Dans les froides contrées germaniques, dans la cité industrielle de Köln, se terre une entité maudite du nom d’
Ultha. Groupe de black metal fondé en 2014, le quatuor a déjà deux albums à son actif, mais j’avoue humblement que je le découvre seulement avec ce troisième méfait,
The Inextricable Wandering, défendu par la grosse écurie
Century Media, c’est donc avec une oreille vierge et sans attente particulière que je découvre sa musique.
Le premier titre, The Avarist (
Eyes of a
Tragedy) s’esquisse en douceur, s’ouvrant sur le chant vaporeux du clavier ainsi que la langueur électrique d’une guitare qui nous enveloppent dans une aura fantomatique. Le morceau s’anime lentement, gonflé d’une tension dramatique palpable, comme les vagues d’une mer qui se dressent avant de retomber dans un fracas de mort, roulis de riffs lents, nobles et puissants qui dégagent une mélancolie doublée d’une sorte de mépris superbe. Les teintes grises de la pochette sont parfaitement retranscrites par la musique, qui s’initie sur une sorte de black doom hypnotique, avec la voix à la fois rauque et écorchée de R qui pue le désespoir, ces semblants de mélodies anémiques à la beauté glaciale qui nous filent des frissons, jusqu’à cette explosion d’hystérie qui crève comme un abcès de pus, avalanche de négativité incontrôlée avec ces blasts serrés, ces guitares sifflantes qui donnent le tournis et un chant toujours plus fou et miséreux.
Ultha dessine là un black metal atmosphérique intense qui nous entraîne dans un tourbillon d’émotions, percé d’accès sporadiques d’une violence assez rare pour le genre mais toujours dominé par une vision esthétique d’une beauté juste et touchante. Les dernières minutes, la furie retombe, on flotte dans les nuages et on se retrouve bercé par cet état de torpeur proche de l’extase, à mi chemin entre doom onirique à la
The Prophecy et le plus planant des groupes de post black. Une schizophrénie impériale de 14,37 minutes d’une fluidité et d’une cohérence bluffantes, devant laquelle on ne peut que s’incliner - et sombrer.
Pas le temps de se remettre de ses émotions que With Knives to the Throat and
Hell In Your
Heart jaillit tous blasts dehors, sublimé par ce feeling épique incarné par une batterie sauvage, un riffing conquérant et un chant black arraché toujours aussi intense. Cette deuxième fresque se fait moins tiraillée entre douceur et violence, plus unie dans sa gamme chromatique et sonore, et arbore encore une fois un équilibre parfait entre mélodies entêtantes et rage destructrice, offrant un long passage instrumental final qui, malgré la virulence de la batterie, parvient à se faire presque contemplatif grâce au jeu lumineux et aérien des guitares.
Terminons cette description avec I’m Afraid to Follow You There, morceau fleuve de 18,41minutes qui se crée et se construit note après note dans nos oreilles avec cette rigueur musicale et ce feeling extraordinaire qui caractérisent tout l’album, s’amorçant par une longue plage atmosphérique avant de se muer en ce black metal à la fois furieux et mélancolique qui n’a pas beaucoup d’équivalent. De véritables montagnes russes émotionnelles qui explorent tout un monde intérieur sans laisser un seul moment à l’ennui, battu en brèche par cette alternance intelligente de ralentissements de tempo et d’emballements rythmiques, de parties saturées dominées par les six-cordes et de moments d’accalmie où règnent les claviers et de douces notes de guitare.
Et voilà 66 minutes d’un black metal magique et hors du temps qui s’achèvent. Comme je le disais en début de chronique, je n’avais jamais entendu parler d’
Ultha auparavant, et la claque n’en fut que plus violente : disons le franchement, ce Inextricable Wandering n’est pas loin du chef-d’œuvre, présentant six pièces d’une grande richesse et fignolées à l’extrême d’un metal noir à fleur de peau, à la fois sombre, froid, menaçant, contemplatif, désespéré. Voilà sans aucun doute ma découverte de l’année, et ce qui constituera probablement l’un des meilleurs albums black de 2018. Merci pour cette superbe errance musicale, définitivement inextricable.
Je n’ai pas ton aisance littéraire pour exprimer ce que je ressens, je ne vais même pas essayer au risque de me ridiculiser tant ta chronique est à l’image de cet album, une tuerie. Je vais juste te dire merci pour toutes ces découvertes, Carpe Noctem, Gra pour ne citer que ceux-là, et maintenant Ultha.je ne me remets pas de son écoute.
Merci beacoup pour ton complément qui me va droit au coeur! Heureux de pouvoir partager toutes ces belles découvertes, Ultha en est incontestablement une superbe qui mérite d'être connue et dont j'attends déjà avec imaptience la suite de la discographie!
Un autre groupe que je ne connaissais pas du tout jusqu'à récemment, et puis grâce à ta chronique, je me suis décidé à écouter Converging Sins qui m'a énormément plus. C'est incroyablement riche, profond et tellement mélancolique. Ce groupe nous plonge littéralement dans un abysse sombre d'une profondeur inimaginable. Alors je ne manquerai pas d’écouter ce nouvel album d’ici peu. Merci à toi.
Merci Icare pour la découverte et ta belle plume comme à l'accoutumée...
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