The Devil's Hall of Fame

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18/20
Nom du groupe Beyond Twilight
Nom de l'album The Devil's Hall of Fame
Type Album
Date de parution 23 Juillet 2001
Style MusicalMetal Progressif
Membres possèdant cet album95

Tracklist

1.
 Hellfire
 08:18
2.
 Godless and Wicked
 03:54
3.
 Shadowland
 05:33
4.
 Devil's Waltz
 02:39
5.
 Crying
 07:20
6.
 Devil's Hall of Fame
 08:26
7.
 Closing the Circle
 02:55
8.
 Perfect Dark
 06:44

Durée totale : 45:49

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Beyond Twilight


Chronique @ Eternalis

07 Mai 2012

Un album touchant du doigt le génie que tant d’artistes espèrent ne serait-ce qu’appréhender quelques secondes

La postérité.
Écrire un album. Une œuvre d’art. Puis disparaitre, pour renaitre ensuite et s’envoler de nouveau.
Voilà l’histoire de la vie de Finn Zierler, génie contemporain habitué à la vie solitaire, loin des medias et de la lumière des projecteurs, disparaissant toujours aussi vite qu’il n’apparait à l’aube d’un nouveau disque. Vouant une haine presque viscérale à la pression des labels musicaux, détestant les impératifs artistiques ou temporels, rejetant allègrement les conventions imposant des tournées excessives ou les sorties d’albums régulières, le claviériste compositeur dérangé danois est l’exemple de l’artiste intègre et ermite, ne vivant que pour son art et sa création.

Trois albums. C’est ce qu’il laissa à des auditeurs perdus dans les méandres labyrinthiques de ses chefs d’œuvres musicaux, artistiques et conceptuels sous le patronyme de Beyond Twilight.
Trois œuvres complètement différentes, composées dans des conditions toutes très divergentes les unes des autres, et développant des ambiances pour le moins strictement distinctes. "The Devil’s Hall of Fame" en 2001 surgit de nulle part, avec au micro l’étoile montante du moment, Jorn Lande, ainsi qu’un concept encore rare sur la mécanisation de notre société, les créations issues du clonage ainsi que le paradoxe des émotions entre humanité et machine. Acclamé par une frange très réduite du public, Finn fait splitter le groupe et se retranche dans les profondeurs glacées du Danemark. Quatre ans plus tard, "Section X" sort de terre, dans une direction musicale plus progressive et synthétique, mais tout autant emplie de noirceur, et composée dans des conditions drastiques et hallucinantes (Finn ayant repoussé les limites de son corps et son esprit en vivant comme sans-abris dans les rues de Londres pendant dix jours, s’enfermant dans un grenier sans lumière ni nourriture pendant sept jours et s’enfonçant dans les abysses des lacs danois pour toucher à l’isolement le plus complet et profond). De ces expériences naquit un opus schizophrène et paranoïaque, qui entraina une domination nette du groupe sur le metal progressif, et mit en avant un nouveau vocaliste surdoué en la personne de Kelly Carpenter. Le départ de ce dernier n’empêcha pas Finn de retourner en studio pour enregistrer leur troisième et actuel dernier album, "For the Love of Art and the Making", constitué d’un unique morceau de trente-sept minutes divisé en quarante-trois parties. Puzzle musical improbable et ultime, délirant et purement expérimental visant à exprimer le refus catégorique du compositeur à enregistrer un « single » pour sa maison de disque.
Trois albums. Trois expériences.

Maintenant, il est temps de revenir sur les prémices du premier opus : "The Devil’s Hall of Fame".
Débarrassé de l’échec de Twilight, auteur d’un unique album en 1994, Finn Zierler décide logiquement de nommer son nouveau projet Beyond Twilight (« Au-Delà du Crépuscule ») et de s’entourer de musiciens talentueux, notamment le batteur Tomas Fredén (unique musicien qui enregistrera les trois albums), l’effroyable guitariste soliste Anders Ericson ``Exo’’ Kragh et l’extraordinaire Jorn Lande au chant, qui venait alors d’enregistrer le magistral premier album d’Ark.
L’ambiance dépeinte par cet album est très difficilement accessible. Exigeante et sombre, l’atmosphère est constamment empreinte d’une noirceur extrême, étouffante de mélancolie mais paradoxalement de grandeur. Une grandeur magnifiquement mise en scène par la voix hors-du-commun de Jorn Lande qui, en cette année 2001, réalise simplement la performance la plus traumatisante de sa carrière. Schizophrénique, déprimé, fou et pourtant tellement lucide et sûr de lui, son timbre porte des compositions exceptionnelles de complexité narrative mais pourtant assez simple et minimaliste musicalement.

