Il aura fallu attendre pratiquement dix ans avant que
Luciferion ne livre à ses adeptes un nouvel opus qui soit le digne successeur du ténébreux Demonication sorti en 94. Durant ce hiatus, Wojtek Lisicki, guitariste et leader incontesté de la formation, a fondé avec son ami Martin Furangen, l’entité
Lost Horizon, évoluant dans un registre power sympho, hélas bien éloigné de l’esprit noir et malfaisant caractérisant si bien
Luciferion. Pourtant, l’envie de composer de nouveaux morceaux sous l’égide de son ancien groupe finit par s’insinuer dans la tête de Wojtek, qui récupère au passage Martin au poste de bassiste, déjà présent sur les premières démos de
Luciferion, mais absent de Demonication, ainsi que Michael Nicklasson, growler et autre pilier du groupe, qu’accompagne enfin Hans Nilsson, nouveau venu et batteur du culte Liers in Wait, et ce qui devait être au départ une simple compile destinée aux fans, regroupant cover et démos, se transforme finalement en quasi véritable album.
En effet, l’intro mise à part,
The Apostate ne propose que quatre nouvelles pistes, mais d’une durée conséquente de 28 minutes, chargées d’une richesse instrumentale remarquable et sans précédents chez
Luciferion, auxquelles s’ajoutent tout de même une formidable reprise et des versions démo du premier album.
Alors que Demonication se plaçait déjà sous le signe du death US evil, façon
Deicide et
Morbid Angel, plutôt que d’opter pour la facilité en sortant un énième son estampillé Sunlight,
The Apostate affine l’identité musicale du groupe et articule principalement sa musique autour du clavier, instrument fétiche de Wojtek qui en assure d’ailleurs la direction en sus de celle des guitares, évoquant désormais la démarche d’un
Nocturnus, bien que
Luciferion soit sur ce nouvel opus plus mystique que véritablement occulte.
Le deathster n’aura évidemment pas manqué de remarquer l’absence du pentagramme dans le logo du groupe, ainsi qu’une petite phrase glissée à l’intérieur du livret, relative au souhait du groupe de ne plus se soumettre à un quelconque carcan religieux, qu’il soit anti-chrétien ou non, mais bien au contraire de se poser comme un farouche antagoniste envers toutes formes d’oppression spirituelle, ce en quoi L’Aspostat, constitue un titre d’album univoque.
Ainsi expurgé de son aura diabolique, qui faisait pourtant toute la force et la puissance de Demonication, que reste t-il de
Luciferion ?
L’album gagne d’abord en agressivité, avec un son de guitare plus nourri, et en technicité, proposant ainsi une grande variété de rythmiques et des changements de tempi incessants. La lourdeur et la noirceur de Demonication laissent dorénavant place à des orchestrations quasi symphoniques, faisant du clavier, non plus un accompagnateur discret comme c’était le cas sur Demonication, mais bien un conducteur, entraînant un surcroît d’ambiance et d’intensité. Les nombreux samples parsemant le disque, tous issus du film
Dark City, terminent d’achever la mutation vers une entité désormais science-fictionnelle et non plus maléfique.
Notons parmi les quatre nouvelles pistes proposées, l’étonnant morceau titre, divisé en sept chapitres, véritable pavé conceptuel et atmosphérique alternant parties brutales et parties lentes ambiancées, que viennent peupler de superbes leads émaillés par les coups de vibrato caractéristiques de Wojtek, ou encore les terribles Become or Be Gone et New World to See, dont les soli touchent au virtuose, et dotés d’orchestrations parfois si scéniques qu’on se croirait parachuté dans un péplum. Le tout reste cependant très agressif, à l’image de Destroying by
Will, qui possède encore des relents
Morbid Angel et qui distille d’impitoyables blasts.
Luciferion nous aura aussi habitué à ses covers de génie, parmi lesquelles le célèbre
Fight Fire With
Fire, façon brutal death joué à vitesse supersonique, ou encore le terrifiant
Blasphemer présent sur le premier album. Cette fois, le groupe revisite
Celtic Frost, et propose un
Circle of the
Tyrants hallucinant, lifté en 96, et sur lequel l’utilisation du clavier pour renforcer la rythmique confère au morceau une toute nouvelle dimension.
Et pour ceux qui auraient raté l’infernal Demonication, il est en partie permis de se rattraper avec cet
Apostate, qui propose en seconde moitié d’album les versions démo de cinq des meilleurs morceaux du premier full length, enregistrées en 93. Le son y est certes moins puissant et la rythmique moins véloce (Satans
Gift et Graced by
Fire), mais les guitares s’y montrent plus incisives, la basse étonnamment lisible et très au devant, tandis que certains effets comme le sample de Rebel Souls ou les cloches de The
Voyager ne sont pas encore présents. Des versions rough en somme, qui combleront le fan acquis de la première heure et achèveront de convertir le nouveau venu avide d’un death à l’ancienne.
A noter au sujet de ces démos que la tracklist de la cover présente une inversion dans le titre de deux de ses morceaux : The
Voyager et Hymns of the Immortals.
Ainsi allégé de son contenu maléfique,
Luciferion cru 2003, se montre plus aéré que Demonication, et bien plus sophistiqué, à l’image du side project de Wojtek et Martin,
Lost Horizon, mais sous un prisme naturellement plus agressif, pour un death metal moins lourd et plus moderne dans son ensemble. La technicité instrumentale et structurelle a remplacé la lourdeur dans des compositions mâtures, ambitieuses et mieux produites, mais sans être forcément meilleures. Les titres paraissent en effet moins efficaces que ceux de Demonication, bien que d’une clarté inédite chez
Luciferion, et le contenu lui, gagne par contre en mysticisme et se montre très illustratif, les samples de
Dark City disséminés un peu partout servant d’iconographie au concept idéologique et spirituel de
The Apostate.
Malheureusement, l’aventure
Luciferion sera sans suite, Wojtek splittant la formation la même année, désirant prendre définitivement ses distances avec un groupe dont le nom supposait une affiliation avec
Satan.
Perso je trouve Demonication + thrash death. Celui-là est énorme niveau "occulte", terme qui je le concède ne veut finalement pas dire grand chose... Mais avec ces petits interludes, quelle intensité!
Merci pour ton commentaire amigo.
Sinon, oui, j'ai lu une allusion au fait qu'Azagthoth aurait été pas mal soufflé par Demonication. Wojtek chez Morbid, ça aurait été quelque chose...
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