la complexité des passages violents et rendre l’ensemble plus digeste. On ne ressent pas, malgré le jeune age du groupe, le syndrome d’une copie trop persistante, ni d’un plagiat éhonté pour la simple et bonne raison que les influences affluent de partout.
Intelligemment, le quatuor propose des intermèdes entre ses titres, que ce soit le très ensoleillé (c’est le meilleur qualificatif que je trouve à ce passage d’une minute) "Circular
Haze" ou le plus ambiant "Happy
Shores", où la voix doucement éraillée de Florent nous évoque la pop britannique. Ces instants ne sont que des respirations entre les aspirations désormais beaucoup plus metal et brutales de ce second opus, résolument plus agressif que son prédécesseur. "The Unstoppable" évoquera clairement les influences déjà citées tandis que "We
Need to
Burn Down This Submarine" surprendra par son côté plus torturé, le tapping évoquant
Gojira sur lequel le chant déclamerait une évidente mélancolie. Parfaitement mené, ce titre est une réussite totale, passant de cette intro tortueuse à des passages plus fusion et funky. Et que dire du titre éponyme ? Si l’on colle le titre à "1215225" (Love, en codé) pt II à ce dernier, on ressort avec un monstre de dix-huit minutes.
Dix-huit minutes qui débutent par ces synthés typés 80s (petit voyage par "Strangers Things") et débute réellement sur un riff lourd et pesant que l’on retrouvera tout au long, comme un fil rouge. Différentes briques s’interposent au fur et à mesure, que ce soit des passages très mélodiques ou acoustiques, un moment totalement jazzy, des instants progs ou pop mais revenant toujours vers cette aura lourde qui émane de la composition. Comme si cette « unique chemin » pour sortir la tête de l’eau était semé d’embuches, que la lumière était au bout mais que les difficultés revenaient toujours, inlassablement, inéluctablement. Cette composition synthétise à elle-seule les influences et les autres morceaux du groupe, comme un patchwork de tout ce que l’album propose depuis le début.
Nord frappe un beau coup avec "
The Only Way to Reach the Surface" et pourrait plaire à un auditorat très large, pour peu qu’ils soient ouverts tant le groupe ratisse large dans son spectre d’influences. On pourra encore reprocher un certain penchant à empiler des idées avec une cohérence parfois relative mais c’est aussi le lot d’un groupe se cherchant encore totalement une personnalité et souhaitant montrer de quoi il est capable. Ils doivent encore affiner leur style, probablement moins s’éparpiller et un avenir radieux pourra s’offrir à eux. Reste à confirmer sur scène et sur les prochains disques pour démontrer qu’ils ne sont pas qu’un feu de paille.
Ça part dans tous les sens, mais ça a l'air vachement bien. Merci pour la chronique !
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