Suivant une progression conceptuelle, l’album s’écoute inévitablement dans l’ordre et la chronique ne sera cohérente que si elle évolue en même temps que l’écoute ne se passe.
Sombre dans le sens où elle est toujours profondément malsaine, la musique est de plus parfaitement servie par une production monstrueuse et intemporelle façonnée par le créateur lui-même de l’œuvre, alchimiste du son et des émotions humaines.

Des touches de clavier d’ordinateur enfoncées. Un scientifique dialoguant avec la machine le secondant dans ses recherches…puis la création…une masse sonore sombre envahit l’atmosphère, la tension monte…explose ! Un premier riff, lourd et simple, apparait. Les claviers sont omniprésents, la batterie n’est qu’une simple assise rythmique. Et Jorn commença à chanter…
Magnifique, gorgée d’émotion, de passion et d’humanité, sa voix est le parfait miroir du déséquilibre qui dévore progressivement le personnage principal. Jamais attendues, autant dans la tessiture, parfois même chevrotante et au bord du gouffre, que dans le placement, ses lignes vocales resteront probablement comme la chose la plus aboutie artistiquement que le norvégien réalisera dans sa carrière de chanter (particulièrement aux vues de ce qu’il fait aujourd’hui). Globalement très lent, ce morceau, "Hellfire", n’est que le premier tableau d’un conte maléfique en comptant huit, tous complètement différent les uns des autres, mais s’imbriquant pourtant merveilleusement pour fonder une œuvre globale et cohérente. Des chœurs massifs, grégoriens mais s’extirpant de l’ensemble des clichés que cela inclus, résonnent avant un premier solo bouleversant de beauté et d’intelligence, renvoyant John Petrucci à ses chères études.
Beaucoup plus malsain et dérangeant, "Godless and Wicked" suit et laisse éclater la folie furieuse de Jorn vocalement, qui joue avec sa voix comme un spectre s’immisçant dans notre esprit. Un serpent diabolique, qui s’infiltre vicieusement en tapissant une atmosphère décrite par des claviers à la noirceur extrême, se permettant des sonorités inédites et expérimentales. Beyond Twilight offre une nouvelle définition au metal progressif, transgressant tous les codes et les conventions d’un genre sclérosé et enchainé à ses propres règles. L’intelligence du jeu de Tomas Fredén n’est pas étranger à cet état de fait.

Néanmoins, c’est encore dans un registre encore complètement différent que "Shadowland" et "Crying" vont imposer leur perfection. Encore plus sombre, "Shadowland" est effrayant grâce à l’interprétation phénoménale de Jorn qui hurle à la mort sans pourtant jamais quitter le registre qu’on lui connait tant. Et lorsqu’il reprend ses esprits, c’est pour délivrer l’un des refrains les plus beaux qu’il m’ait jamais été donné d’entendre, cruel et bouleversant de sensibilité. Littéralement habité, le norvégien donne vie à l’ambiance hantée que Zierler tisse sur son clavier, alliant la simplicité technique à l’immensité de l’interprétation et de la créativité.
"Crying", précédé par un intermède ("The Devil’s Waltz") instrumental faisant la part belle au piano et à la guitare solo d’Exo, permet de se préparer pour le prochain choc vocal que le norvégien nous prépare. L’image d’un cirque mortuaire et hypnotique se matérialise dans l’esprit de l’auditeur…puis le néant. Jorn accueille le morceau suivant avec des nappes suaves de sa voix, tandis qu’on le retrouve sur un timbre plus naturel et à fleur de peau. Proche d’une ballade, la composition de sept minutes monte doucement en puissance jusqu’au refrain. A l’égal de son titre, c’est une partie vocale à pleurer que Jorn chante ici, d’une beauté presque surnaturelle, magique et envoutante, aussi hypnotique que fascinante. Le désarroi du personnage est clairement perceptible, palpable, vivable même. Cette souffrance qui le consume de ne pouvoir partager sa création, de ne pouvoir vivre avec et en elle, de ne pouvoir l’aimer. La poésie de la musique se mêle à la souffrance viscérale du vocaliste. le break, merveille progressive, montre une fois de plus, si c’était encore nécessaire, que Finn Zierler est avant tout un génie moderne de la musique, composant comme seul un être fondamentalement brisé pourrait le faire, ou tout du moins blessé dans son âme.

