D’abord lancé à l’aube de l’année 2005 par un couple de lycéens, «
Darkest Era » (qui avait germé sous le nom «
Nemesis ») est un groupe atypique, en particulier à cause de sa musique mêlant heavy metal, mélancolie et culture irlandaise. La troupe ne cache pas non plus son affection pour la formation «
Primordial ». D’ailleurs un lien peut être potentiellement établi d’un point de vue musical. Suite à leur démo éponyme «
Nemesis », la bande de Belfast décide en 2007 d’adopter le nom qu’on lui connait et prend une tournure plus froide. Elle réalise deux EP, en 2008, puis en 2010. Ce projet est très vite repéré par des professionnels du secteur, et le proéminent
Metal Blade Records daigne les signer pour leur premier album. «
The Last Caress of Light » est produit par le jeune Chris Fielding, qui avait déjà travaillé pour quelques prestigieuses formations britanniques et irlandaises («
Napalm Death » et «
Primordial » entre autres). Notons que Chris sera appelé à devenir durant les années suivantes une figure importante du milieu, du moins dans les îles britanniques, figurant de plus aujourd’hui au sein du line-up du groupe de doom «
Conan », dans lequel il avait participé en tant que producteur et ingénieur son. La jeunesse est une qualité parfaitement exploitée sur cet opus. Mais qui dit jeune, ne dit pas forcément dépourvu de maturité. «
Darkest Era » maîtrise sa matière, l’agrémente à sa façon, s’inspire à cette fin d’éléments divers, des éléments que l’on aurait cru inconciliables. Là, la lumière embrasse un court moment l’obscurité, rendant l’instant procuré inédit.
On retrouve sur cette pièce un attachement prononcé pour le patrimoine musical irlandais, sans pour autant considérer «
Darkest Era » comme faisant intégralement partie du folk metal. Cette question peut d’ailleurs être discutée, puisque la guitare acoustique et les percussions traditionnelles s’y invitent assez fréquemment. Mais on pourrait considérer aussi la part heavy metal majoritaire pour écarter son appartenance au folk metal. La même interrogation a pu être soulevée pour le projet «
Crom » de Walter Grosse, qui donne lieu à quelques similarités. Un titre comme « The
Morrigan » vient offrir pleine mesure à nos interrogations. S’illustrant en entame comme une ballade irlandaise, cela est vite balayé par un heavy metal endurci et moderne. Parfois on y retrouve une mélodie traditionnelle, des percussions à l’ancienne, notamment après le milieu de piste. Mais le couple guitare et chant impose une véritable tyrannie, rendant le contenu puissant et palpitant. Les hésitations autour du classement se fonderont aussi sur le long morceau «
The Last Caress of Light Before the
Dark », qui s’illustre par une entame acoustique prolongée, tendre et froide. Puis, immanquablement cela se charge en électricité et les riffs, au rythme pourtant assez mesuré, vous foudroient littéralement. II est regrettable que le titre pêche par sa redondance, le chant de Dwayne Maguire y est pertinent par son dynamisme, l’utilisation de chœurs accompagne parfaitement les percussions, renforçant l’aspect contemplatif de la fin de piste.
Pour y déceler une réelle appartenance folk, les extraits «
Beneath the
Frozen Sky » et Poem to the Gael » sont plus représentatifs. Le premier, par sa forte dimension contemplative, ces riffs lourds et mélancoliques gagnés par la percussion comme il est fréquent dans le pagan metal, mais aussi et surtout par la superbe ballade cavalcade acoustique après le milieu de piste. « Poem to the Gael » est très différent en comparaison, il s’agit bien là d’un pur titre folk de tradition irlandaise, le seul que l’on ait à rencontrer dans le présent volume, avec duo de chants (masculin/féminin), s’illustrant par sa douceur, par un chant calme contrairement à l’ordinaire offert par ce «
The Last Caress of Light ». Un ordinaire si intense, si implacable, si mélancolique en même temps, comme nous tend à le démontrer « An
Ancient Fire Burns » par son riffing brulant, pressant. «
Heathen Burial » mêle lui cette intensité à des menaces, à des sonorités intimidantes. Ce côté prédateur est écarté par le magnifique refrain, faisant de ce morceau une valeur incontournable de l’ensemble. Les amateurs de son brut infaillible se contenteront assurément d’un imperturbable et froid « To Face the
Black Tide », faisant de l’œil au divin maître «
Primordial ». Ceux qui ont plus de passion pour le heavy metal prendront plus en estime un titre comme «
Visions of the
Dawn », convaincant par sa virilité, sa rudesse ne faisant point impasse aux mélodies. Le chant semblerait juste ici un peu empêtré dans l’énorme vague produite par les guitares d’
Ade et de Sarah.
«
The Last Caress of Light » correspond à l’addition d’un halo lumineux dans un milieu sombre et froid. C’est l’alliance de la candeur et de la force. En allant au-delà d’un débat sur l’appartenance musicale de ce groupe, bien que s’apparentant visiblement à son confrère irlandais «
Primordial », dont il partage le goût pour la musique traditionnelle irlandaise, pour la mélancolie et son riffing rugueux, «
Darkest Era » s’impose par un jeu redoutable, un chant marqué par les émotions, faisant de ce combo et de cette oeuvre une pure révélation. Parfois éreinté par la redondance, les compositions nous révèlent pourtant un travail rigoureux de la part de cette jeune formation. Il est certain que «
Darkest Era » pourra s’offrir une place prestigieuse non loin de ses maîtres. «
Primordial » et «
Skyclad » ont trouvé un excellent disciple. La lumière n’est pas prête de s’éteindre.
14/20
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