Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin, voué comme tant de ses pairs à une éviction prématurée des tabloïds, me direz-vous, et qui, en ces temps agités pour une féroce concurrence dont ce registre continue de faire l'objet, pourrait bien songer à vous donner tort ? Ce serait sans compter à la fois l'indéfectible détermination et le talent de ce combo teuton né en 2018 dans l'aire de Brunswick/Wolfenbüttel, en Basse-Saxe.
S'il est encore peu popularisé dans et, surtout, hors de sa terre germanique natale, ce jeune groupe n'est pas pour autant resté terré dans l'ombre très longtemps. Il s'est notamment produit sur la scène metal locale, et ce à plusieurs reprises ; occasion lui a alors été donnée de partager l'affiche avec quelques valeurs confirmées, dont
Temperance (au Kellerclub, à Clausthal-Zellerfeld, le 10 mars 2023), ou encore
Molllust et Ember Sea (au KuBa Halle, à Wolfenbüttel, le 1er avril 2023). Un déjà solide background live que le combo a souhaité enrichir d'un EP éponyme, accouché quelques mois plus tard, où les cinq plus anciens titres du groupe se dispatchent sur un ruban auditif de près de 20 minutes. Sera-ce un argument suffisant pour espérer jouer les trouble-fêtes parmi ses challengers, loin de manquer à l'appel dans cet espace metal ?
Ce faisant, la soprano lea Diekmann (
Dead Utopia), les guitaristes Alexander Jung et Mike, le bassiste Frank Pirnay (
Dead Utopia, ex-Deviated
Presence), le claviériste Marvin et le batteur Nepo nous immergent dans un univers metal mélodico-symphonique classique, dont les sources d'inspiration sont à chercher du côté de
Nightwish (première période),
Xandria,
Amberian Dawn (première mouture) et
Dark Sarah. Cet énergisant, opératique et romanesque élan bénéficie non seulement d'une production d'ensemble de bonne facture, dont une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut et des finitions passées au peigne fin, mais aussi d'arrangements instrumentaux de premier ordre. De quoi piquer notre curiosité au point d'aller explorer plus en profondeur les arcanes de la petite goélette...
Le collectif allemand interpelle tout d'abord par la fécondité de son inspiration mélodique, parvenant alors à nous happer sans avoir à forcer le trait. Ce qu'attestent, en premier lieu, ses offrandes les plus enfiévrées, à commencer par « Creatures of the
Night », un tonique et jovial mouvement à mi-chemin entre
Nightwish et
Amberian Dawn ; livrant un refrain qu'on entonnerait à tue-tête, le souriant méfait nous gratifie également d'enchaînements intra piste ultra sécurisés et d'un fringant solo de guitare à mi-morceau. A la maîtresse de cérémonie, eu égard à ses cristallines volutes, d'achever de nous convaincre de ne pas quitter prématurément l'embarcation. On ne saurait davantage se soustraire ni aux sémillants arpèges d'accords ni au champ de turbulences inhérent à « Zwei Völker », mid/up tempo au carrefour entre
Xandria et
Dark Sarah, intégralement rédigé dans la langue de Goethe. Quant à l'enjoué mid/up tempo «
Hell on
Earth », il n'est pas en reste : s'esquisse une ronde de saveurs exquises où couplets finement ciselés, un brin éthérés, et refrains rayonnants et des plus ''enserrants'' alternent ; ce faisant, le ''tubesque'' manifeste n'est pas sans générer une énergie aisément communicative.
Quand la cadence du convoi orchestral se fait un tantinet moins alerte, nos acolytes trouvent à nouveau, et d'un battement d'ailes, les clés pour aspirer le tympan du chaland. Ainsi, on ne mettra qu'une poignée de secondes pour se voir happé par l'onde vibratoire générée par «
Darkness inside », ''nightwishien'' mid tempo aux riffs épais et à la basse vrombissante ; jouissant d'un refrain immersif à souhait mis en exergue par les angéliques oscillations de la sirène et de gammes pianistiques d'une confondante délicatesse, le fringant effort poussera à y revenir en fin de parcours, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité. Dans la mouvance d'un
Amberian Dawn de la première heure, le classieux et néanmoins entraînant mid tempo « Fear the Angels » nous plonge, lui, au sein d'un infiltrant cheminement d'harmoniques ; voguant sur d'ondoyantes nappes synthétiques et s'écoulant le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se greffent les pénétrantes inflexions de la princesse, ce hit en puissance laissera quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan.
On l'aura compris, pour son premier vol, l'escadron germanique s'en sort avec les honneurs ; nous livrant une œuvre aussi rayonnante qu'enivrante, jouissant d'une ingénierie du son plutôt soignée et de qualités mélodiques que bien de ses pairs pourraient lui envier, le combo envoie un signal fort à la concurrence. Bref, un essai à la fois solaire et troublant en guise de message de bienvenue...
Pour espérer élargir le champ de son auditorat, il lui faudra toutefois varier son propos sur les plans atmosphérique et vocal, diversifier ses exercices de style, instrumentaux, fresques et ballades manquant à l'appel, et consentir à l'une ou l'autre prise de risque. Et pour gagner en épaisseur artistique, ce projet devra s'affranchir de l'empreinte par trop sclérosante de ses maîtres inspirateurs. Pouvant néanmoins compter sur la qualité de ses arrangements et sur une technicité instrumentale et vocale déjà maîtrisée, le groupe ne serait pas sans armes pour se voir compté parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Dans l'attente à peine voilée d'un album full length...
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