Plus belliqueux et proche de "Shadowland", le morceau éponyme (le titre le plus long) installe une dimension sonore plus lourde et abstraite, presque sourde et disharmonique. L’apparition de Jorn est superbe, grave et solennelle (ce « Surrender » résonnant…). Très liturgique, presque sacrée, la musique se fait le chantre d’une musique nouvelle et savante, dépassant de très loin le cadre strict du divertissement sonore. Les chœurs émanant de la composition semblent sortis tout droit des cieux, pendant que Jorn éructe sa rage en juxtaposition de ces éléments divins. Et que dire des chœurs « Bronto Cyber. Spiritech dicus. La Dominus pratos » qui surgissent pour assommer l’auditeur autant que l’émerveiller. Les émotions se mêlent, se multiplient, s’entrechoquent, provoquant contraste et malaise tant elles sont antinomiques.
"Perfect Dark" sonne le glas d’un album résolument hors du commun et qui, malheureusement sans marquer le monde de la musique qui n’a sans doute pas compris la portée de l’œuvre, aura traumatisé les quelques oreilles ayant osé poser une écoute attentive dessus. Exigeant mais sachant récompenser, Beyond Twilight est un laboratoire prenant tellement aux tripes que ne rien ressentir parait invraisemblable. Comment rester de marbre face à cette phrase déchirante de Jorn, sur ce dernier morceau, lorsqu’il chante « I see beauty, I feel love, but when I touch it I burn ».

Œuvre immense ayant fait, avec Ark, ce que Jorn peut se targuer d’être aujourd’hui, "The Devil’s Hall of Fame" est une pièce musicale comme il en sort peu chaque année, lorsque les astres ne sont pas assez avares pour les garder auprès d’eux. Si chaque opus de Beyond Twilight est ultime et unique, si "For the Love of Art and the Making" est sans contexte le plus expérimental et inventif, "The Devil’s Hall of Fame" est le plus traumatisant, touchant et viscéral de la carrière du danois blond. Un album touchant du doigt le génie que tant d’artistes espèrent ne serait-ce qu’appréhender quelques précieuses secondes. Cet opus en est la marque la plus pure, l’essence la plus profonde. Un des albums qui, une fois qu’il vous a touché, devient impossible à oublier et occulter.


ps : Pour ma 400e chronique ici, j'ai choisi cet album me tenant particulièrement à coeur. Ainsi, la grande emphase, parfois pompeuse et dithyrambique, qui accompagne ce texte est parfaitement assumée. C'est un hommage que je fais à ce groupe très important pour moi.

15 Commentaires

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David_Bordg - 23 Janvier 2014: a quand un nouvel album???????
frozenheart - 29 Janvier 2015: Merci Eternalis pour cette chronique vraiment impressionnante !

La première fois que j'ai écouté cet album, j'ai su tout de suite que " The Devil's Hall Of Fame " allait être hissé dans le panthéons des meilleurs œuvres de Metal Progressif toute époque confondue !

Ambiance schizophrénique, titres épics, une instrumentation et un chant a coupé le souffle.
Sans oublier cette production étonnante de clarté... Du travail d'orfèvre rien de plus !

Alors oui Finn Zierler est un génie...
DragonMaster - 04 Juillet 2015: @morgothduverdon Pour cette raison je n'achète que très rarement des albums avant de les avoir écoutés (donc oui téléchargé). Je n'ai pas non plus été convaincu par ce disque.
Metatron_bleu - 30 Juillet 2019:

Il faut croire que je suis passé à côté d'un chef d'oeuvre... Mais je n'ai vraiment rien trouvé sur ce disque. Tout au plus la voix de Jorn sauve l'ensemble mais j'ai trouvé que les titres se trainaient désespérement. A tel point que j'ai refourgué ce CD à Gibert, ce qui ne m'arrive que trés rarement. A titre de comparaison, l'album For the Love of Art and the Making est lui par contre une véritable tuerie.

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