Sous cet étrange nom se cache un groupe sorti du fin fond de la Norvège existant depuis maintenant 1998. Si
Vulture Industries ne sortira son premier album (The
Dystopia Journal) qu’en 2006, l’essence même da la musique du combo s’inscrit dans une mouvance très réduite (ou trop large) dite post-black ayant pris naissance au milieu des années 90. Un terme peut-être trop flou et tellement porteur de contradictions (on trouvera aussi le terme d’avantgardiste) qu’on pourra y mettre tout et n’importe quoi. Laissons là un débat qui ne peut que s’annoncer houleux dès le départ…
Pourtant ils sont là, ces groupes qui portent haut en couleur l’étendard d’un mouvement désireux de s’échapper des codes trop serrés du Black
Metal.
Arcturus,
Diabolical Masquerade,
Shining ont déjà laissé de lourdes empreintes dans les terres Norvégiennes et Suédoises, peut-être lassés d’entendre parler d’un énième clone de
Darkthrone, de se peinturlurer en tristes clowns et de brûler des églises…
Il faudra maintenant compter sur
Vulture Industrie qui, fort d’un premier album plus que prometteur s’inspirant habilement de La
Masquerade Infernale d’
Arcturus, avance à pas de géant dans le monde de l’avant-garde.
Vulture Industries, c’est tout d’abord un univers, une histoire, un concept tournant autour du monde des Hommes et de leurs lois. Cet étrange personnage (incarné par un acteur de la ville natale du groupe, le même ayant collaboré à The
Dystopia Journal), symbole de la loi et de l’ordre, incarnant toute la rigidité d’un système judiciaire sclérosé, nous annonce d’emblée la couleur : elle sera infiniment noire. La corde de pendu pèserait-elle plus lourd qu’un livre de lois ?
La musique de l’industrie des vautours s’avère d’entrée de jeu déroutante et très surprenante. L’atmosphère est feutrée, progressive, sombre comme les ruelles de Race For The
Gallows.
Pas de traces, ou très peu, d’un quelconque rythme tranchant ou d’une brutalité sauvage et incontrôlée. Ce sont les touches discrètes et intelligemment amenées de divers instruments orchestraux couplées à des claviers qui confèreront à l’album toute sa théâtralité et sa grandiloquence. Quelques touches jazzy se feront remarquer de par le rythme plombé et empli de groove de certains morceaux (
Hangman…, Crowning The
Cycle).
Grandiloquentes, oui les pièces composant cet album de VI le sont sûrement, mais jamais pompeuses, ni dégoulinantes d’arrangements orchestraux surchargés. C’est l’apparente accessibilité de l’album qui aurait pu tromper, cette fausse impression de se trouver face à un disque très (trop) facilement assimilable.
Pourtant au fil des écoutes, toute la richesse et l’intelligence de composition dont a fait preuve le groupe se dévoile. Au travers tout d’abord du jeu subtil et accrocheur des deux guitaristes, délivrant des parties harmoniques fabuleuses comme sur l’intro de This
Cursed Flesh ou Branded
Blood. Et puis il y a cette ambiance dérangeante mais difficilement palpable, ce décor macabre et grotesque d’une ville sous l’emprise de la folie de ses habitants (l’étrange introduction instrumentale qu’était
Crooks And Sinners aurait du nous mettre la puce à l’oreille), fantastiquement retranscrite à travers le timbre si particulier de Bjørnar E. Nilsen, se positionnant en chef d’orchestre de cette pièce théâtrale et complètement décalée. Et sa voix, tout comme l’ensemble du cheminement de l’album, est délicieusement surprenante, comme possédée par les différents personnages de cette comédie! Alors qu’on ne s’y attend pas, c’est un chant haut perché qui vient nous cueillir à la fin de Race For The
Gallows, halluciné sur The Bolted Door, ou encore désabusé et résigné sur cette fin tragique (Of Branded
Blood), se repentant de ses actes sur sa chaise électrique… C’est tout une palette de sentiments infiniment profonds, contradictoires et tellement humains que ce fabuleux chanteur arrive à nous faire ressentir. Jusqu’à la folle et viscérale haine qui habite chaque être humain…
Elles sont là, ces touches de Black
Metal, disséminées par petits morceaux, cachées dans les structures alambiquées de chaque titre pour exploser soudainement, accompagnées par des claviers lugubres ou des riffs plus saignants que la normale (qui se contentaient jusque là de servir de rythmique). Le contraste n’en est ainsi que plus saisissant (I
Hung My
Heart On
Harrow Square fera sursauter plus d’une fois), et alors qu’on se croyait en sécurité, protégé par la toute puissante loi régissant les codes et les mœurs, explosent les pulsions dangereuses des Hommes dans toute sa noirceur (« no splendor, no praise… ! »).
Mélangeant à la perfection un large éventail de styles allant du jazz au vieux rock en passant par du progressif,
The Malefactor's Bloody Register est plein d’originalité et hautement addictif, et s’inscrit incontestablement comme une œuvre à part. De Black, le groupe n’en garde finalement que peu de racines, préférant regarder devant soit plutôt que dans le passé révolu (mais néanmoins glorieux) de l’âge d’or du
Metal Noir et avancer à pleine vitesse aux côtés d’
Arcturus, dépassant tous les archétypes et les conventions d’une scène qui peine un peu à regagner un second souffle .
Ça donne quoi sur scène, est-ce vraiment aussi décalé et théâtral que sur disque?
Qui sait, si ils passent en France avant Septembre prochain...?
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