S'il y a bien un genre musical qui accorde beaucoup de soin et d'importance à l'artwork de ses pochettes d'albums, c'est le metal. Il n'est d'ailleurs pas rare, pour certains d'entre nous, de faire l'acquisition d'un produit que l'on ne connaît pas, uniquement en se laissant influencer par l'attractivité de ces dernières.
En tous les cas, je concède volontiers avoir souvent succombé à la beauté de certaines d'entre elles. C'est ce qui s'est produit dans le cas présent pour cet album de
Wretched Soul.
En premier lieu, un logo correspondant aux codes graphiques d'une musique agressive. Ensuite, une pochette qui met à l'honneur le monstrueux Cerbère, célèbre chien mythologique à trois têtes, qui vous souhaite la bienvenue aux Enfers, sur fond rouge vif. Tout cela sentait bon le soufre et les braises incandescentes.
Rajoutons à ces premiers indices quelques connaissances personnelles (certes parcellaires, mais que je pensais suffisantes) sur le label UKEM Records, spécialisé dans la musique extrême britannique (The
Obscene, Wolves in
Exile), et tout portait donc à croire que ce «
Ghost Road » allait me conduire directement dans l'antre brûlante d'un gros metal de la mort. Il ne m'en fallait pas davantage pour me décider à l'acquérir.
Quelques interrogations restaient néanmoins en suspens : cet opus de death metal auquel je semblais promis serait-il typé old school ? Ou peut-être blackisant ? Thrashisant, très technique ou carrément brutal ? A ce stade, difficile de répondre sans avoir écouté le son de la bête.
J'avais pourtant bien une hypothèse : ce serait plutôt un death lourd et mid-tempo du genre de
Funerus ou
Torture Killer ou, à la rigueur, du gros thrash/death qui tâche à la
Legion Of The Damned. J'en salivais d'avance.
Pressé de la valider, je rentrai à la hâte chez moi, m'installai confortablement et appuyai sur la touche "play"....
Lancement de la première piste...et première grosse surprise !!... Je dirais même déception : un riff basique aux sonorités typiquement heavy metal, suivi d'un interminable « WOOOooooooOOOOO...AAAAAAA.....Aouuuu !! »
…....Hein?????????!!!!!!!!
S'agirait-il du nouveau groupe de
True metal de Johan
Johansson (alias Glen
Metal, premier chanteur dans les années 2000 de
Cryonic Temple) ? Comment ai-je donc pu me faire berner de la sorte ? Ce machin-là n'était sûrement pas du death metal ! Affront inconcevable pour le vieux grigou que je suis, fin limier des bacs à disques...
Je compris alors que le sentier musical qui m'était indiqué allait prendre quelques détours inattendus. Mais pour aller où ...?
Je vous propose donc d'emprunter, comme je l'ai fait, cette route de tous les dangers. Death metal ou autre chose ? Pour savoir ce qui se cache au bout du chemin fantôme, attachez vos ceintures !
Cette entrée en matière, très heavy, aurait certainement eu de quoi déstabiliser le fan inconditionnel de grognements et allergique à toutes formes de metal traditionnel. Peut-être même au point de le faire renoncer à aller plus loin dans l'écoute.
C'est donc tel un boxeur groggy après un premier uppercut mal anticipé, mais bien décidé à poursuivre le combat, que je pose le pied sur la rive du Phlégéthon, fameuse rivière de flammes des Enfers. Je me trouve face à l'inévitable «
Necromancer ». La traversée s'annonce tumultueuse à l'arrivée du premier couplet, accompagné par un riff passe-partout, presque banal, mais qui donne malgré tout une sacrée envie de bouger la tête et taper du pied. La voix de Chris Simmons (ex Sanity Burns) me semble de prime abord évoluer plutôt dans un registre heavy abrasif, me rappelant sur le moment ce bon vieux Rock'n Rolf (???), mais néanmoins plus evil, ou même Christian « Spice » Sjörstrand (
Kayser). Même si on est très loin du casting habituel de 'The
Voice', avouez qu'on ne colle pas non plus avec l' « extrem music » revendiqué par le label du groupe...
