Impulsé par son introductif et solaire EP éponyme, ce combo teuton né en 2018 dans l'aire de Brunswick/Wolfenbüttel, en Basse-Saxe, n'aura pas mis bien longtemps pour revenir dans les rangs. En effet, sorti en août 2023, ce troublant opus se verra relayé par un single 2 titres, «
Lilith », quatre mois plus tard à peine ! Aux fins d'un travail minutieux en studio, un an sera toutefois requis avant la sortie d'un second single, «
Beautiful Beast », soit l'une des 12 pistes de leur premier et présent album full length, «
The Demons We Create », réalisé dans la foulée. Aussi, effeuille-t-on une rondelle généreuse de ses 54 minutes que le groupe souhaite mettre à profit pour espérer guerroyer sereinement dans la foisonnante arène metal symphonique à chant féminin. Ce faisant, ce premier mouvement de longue durée recèlerait-il un arsenal suffisamment efficace pour espérer compter le collectif d'outre-Rhin parmi les valeurs montantes de cet espace metal ?
Encore peu popularisé dans et, surtout, hors de sa terre germanique natale, ce jeune groupe n'est pas non plus un parfait inconnu dans son pays. En effet, avant même la réalisation de son premier élan, cette troupe a déjà foulé quelques planches de la scène metal locale, et ce à plusieurs reprises ; occasion lui a alors été donnée de partager l'affiche avec quelques valeurs confirmées, dont
Temperance (au Kellerclub, à Clausthal-Zellerfeld, le 10 mars 2023), ou encore
Molllust et Ember Sea (au KuBa Halle, à Wolfenbüttel, le 1er avril 2023). Si son background live et studio s'avère déjà efficient, l'opiniâtre et talentueuse troupe en veut plus, beaucoup plus désormais...
Dans ce dessein, le line-up originel est resté inchangé. Aussi, y retrouve-t-on réunis : la soprano lea Diekmann (
Dead Utopia), les guitaristes Alexander Jung et Mike Richter (Queen Of Distortion), le bassiste Frank Pirnay (
Dead Utopia, ex-Deviated
Presence), le claviériste Marvin et le batteur Nepo. De cette collaboration de longue date émane un propos metal mélodico-symphonique aux relents dark gothique, dont les sources d'inspiration sont à chercher, une fois encore, dans le patrimoine compositionnel de
Nightwish (première période),
Xandria,
Amberian Dawn (première mouture),
After Forever,
Tristania et
Dark Sarah. Pour une optimale mise en musique de ce set de compositions, ce fringant, opératique et romanesque mouvement jouit à son tour d'une production d'ensemble de bon aloi et d'arrangements instrumentaux de premier ordre. Mais embarquons sans plus attendre à bord du cargo, pour une croisière que l'on souhaite essaimée d'ilots enchanteurs...
C'est sur une terre de lave en fusion que la troupe nous projette tout d'abord, trouvant alors et sans ambages les clés pour nous aspirer dans la tourmente. Ainsi, une fois passée la brève, et somme toute classique, entame instrumentale symphonico-cinématique aux arrangements ''nightwishiens'', « Glimpse of
Freedom », les éléments en viendront à se déchaîner. Ce qu'attestent ses plus proches voisins de bobine, « Trapped Forever » et « The Unknown Mind », torrentiels mais invitants up tempi aux riffs acérés dans la veine d'
Amberian Dawn. Déversant un léger tapping corrélativement à leurs virulents coups de boutoir et à leurs sémillants arpèges d'accords soulignés par les angéliques inflexions de la sirène, ces deux échevelants efforts ne se quitteront qu'à regret.
Quand le rythme de leurs frappes se fait un tantinet moins incisif, nos acolytes parviennent non moins à nous retenir plus que de raison. Dans cette énergie, c'est cheveux au vent que l'on traversera « Into the
Night Sky », ''xandrien'' mid tempo progressif aux riffs crochetés ; livrant un refrain immersif à souhait mis en exergue par les fluides impulsions de la déesse ainsi qu'un bref mais fringant solo de guitare à mi-morceau, l'enivrant effort poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure évanouie. Sur un même modus operandi, les ''tristaniens'' « The
Lonely Ruler », «
Born Without a
Heart » et «
Beautiful Beast » recèlent de sémillants couplets tout en nous immergeant au cœur d'une atmosphère crépusculaire. Et la sauce prend, là encore. Dans cette dynamique, et non sans renvoyer à
After Forever, les mid/up tempi « Hall of Tears » et « Take
Off » ne sauraient davantage être éludés, et ce, tant au regard de leur rayonnant paysage de notes que de leurs enchaînements intra piste ultra sécurisés.
Lorsqu'ils ralentissent encore leur course, nos compères trouvent à nouveau les arguments susceptibles de nous happer sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustre, d'une part, l'intrigant low tempo dark gothique «
Solace in My
Solitude » ; générant de saisissants effets de contraste oratoire, les claires oscillations de la belle n'ayant de cesse de faire front à des growls on ne peut plus glaçants, et délivrant un pénétrant refrain, le ''tristanien'' effort pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan. Et comment ne pas se sentir porté par l'infiltrant cheminement d'harmoniques que nous invite à suivre « Quest for Light », ballade a-rythmique romantique jusqu'au bout des ongles, que n'auraient sans reniée ni
Xandria ni
Dark Sarah! Voguant sur de célestes nappes synthétiques, et mis en habits de soie par un piano/voix d'une confondante délicatesse, le classieux instant privilégié comblera à n'en pas douter les attentes de l'aficionado de moments intimistes.
Avant que ne se referme le chapitre, le combo nous livre une opulente pièce en actes symphonico-progressive, loin de manquer d'arguments pour nous prendre dans ses filets. Ainsi, à mi-chemin entre
Tristania et
After Forever, la fresque «
The Demons We Create » déverse ses quelque 9:13 minutes d'un spectacle épique et romanesque. Recelant moult péripéties à l'aune de ses nombreuses variations atmosphériques, rythmiques et oratoires, sauvegardant parallèlement une sente mélodique des plus engageantes sur laquelle se calent les limpides modulations de la maîtresse de cérémonie, et n'accusant pas l'once d'un bémol harmonique ni une quelconque longueur techniciste susceptible d'affadir l'attention du chaland, la luxuriante offrande constituerait, selon votre humble serviteur, la gemme de l'opus.
En définitive, le combo allemand nous octroie une proposition à la fois vitaminée, énigmatique, épique et romanesque, ne concédant pas l'ombre d'une zone de remplissage, et se savourant à chaque fois davantage au fil des écoutes. Bref, un frissonnant et élégant élan insufflé par le sextet teuton. A l'instar de son devancier, ce méfait bénéficie d'une ingénierie du son coulée dans le bronze et d'arrangements instrumentaux de bon aloi. Diversifié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, le plantureux manifeste balaie désormais un large éventail en matière d'exercices de style. D'aucuns, pour se sustenter, auraient sans doute souhaité davantage de prises de risques et que ce projet se libère, lui, de l'empreinte de leurs maîtres inspirateurs. Reposant néanmoins sur une technicité instrumentale et vocale bien huilée et de lignes mélodiques finement sculptées, ce premier album de longue durée serait à même de propulser nos acolytes parmi les valeurs montantes du si couru environnement metal symphonique à chant féminin. Affaire à suivre, donc...
Note : 14,5/20
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