Imaginez-vous ne serait-ce qu’une toute petite seconde, quitter votre job alimentaire sous payé et honteusement régi par les irréfragables lois de l’infect néolibéralisme économique pour vivre l’expérience rock n’ roll ultime 7j/7 et 24h/24. Adieu les heures supplémentaires non payées que l’on ne rattrapera jamais pour cause d’ un « accroissement temporaire de l’activité » constant, le regard inquisiteur de votre patron venant d’apprendre votre récent engagement syndical motivé par aucune autre chose qu’une volonté légitime de voir vos droits respectés et de pouvoir envisager l’avenir avec un minimum de sérénité dans ce monde de rats d’égouts capitalistes, les discussions stériles et pathétiques autour de la machine à café avec ces braves collègues pensant sincèrement que leur médiocre existence va enfin changer grâce à un vulgaire et indigeste flan caramélisé ou spéculant avec toujours autant de passion quant au futur vainqueur du télé crochet « The
Voice » sans parler des commentaires avisés sur les péripéties faussement authentiques vues la veille au soir dans « Pékin Express ». Vivre l’ultime expérience rock n’ roll donc, avec tout le folklore qu’on lui rattache ; de la musique jouée jusqu’à pas d’heures à un volume déraisonnablement fort, du sexe acrobatique avec des lolitas spermophiles équipées d’imposantes prothèses PIP cancérigènes à faire passer la pulpeuse Salma Hayek pour une planche à découper le pain rassis, des substances naturelles ou synthétiques hautement psychotropes modifiant allègrement votre perception du réel et introduisant des milliards d’étoiles multicolores et rotatives dans votre cerveau de dégénéré… De fait, l’expérience ultime d’un certain Mark Manning alias Zodiac
Mindwarp.
Journaliste et illustrateur pour le périodique musical londonien Flexipop, le dénommé Mark Manning en a vraisemblablement assez de narrer tout le jour durant les exploits rock n’ roll des autres. Souhaitant lui aussi avoir sa part du gâteau d’une vie d’excès et d’excentricités en tous genres et de troquer définitivement sa tenue de bobo british pour un classieux perfecto de cuir noir et les lunettes de soleil qui vont avec, il décide un matin de 1985 de ne pas subir les ¾ d’heure de Tube séparant son loft meublé de la banlieue de Londres du bureau de Flexipop et de penser sérieusement à son avenir. Revendiquant ainsi le nom de guerre de Zodiac
Mindwarp, l’ex journaleux désormais chanteur d’un groupe de hard rock qui n’existe pas encore s’associe avec son ami guitariste Geoff Bird aka
Cobalt Stargazer pour donner naissance au core d’un combo baptisé The Love
Reaction. Rejoint par le bassiste Kid Chaos et le maréchal ferrant Slam Thunderhide, Zodiac
Mindwarp and the Love
Reaction devient alors une véritable entité prête à remplir les croupes de groupies fascinées et à conquérir accessoirement le monde armé d’un rock dur énergique et on ne peut plus extravagant. Après la parution de deux EP’s en mai et août 1986 répondant aux patronymes de «
Wild Child » et de «
High Priest of Love », Zodiac
Mindwarp and the Love
Reaction connait son premier changement de line up avec le remplacement du bassiste Kid Chaos par Paul Bailey alias Thrash D Garbage et l’ajout d’un second guitariste en la personne du fantasque Flash
Bastard. Enfin paré pour parvenir à ses fins les plus outrancières, ZM&TLR sort en mars 1988 un premier album intitulé «
Tattooed Beat Messiah » sous les étiquettes
Vertigo aux Etats-Unis et Mercury en
Europe.
Lorsque l’on tient pour la première fois entre ses petites mimines ce premier méfait sonore de Zodiac
Mindwarp and the Love
Reaction trouvé alphabétiquement dans un bac à vinyles de son défunt et regretté disquaire de quartier entre un picture-disc de W.a.s.p. et un LP de
ZZ Top, on se dit que l’on n’a pas à faire à un simple combo de hard rock d’obédience sleaze parmi d’autres mais vraisemblablement à un groupe unique à la démarche conceptuelle élaborée pour ne pas dire sophistiquée. Sublime pochette en disant long sur le behaviour et l’ego de celui qui répondait au patronyme de Mark Manning dans une autre vie, textes philosophico-énigmatiques jonchant la back cover et la paper sleeve protégeant la précieuse galette de polychlorure de vinyle, titres alambiqués et remarquablement explicites ; «
Tattooed Beat Messiah » constitue le genre d’album dépassant la sphère matérielle du simple support discographique, apparaissant au contraire tel une véritable et indicible entité mystique porteuse d’un univers extraordinaire au sens premier du terme. La leçon de rock n’ roll d’obédience sleaze commence avec «
Prime Mover » et son introduction particulièrement solennelle, distillant avec un style et une attitude sans pareil un hard rock flamboyant habilement composé des vocaux d’angry motherfucker bien bad ass du charismatique et visionnaire Zodiac
Mindwarp, de refrains beuglés par des chœurs on ne peut plus enjoués sans parler d’une rythmique endiablée ponctuée par un solo infernal signé
Cobalt Stargazer. N’est-ce pas là la véritable et authentique définition du bitchfucking rock n’ roll, celui qui pue à plein nez la came périmée, les petites culottes de groupies souillées de fluide vaginal gardées dans l’état et le bourbon à 4 $ le litre ? Dans une veine comparable, relevons les hyper efficaces et catchissimes «
Skull Spark
Joker », « Back Seat Education » qui désopilant si il en est constitue le manuel instructif par excellence quant à la pratique du coït sur banquette arrière de véhicule motorisé et autres « Bad
Girl City » soulignant l’égo surdimensionné de
Mindwarp au travers de la présentation d’un programme énonçant ce que réserve l’ex chroniqueur de Flexipop aux demoiselles trainant jusque tard le soir dans le artères mal famées de Bad
Girl City.