C'est alors que déboule le refrain. Imparable, véritable hymne de scène, très chantant mais sans être joyeux pour autant. On y remarquera que les phrasés de Chris ont tendance à se durcir progressivement au fil du refrain, jusqu'à atteindre leur paroxysme avec un magnifique growl que je n'attendais plus, lâché sur un « communion / with / the … deaadddd !!!!!!» (1'45). Celui-ci est immédiatement soutenu par un arsenal rythmique lourd et plombé, apportant un regain de puissance à ce passage. Ah ! Là, ça commence à sentir bon le caveau.
Néanmoins, cette incursion morbide n'est que de courte durée puisque nous sommes rapidement de retour avec le heavy thrashisant du début de piste. Le deuxième service couplet/refrain incruste la mémoire et se montre décidément très entêtant. De nouvelles vocalises à nouveau plus extrêmes se reproduiront à nouveau çà et là (je retiendrai celles de 3' et 4'30''), mais cette fois de manière hurlée et tirant davantage sur les aigüs.
A l'issue de ce titre, je me dis que nous avons droit à une sorte de heavy/thrash chantant, mélodique mais rugueux.
Poursuivons alors sur ce chemin, simples âmes misérables que nous sommes (NDRL : 'wretched soul' traduit en français).
Eh bien, je dois dire que les trois titres suivants seront à peu près dans la même veine : j'en veux pour preuve '
War Wolf', avec ses riffs à la
Megadeth (époque
Rust In Peace) qui servent un thrash assez véloce où la double pédale vient soutenir la guitare rythmique, accompagnée par un chant insistant davantage sur les passages hurlés ou growlés, pour un rendu plus agressif. Sur '
Silent God', titre assez proche de ce que pouvait composer un
Human Fortress au début des années 2000, le chant de Chris prend des airs de Rob
Halford sur le couplet. La superposition de growl et de scream apporte quant à elle la touche "evil" au titre.
'The Great
Destroyer', hargneux et vocalement très émotionnel, montre toute l'étendue de notre chanteur caméléon qui, cette fois, sur les parties en chant clair des couplets, pose des lignes de chant caractéristiques d'un certain
Bruce Dickinson… Les riffs de guitares, tout en « tagada tagada tagada... » nous renvoient quant à eux à la période '
Piece of Mind/Powerslave » de la vierge de fer. Diable !
[...]
Cette route fantôme m'aurait-elle propulsé dans une boucle temporelle infernale, allant de l'Iron Maiden des années 80 jusqu'aux sonorités contemporaines plus agressives, en passant aussi par la période heavy épique des
Human Fortress,
Hell et consorts en plein essor dans les années 2000-2010 ?
N'y tenant plus, je calme le jeu et me résigne à faire quelques recherches sur ce groupe intriguant avant de poursuivre. Quelques navigations sur la toile plus tard, le verdict tombe: ce sera du Thrash/Death (cf.
Metal Archives).
Ah bon? Du thrash/death ça? Il y a certes des éléments thrash et death, voire même black d'ailleurs, mais j'avoue avoir du mal à faire le rapprochement avec des groupes comme
Expulsion, Hostil ou
Truth Corroded, dont les codes du genre sont immédiatement reconnaissables dès les premiers instants. Ici, ce n'est pas vraiment le cas.
Mais, ayant déjà atteint la moitié du parcours, j'arrive néanmoins à délimiter quelques contours du style pratiqué par le groupe de Canterbury : une base de heavy metal épique, inspiré par la NWOBHM, mais en beaucoup plus agressif, notamment par l'intermédiaire de la voix multi-facettes du chanteur, capable de s'adapter à tous les registres avec une certaine maestria. Je n'ai pas encore d'étiquette à proposer, mais je cherche encore. Alors, allons au bout de la voie, fut-elle sans issue !
Reprise de l'écoute sur des chapeaux de roues avec 'Bury the
Heretic'. Après un premier temps de scream/growl, l'ombre de
Bruce Dickinson s'invite encore par l'intermédiaire de ce Chris, inconnu de moi jusqu'alors, mais décidément très talentueux, me rappelant certains passages du fameux '
Brave New World'.
'I am the Thunderer' est le morceau le plus death de l'opus, la batterie officiant de temps à autres dans un semi-blast énergique. Le refrain est magnifique et ce morceau s'avérera être l'un de mes morceaux préférés de l'album. Aux alentours de 3'40, le morceau se calme et, sur fond d'orage, prend une tournure épique et progressive superbe.
Après avoir emprunté au frontman charismatique de la vierge de fer, c'est à nouveau à Rob
Halford que C. Simmons rend un fidèle hommage sur 'We made the Gods'. Celui-ci rappellera aux nostalgiques la période Painkiller ('
Night Crawler / Battle
Hymn') du grand
Judas Priest avec un morceau assez mid-tempo, qui à l'inverse du titre précédent, s'accélère et se durcit fortement sur la fin, virant carrément black. Une indication nous rappelant que l'on doit s'approcher vraisemblablement du gouffre ardent de l'enfer auquel nous sommes promis...
Les toutes dernières encablures qui nous en séparent s'ouvrent sur un beau riff à la mélodie celtique ou anglo-normande qui aurait très bien pu figurer sur le '
Deceiver of the Gods' d'
Amon Amarth. Ce titre de clôture s'annonce très épique. On y retrouvera un condensé de tous les parfums présents tout au long de l'album : des lignes musicales heavy glissant progressivement vers des horizons death ou black et inversement, entrecoupées d'un solo distordu typiquement thrash. La voix, toujours impressionnante, évoquera à certains, notamment sur la fin du titre, le grand Matt Barlow période 'Horror Show'.
Fin du voyage. Tout le monde descend.
Bon, si c'est à cela que devait ressembler la route qui mène en enfer, alors on pouvait bien prendre le risque de s'y aventurer sans trop de dommages, non?
J'ai conscience que les références évoquées tout au long de cette chronique sont finalement très éloignées des standards du thrash/death et pourront en choquer plus d'un au départ. Et si, comme moi, vous êtes friands du thrash/death de tradition germanique, la première écoute risque d'être déstabilisante. Ne vous attendez pas non plus à avoir entre les mains un concentré pur jus d'agression, comme ce peut être le cas avec un
Claustrofobia ou Divine Treachery par exemple. Mais, à tous ceux qui cherchent un peu de nouveauté dans le genre, je garantis beaucoup de plaisir à l'écoute de cet album, mêlant nostalgie des grands maîtres de la NWOBHM et éléments musicaux agressifs actuels. C'est une belle opportunité donnée également aux amateurs de hard' n heavy ou de power, qui n'osaient pas encore franchir le pas, de venir s'initier aux sonorités plus abrasives. Ce sera enfin une belle occasion, pour ceux qui ne le connaissent pas, de découvrir que Chris Simmons est un très très grand chanteur de metal.
Je dois vous confesser que j'avais formulé un voeu après les sorties de 'Powerslave' et 'Painkiller', il y a une trentaine d'années : qu'Iron Maiden ou
Judas Priest musclent encore davantage leur jeu pour produire à l'avenir des albums de plus en plus agressifs. Ils ne l'ont jamais fait.
Wretched Soul, obscur combo britannique, l'a exaucé et le résultat est vraiment convaincant. J'ai peut-être même enfin trouvé l'appellation qui caractériserait le mieux leur musique : de la NWOBHM extrême !
Voilà! album commandé...
C'est incroyable quand même! Il a fallu que tu lises ma chronique de PURULENT NECROSIS, que l'on échange quelques mots pour que tu m'orientes sur WRETCHED SOUL et me fasses découvrir ce groupe.
Je tiens à te remercier car je n'aurais jamais cru me remettre un chant "Heavy" dans les oreilles un jour.
"Necromancer" est un vrai "tube"! J'adore!!
Avec plaisir. Bien joué pour la commande!! C'est vrai que ça fait un peu le grand écart, mais c'est la magie de ce site ;)
Je viens de recevoir leur premier album aujourd'hui... hâte de me pencher dessus ^_^
Petit retour sur ce Veronica que j'attendais depuis longtemps: on y retrouve les mêmes ingrédients que sur Ghost Road, mais globalement, j'ai trouvé ce premier skeud moins inspiré. Les compos vont vite, la production est bonne mais l'ensemble se tient moins bien et m'a beaucoup moins séduit. J'attends donc avec impatience le troisième.
Je suis encore une fois d'accord avec toi Formetal.
Il manque ce petit côté "fraîcheur" et "accrocheur" qui existe sur "the ghost road". Je ne serai donc pas aussi dithyrambique avec "Veronica". Ça reste un bon album mais sans plus.
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