Il est des formations se plaisant à déjouer tout pronostic relatif aux chances de pérennité de leur projet, dont ce groupe étasunien né en 2015 à Denver, dans le Colorado, d'une étroite collaboration entre le producteur, compositeur, parolier et pluri-instrumentiste Mane Cabrales (
Dimension, LunarVein, ex-Time
Zero, ex-Perturbador) et la soprano et pianiste Diane
Shade.
Ainsi, après une traversée du désert de près de six ans depuis son introductif et encore tâtonnant album full length, «
The Last Goodbye », sorti en 2016, le combo semblait condamné à une inexorable disparition des tabloïds. Aussi, tel un phoenix renaissant de ses cendres, ce dernier reviendra bien, mais plus prudemment, dans la course : en 2022 seront réalisés quelque trois singles («
Turn the Tide », «
What If » et «
Never Enough »), auxquels en succédera un quatrième, «
Go West » (single disco des Village People sorti en 1979, remixé par le duo de new wave britannique Pet Shop Boys quatorze ans plus tard), en 2023. Ces quatre pistes s'intégreront précisément parmi les cinq qu'arbore le présent EP, «
The Bloom », auto-production modeste des 19 minutes de son ruban auditif. Muni de cet humble ouvrage, le collectif nord-américain pourra-t-il nous faire oublier ses erreurs de jeunesse et opposer par là même une farouche résistance face à leurs challengers, si nombreux à affluer dans cette arène metal symphonique à chant féminin ?
Originellement versé dans un metal symphonique à la colorature opératique, sans pour autant tourner le dos à son passé,
Thy Shade évolue plus volontiers dans un rock'n'metal symphonique aux relents pop metal et death mélodique, soit, dans la veine coalisée de
Delain,
Xandria,
Epica,
Tristania et Volturian ; se dessine alors une œuvre, certes, dans un mouchoir de poche mais des plus enjouées et recelant, à son tour, des lignes mélodiques des plus enveloppantes, une technicité instrumentale et vocale bien huilée et des arrangements de bon aloi, cette fois. Cela étant, si quelques finitions manquent encore à l'appel, la menue rondelle peut compter sur un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation. Il ne nous reste plus qu'à suivre nos acolytes dans leurs nouvelles aventures musicales...
Le combo interpelle tout d'abord par son aptitude à sculpter ces séries de notes des plus avenantes, aptes à nous happer sans avoir à forcer le trait. Ce que révèlent déjà ses passages les plus éruptifs, à commencer par «
Turn the Tide », entraînant up tempo aux riffs acérés, dans le sillage d'
Epica ; instillé de sémillantes séquences d'accords et d'un refrain catchy mis en exergue par un duo mixte en voix de contraste, les angéliques ondulations de la sirène se lovant dans les growls du bassiste, le ''tubesque'' méfait ne se quittera que pour mieux y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité. Tout aussi vitaminé et rayonnant, jouissant parallèlement d'arrangements instrumentaux finement esquissés et d'enchaînements intra piste des plus sécurisants, le ''delainien'' «
Heaven » ne saurait davantage être esquivé. On retiendra enfin l'intrigant et ''volturien'' «
What If » pour sa troublante reprise sur la crête d'un enivrant refrain qu'encensent les envolées lyriques de la belle, suite à un break opportun que précède un pont techniciste finement échafaudé.
Dans une même dynamique, la troupe s'est par ailleurs attaquée au délicat exercice de reprise, non sans nous aspirer dans la tourmente. Ainsi, ayant déjà fait l'objet d'un remix à la coloration synthpop par les Pet Shop Boys, le ''hit'' planétaire «
Go West » des Village People prend ici un visage pop metal à la fois aérien et truculent. Sans dénaturer ni sa ligne mélodique satinée ni son entêtant refrain, cette nouvelle mouture laisse entrevoir d'insoupçonnées variations rythmiques, un bref mais réjouissant solo de guitare, ainsi qu'un break sur fond de délicates notes de piano auquel succède un final en crescendo sous-tendu par des riffs acérés doublés d'un martelant tapping. Une heureuse revisite ''metallisée'' de cette pimpante et frétillante piste disco, donc, que nous octroient nos compères.
Quand ils nous mènent en des espaces plus tamisés, nos acolytes en profitent pour nous adresser leurs mots bleus les plus sensibles, ceux qui, précisément, sauront retenir le tympan du chaland plus que de raison. Ce qu'illustre «
Never Enough », classieuse ballade a-rythmique, romantique jusqu'au bout des ongles, que n'auraient sans doute reniée ni
Xandria ni
Diabulus In Musica ; empreint de délicats arpèges au piano, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique et mis en habits de soie par les poignantes inflexions de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié comblera assurément les attentes de l'aficionado de moments intimistes au moment même où il fera plier l'échine à plus d'une âme rétive.
Au terme d'une laconique mais pimpante et émouvante rondelle, on se surprend à remettre le couvert sitôt ses dernières mesures évanouies. Là encore, on suit les pérégrinations de nos acolytes sans que l'intérêt ne s'érode et avec un plaisir constant. Si l'ingénierie du son laisse encore filtrer quelques finitions lacunaires, les arrangements, eux, s'avèrent plus finement esquissés qu'autrefois. Contrairement à leur premier opus, ce nouvel élan fait la part belle aux morceaux vitaminés au détriment de plages plus intimistes ; un déséquilibre rythmique qui, par ailleurs, se double d'une frustrante stéréotypie des exercices de style dispensés. Des sources d'influence un peu mieux digérées comme l'efficacité des mélodies qu'il recèle sont autant de qualités permettant de compenser ces carences. Ayant su dépasser quelques erreurs de jeunesse, le combo étasunien nous livre ici un humble mais seyant et solaire mouvement...
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