Indéniable et génial combo de rock n’ roll à l’entreprise plutôt originale et recherchée, Zodiac
Mindwarp and the Love
Reaction rend cependant un hommage assez prévisible aux anciens via sa version de «
Born To Be
Wild », hit biker de l’été 1968 écrit par Mars
Bonfire et interprété par le mythique
Steppenwolf ; reprise collant néanmoins pertinemment à l’esprit et au concept de «
Tattooed Beat Messiah ». Qu’importe de faire désormais partie du club des nombreuses entités s’étant approprié ce titre apparaissant dans la BO du film
Easy Rider (Dennis Hopper, 1969) avec plus ou moins de succès sur scène ou sur support (
Raven avec Udo d’
Accept,
Slayer,
The Cult, INXS,
Status Quo, Blue Oyster Cult,
Lizzy Borden,
Krokus récemment entre autres), le groupe fronté par l’insolent et tyrannique Zodiac
Mindwarp a enfanté un premier full length définitivement porté par la rage et l’intempérance d’extrême rigueur pour un effort initial se réclamant légitimement de l’irrévérencieux sleaze rock/glam metal. En effet, comment ne pas enfiler son cuir noir et vider une bouteille de vodka en charmante compagnie consentante et volontaire à l’écoute d’hymnes tels l’explosif «
Untamed Stare » et son riff d’intro qui rappellera à l’auditeur celui du « Legs » de
ZZ Top en mode up-tempo, l’éponyme et classieux «
Tattooed Beat Messiah » ou encore le très bon « Driving on Holy Gasoline » et ses accents définitivement hard rock US, témoin d’un
Mindwarp encore et toujours aussi percutant dans ses invectives vocales despotiques. Disque incontestablement doué d’une facture globale admirable, « TBM » possède cependant son lot de titres relativement en deçà du reste de l’opus à l’instar des poussifs et dispensables « Let’s Break the Law » et «
Spasm Gang » qui à défaut de constituer des morceaux réellement mauvais, peinent à s’élever au niveau d’efficacité des inénarrables «
Prime Mover », «
Skull Spark
Joker » et autres « Back Seat Education » pour ne citer que quelques uns des titres dont on prendra plaisir à vociférer les chorus chaque matin sous la douche tout en se malaxant les testicules avec du Tahiti Bois des Tropiques. Enfin, mention spéciale à l’esthétique « Kid’s Stuff », ultime et crucial chapitre de l’album prenant la forme de ce qu’il conviendra d’appeler une ballade à la sauce Zodiac
Mindwarp and the Love
Reaction ; c'est-à-dire unique, racée, grandiloquente ; reconnaissable entre mille en somme.
Objet dans son ensemble d’un hard rock sleaze rutilant et merveilleusement larger than life à l’image de la personnalité de l’extravagant Zodiac
Mindwarp, «
Tattooed Beat Messiah » et son délicieux univers se veut être le synonyme d’un premier effort émanant d’une démarche créatrice aboutie tant d’un point de vue conceptuel qu’intrinsèquement musical. Distillant un rock dur ultra efficace et communicatif dans son ensemble, ce premier disque à la dimension quasi mystique constitue également l’instrument de propagande d’une vision hautement sophistiquée de l’attitude rock n’ roll notamment au travers un visuel/artwork sans faute ainsi qu’un travail des plus distingués au niveau des lyrics et des textes ésotériques parsemant sa paper sleeve. Ayant honorablement atteint la 132ème place du Billboard 200 au temps perdu de son quart d’heure de gloire, «
Tattooed Beat Messiah » mérite sans conteste l’attention des motherfuckers fanatiques de hard rock de la fin de la décennie 80 faisant dans le bon goût et la classe. Un must have !
Rectification : Qu'il avait fait le con
Géniale chronique pour un album tout aussi génial !! on se passait ca en boucle dans la bagnole lorsque l'on partait en fiesta ! Que de bons souvenirs ! Un petit mot sur le guitariste Flash Bastard, Jan Cyrka de son vrai nom, Guitariste d'origine polonaise et auteur de 3 album instrumentaux. Je possede le premier "beyond the common ground" sorti en 92. Je recommande vivement cet album de rock instrumental qui sort un peu de tous les albums shred que l'on pouvait entendre a cette époque. Jan fait preuve d'un vrai talent de composition, et la mélodie prend le pas sur la technique pure. J'aime beaucoup ce style ! Avis aux amateurs !
Didier.
Salut Didier, merci beaucoup pour ton retour. Je note pour Flash Bastard, si ce sleaze motherfucker est polak, alors il ne peut être qu'un bon gars, parole de francusko-polski :)
Chronique géniale aussi délirante qu'instructive ! Je ne connaissait pas l'histoire de ce projet que j'ai découvert au début des années 2000 grace à la médiathèque après avoir lu une chronique "remember" élogieuse dans Rock Hard. Bien que je suis loins de le considerer comme un indispensable du genre (mais bon comment rivaliser avec Appettite, 1987, Trash et Dr Feelgood ? ) ça reste un très bon témoignage de cette époque bénie de la fin des 80's. A découvrir ou redecouvrir.
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