Oeuvrant toujours dans un rock'n'metal power mélodique progressif racé et déjanté, mais désireux d'élargir le champ des possibles,
Winter's Edge se lance parallèlement dans l'exploration d'horizons mélodico-symphoniques, espaces d'expression à peine effleurés jusqu'alors. Aussi, si les influences de
Therion, Beto Vazquez
Infinity ou
Melted Space se font encore sentir, quant à son concept opératique, tout comme celles d'
Evergrey et
Dream Theater, pour sa touche prog, celle de
Kamelot s'accentue au regard de ses joutes oratoires, plus volontiers lyriques aujourd'hui qu'hier. Indice révélateur d'une volonté affichée du maître d'oeuvre d'élargir le champ de son auditorat, mais qui ne doit nullement masquer ni la prudence de la démarche, ni la rigueur compositionnelle, ni la richesse mélodique du propos, encore moins la complexité de la logistique d'ensemble.
Ainsi, le combo britannique initialisé en 2010 par le guitariste/bassiste/vocaliste
Jeremy Lawler (Aggrothesis,
Dreadnought, Signed By None) nous revient un an seulement suite à un introductif et puissant album full length intitulé « The Ferryman's Eye », muni cette fois d'un EP 5 titres répondant au nom de « The Deceivers ». Tout comme son aînée, cette vivifiante et lumineuse auto-production d'à peine 25 minutes offre un enregistrement de fort bonne facture, octroyé par Pete Lancaster (Airtight Studios), et se dote d'un mixage équilibré, signé Marc Wüstenhagen (Dailyhero Recordings), guitariste et vocaliste du groupe power mélodique allemand
Thunder And Lightning.
De ce minutieux travail en studio, dont les artisans sont restés inchangés, en résulte une confondante profondeur de champ acoustique. Une mise en valeur de la galette qui a pour corollaire une imposante distribution d'invités, le concept se basant à nouveau sur une belle brochette d'instrumentistes et vocalistes, sollicités chacun selon le thème du titre, quelque 19 artistes expérimentés unissant ici leurs talents. Enfin, on retrouve un artwork signé Ruben Devela, utilisant encore la technique du clair-obscur sur cette pochette d'inspiration néo-romantique.
Plus qu'il ne l'a consenti jusqu'alors, le collectif nous embarque dans de radieux espaces power mélodico-symphonique. Parmi les tubesques offrandes, on ne saurait éluder l'entraînant « The Unawakening Tale » à la lumière de son enchanteresse ligne mélodique, que pourraient leur envier
Aesma Daeva ou
Visions Of Atlantis. En outre, ses riffs roulants, tout comme son tapping martelant et les frappes sèches et au débit rapide de Tomas Roitman (
Split Heaven) ne nous lâchent pas d'un iota. On retiendra encore l'habile legato de Claudeous Creamer (
Dragonlord) sur le premier solo de guitare et le magnétique doigté de Rick Bouwman (
Martyr) sur le second. Dans cet océan de félicité, les félines inflexions de David Marcellis (
Lord Volture) et les angéliques impulsions de la mezzo-soprano Gemma Lousie Edwards (
Noisy Toyz) sont en parfaite osmose, et ce, non sans nous renvoyer à
Kamelot (dernière mouture). Bref, un méfait d'une redoutable efficacité.
Dans une même énergie, mais dans une orientation plus prog, le groupe offre une belle gradation de l'intensité du corps orchestral. Ainsi, on ne résistera que malaisément aux infiltrantes séries d'accords de «
Eternity of Days » ; fringant titre power progressif à la rythmique syncopée à mi-chemin entre
Therion (seconde période) et
Kamelot, où s'harmonisent les limpides volutes de Theresa Smith (
Metaprism), de
Charlotte Jones et les grunts ombrageux de Monty McDoom (
Hole In The Sky,
Sea Bastard). On ne saurait omettre le flamboyant solo de guitare dispensé par Damian Burrows (Sensoria), un modèle du genre. Et comment ne pas succomber au refrain catchy de « Foresee Me and
Dream » ? Cette piste nightwishienne, déjà présente sur le précédent effort, se fait jour dans une version alternative où seules les graciles volutes de
Charlotte Jones s'imposent ; et ce, au détriment de la paire masculine Dave Hartley/Carsten Hille (Fairytale,
Javelin, Earacle). Et la magie opère, une fois encore...
Lorsqu'elle se met à ensanglanter les fûts, la troupe n'a pas tari d'inspiration non plus, réservant quelques moments propices à un headbang bien senti. Ainsi, nous assénant des riffs en tirs en rafale adossés à une véloce rythmique, le tempétueux « She's
Hell's
Fire » ne fera aucune concession à nos cervicales. Et ce ne sont pas les incisives frappes, signées Marc Jackson (
Acid Reign), venant à contre-point des rocailleuses attaques oratoires de Dave Hartley (Emersis, Spinning
Death Machine), qui démentiront le sentiment d'être aux prises avec une bête furieuse. Dans cette mouvance power, s'inscrit le fulgurant « Unleash the
Dragon » où vrombit la basse de Dominic Upton (Everlust,
Noisy Toyz). Dans un duo en voix de contrastes tenant toutes ses promesses, la soprano
Charlotte Jones donne le change à un growler caverneux. Si l'on restera aspiré par un refrain plutôt avenant, le l'obscur couplet, en revanche, devra se laisser le temps de l'imprégnation.
Au final, on effeuille une œuvre à la fois sensuelle et enjouée, truculente et bestiale, dans la lignée mélodique de son aînée, avec toutefois quelques variations stylistiques qui en définissent le contenu. Si la menue rondelle jouit de finitions soignées et bénéficie du brio de chacun de ses interprètes comme de celui de ses musiciens, elle accuse un cruel manque de diversité atmosphérique et rythmique. De plus, les exercices de style tendent à se répéter et l'originalité, déjà requise sur son prédécesseur, n'est pas encore inscrite dans le cahier des charges du combo. Ce faisant, ce modeste opus jouerait davantage un rôle de transition dans l'évolution du projet de
Jeremy que celui d'une œuvre à part entière. Une judicieuse manière de poser de nouveaux jalons pour l'inspiré créateur. Dans l'attente d'un second album full length...
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