Liste des groupes Thrash Metal Alien Weaponry Tū

Alien Weaponry est un groupe formé en 2010 autour des frères de Jong, (Lewis à la guitare et Henry à la batterie). Ces deux tout jeunes musiciens (les deux sont encore au lycée au moment de la sortie de cet album), originaires de Nouvelle-Zélande, se distinguent par leurs racines maories, le peuple autochtone de l’archipel. Comme ils l’expliquent eux-mêmes, l’un de leurs ancêtres s’est battu et est mort dans une bataille entre les Maoris et les colons.

Ainsi, durant leur enfance, ils ont baigné dans la langue maorie, qu’ils ont notamment apprise en immersion dans une école primaire dédiée. C’est ainsi qu’ils ont été dès leur plus jeune âge sensibilisés aux dégâts que la colonisation a pu causer au premier peuple de Nouvelle-Zélande. C’est donc accompagnés d’Ethan Trembath à la basse, et avec qui ils partagent tous les deux le micro, que les deux frères sortent Tū en 2018, bien décidés à mettre en avant l’histoire et la culture des Maoris.

Musicalement, le groupe se revendique du thrash metal. Cependant, on est bien loin de la brutalité d’un Slayer ou de la technique d’un Megadeth. Alien Weaponry base avant tout sa musique sur des gros riffs plutôt gras, pas franchement techniques et sa musique est dépourvue de solos. Autant dire que celui qui cherchait du thrash chez le groupe a intérêt à oublier ses références, sous peine de totalement passer à côté de ce qu’il a à offrir. Car si la technique fait défaut, la personnalité et l’âme y sont.

Ce qui fait la saveur de l’album, c’est bien entendu l’un de ses thèmes principaux : l’histoire et la culture maories. La plupart des titres sont consacrés aux événements historiques, surtout liés à la colonisation comme Raupatu (« Confisqué », qui parle de la spoliation des terres maories). Le groupe pousse le concept jusqu’au bout et chante ses titres dans la langue maorie, dans le but avoué de promouvoir son usage et lutter contre sa disparition. Cependant, seule une bonne moitié des titres correspond à cette description.

Le reste de l’album, chanté en anglais (parfois mâtiné de maori), traite de sujets plus larges comme la politique (Whispers), les dangers des réseaux sociaux (PC Bro, Nobody Here) ou tout simplement la colère (Rage It Takes Over Again, Hypocrite). Il faut bien dire ce qui est, ce sont les titres les moins intéressants de l’album car une fois l’originalité de la langue et des thématiques qui lui sont liées disparue, les faiblesses techniques se font sentir et rien d’extrêmement intéressant ne se passe. Ces titres sont somme toute assez banals. Après, la jeunesse du groupe ne joue pas vraiment en sa faveur et on peut parier que le groupe saura s’améliorer à ce niveau-là dans les prochaines années.

Autre détail intéressant qui fait la saveur d’Alien Weaponry : sans jamais verser dans le folk metal, le groupe n’hésite pas à régulièrement faire appel à la musique traditionnelle pour travailler l’atmosphère de ses titres. Ainsi, on entendra quelques instruments traditionnels (les flûtes kōauau, tenues par Lewis, la conque, tenue par Henry ou le rhombe, un instrument à vent manié par Ethan Trembath), notamment sur l’intro de l’album. Discrètes, ces quelques touches sont un plus bienvenu. Enfin, qui dit Maoris dit bien entendu haka, cette danse chantée bien connue des amateurs de rugby. Alien Weaponry a eu la bonne idée d’en incorporer à plusieurs reprises, pour souligner plusieurs passages avec efficacité. Rū Ana Te Whenua (« La Terre qui Tremble ») s’ouvre par exemple sur un haka, alors que le titre très atmosphérique Te Ara se clôt sur un autre.

Alien Weaponry est un groupe plutôt prometteur. Son approche originale et ses choix judicieux (langue, haka, etc.) font qu’on sent un potentiel qui ne demande qu’à exploser. Cependant, on ressent encore certaines limites. Les riffs sont efficaces, mais pas incroyables, on aimerait peut-être quelque chose d’un peu plus technique. Il est également dommage que les titres en anglais ne parviennent pas à avoir autant de saveur que les titres en maori. Cependant, la jeunesse du groupe peut aussi être sa force : les membres ont tout le loisir de progresser, aussi bien au niveau technique qu’au niveau de la composition. Gageons qu’ils sauront peaufiner leur style et proposer un second album plus mature et plus marquant. Quoi qu’il en soit, Tū reste une curiosité très intéressante, qui plaira surtout à ceux qui aiment entendre du metal dans une langue originale.