Après leur départ de Season of
Mist,
Virus a connu une traversée du désert qui s'est soldée par l'enregistrement du présent album au titre évocateur.
Depuis quelques mois déjà, on pouvait en écouter deux extraits sur Myspace et pré-commander "
The Agent That Shapes the Desert" pour accélérer le processus de sortie. Mais ça y est, il est là pour de bon, réalisé via Duplicate Records, un label indépendant comme on en fait peu.
Czral (tête pensante de feu
Ved Buens Ende) et Einz sont donc de retour pour ce troisième opus qui peut d'ores et déjà être considéré comme la plus aboutie des insanités musicales dont le groupe nous abreuve depuis 2002. Un metal d'avant-garde résolument noir et désolé, dont la folie réside aux confins d'un swing vénéneux et d'un chant clair envoûtant habité par l'horreur la plus vile.
L'album s'ouvre en trombes avec le morceau éponyme. Ce qui frappe de prime abord, c'est la qualité irréprochable du mixage. Une basse ronde et plastique qui serpente et rebondit sans temps mort, défiant la raison. Elle fornique allègrement avec les guitares inimitables de Carl-Michael Eide, plus dissonantes et hypnotiques que jamais, ainsi qu'avec la batterie de Einar "Einz" Sjurso, au groove terrifiant, usant avec génie des ruptures de rythmes.
Plus tard viennent "
Chromium Sun" et "
Red Desert Sand", parfaites illustrations de l'univers du groupe. Ce qui fait la force de la musique de
Virus, c'est cette science du décalage perpétuel. Rythmiques accrocheuses, groove d'enfer et chant clair aérien... auxquels viennent s'ajouter dissonances, déstructurations et boucles hypnotiques qui rendent l'ensemble bien plus dérangeant et malsain qu'un black-metal frontal. "
The Agent That Shapes the Desert" fait l'effet d'un bal jazz-rock qu'on jouerait sur les rives du
Styx charriant les corps des damnés, et au bord duquel les orgies démoniaques ne connaissent pas de fin.
Czral ne cache pas son admiration pour l'immense Scott Walker, dont l'écho de "The Drift" se fait entendre au plus profond de la présente œuvre. Son cadavre avide de musique dérangée rampe dans chacune des neuf pistes qui composent l'album, dans chacun des textes dépeignant des contrées désolées où la chair se tord et s'effiloche en guise de parade amoureuse.
Il est à noter que Garm (
Ulver) se joint à nouveau* à cette joyeuse entreprise de destruction le temps de "Call of the Tuskers", l'ultime pièce musicale de l'album, qui s'éteint et vous hante longtemps après avoir distillé son poison dans votre esprit durant près de 45mn.
Mention spéciale à l'artwork de l'album.
Virus fait partie de ces rares groupes à avoir compris que l'illustration d'un disque crée chez l'auditeur une image mentale qui l'accompagne durant son écoute. Aussi, c'est une réussite.
J'y retourne, car le seul antidote à
Virus est
Virus lui-même.
18/20
*voir : "Bandit", sur l'album "
Carheart".
Sur ce, je m'en vais tester :)
Pour ce qui est de Scott Walker, ça me semble assez évident dans le travail vocal de Carl-Michael Eide. Pour l'ambiance, ce sont des flashes qui m'ont frappés, c'est donc discutable...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire