Prudence est mère de sûreté, dit-on... Un adage qu'a suivi à la lettre le combo suisse originaire de Saint-Gall. En effet, cofondé en 2008, sous l'impulsion commune de la chanteuse allemande au félin grain de voix
Nicole Hartmann et du fin guitariste suisse Daniel Maurizi, le groupe ne sortira son premier et discret album studio « Inner Peace of Mind » que trois ans plus tard, avant de dévoiler plus largement ses talents, et ce, à l'instar de « Angels Cast Shadows », son second et flamboyant opus, sorti en 2016 via
Massacre Records. Un répertoire aussi étoffé qu'éclectique, à l'inspiration féconde et mis en relief par une production d'ensemble de fort bonne facture, qui lui ouvrira largement les portes de la scène metal européenne (European Tour (aux côtés de
Dark Tranquillity et
Equilibrium), suivi du Russian Headliner Tour en 2018, notamment). Une phase cruciale de son projet ne tardera pas à se dessiner, l'année 2019 s'avérant des plus créatives le concernant. De plus, au cours de ses pérégrinations, des rencontres décisives vont se tisser et qui ne seront pas sans effets sur l'évolution du jeu d'écriture du collectif helvétique. L'amorce d'un changement de cap semble donc inéluctable...
Quelque quatre années après « Angels Cast Shadows », la troupe revient plus déterminée que jamais dans la course, réalisant alors son troisième effort dénommé « Synchronism », une galette généreuse de ses 56 minutes écoulée, tout comme son aînée, chez le puissant label allemand sus-cité. Co-produit par
Miracle Flair et un certain Tommy Vetterli (actuel guitariste de
69 Chambers et
Coroner, connu pour avoir oeuvré pour
Eluveitie,
Neverland,
Furor Gallico, entre autres), ce dernier dispensant également le mixage (au New Sound Studio (Suisse)), le méfait jouit d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Mastérisé et finalisé aux Fascination Street Studios (à Örebro, en Suède), tout comme
Amorphis,
Elvenking,
Fallen Arise,
Leprous,
Opeth et tant d'autres, par Tony Lindgren, vocaliste impliqué sur le 8ème full length d'
Angra, « Secret
Garden » (2014), ce troisième élément n'accuse que d'infimes sonorités résiduelles. Une mise en relief quasi optimale des 12 pistes de la rondelle, nous intimant d'aller jusqu'au bout de notre périple sans soupirer.
Ce faisant, nos acolytes nous plongent au cœur d'un propos d'obédience rock'n'metal mélodique gothique, électro et progressif, certes inscrit dans la lignée atmosphérique du précédent manifeste, mais un poil plus offensif, voire complexe, d'une mélodicité plus efficace, une touche de modernité en prime. Aussi, les sources d'influence sont-elles désormais à chercher davantage du côté de
Lacuna Coil,
Nemesea,
Delain,
Lunatica et
Amaranthe que d'
Eluveitie,
Autumn et
Evanescence. Artistiquement moins empruntée que sa devancière, la présente offrande témoigne également d'une certaine maturité compositionnelle de ses auteurs. Aussi, suivons
Nicole Hartmann et Daniel Maurizi, et leurs compères, – Emmi Lichtenhahn à la basse, Diego Rapacchietti (
69 Chambers,
Coroner,
Silent Memorial) à la batterie, Erik Damköhler (Cydonian) aux claviers –, dans cette nouvelle aventure...
A la lumière de leurs passages les plus torrentiels, nos gladiateurs se dotent d'armes des plus effilées, avec, pour effet, de nous assigner le plus souvent à résidence. Ainsi, tant l'épaisseur et les inaltérables oscillations des riffs que les soudaines accélérations et les fines nuances mélodiques exhalant des pulsionnels et ''delainiens'' « The Untold » et « What
Remains » auront raison des résistances les plus tenaces. A la sirène, eu égard à ses gracieuses envolées, de contribuer à magnétiser le tympan sur ces deux hits en puissance. Tout aussi saillants et non moins audacieux, disséminant tous deux d'ondulantes rampes synthétiques, l'''amaranthien'' et éruptif «
Presence of Death » tout comme l'impulsif et enjoué «
Echo of Fears », quant à eux, nous prennent prestement à la gorge sans jamais relâcher la pression. Et la sauce prend sans tarder, une fois de plus.
Plus offensif encore, véritable torche incendiaire, «
Torture Myself » n'a de cesse de nous asséner ses coups de boutoir, tout en sauvegardant un sillon mélodique propice à emporter l'adhésion.
Quand la rythmique se fait un tantinet plus féline, sans pour autant lâcher du lest, l'impact émotionnel ne saurait s'affadir, le combo suisse décochant là encore ces séries d'accords qui, peu ou prou, s'inscriront dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Ce qu'attestent, d'une part, les ''lacunacoilesques'' et entraînants mid/up tempi « Synchronism » et «
Dying Existence », à l'aune de leur fin legato à la lead guitare, leurs fugaces fulgurances percussives et leurs refrains immersifs à souhait. D'autre part, à mi-chemin entre
Lunatica et
Nemesea, tout en se calant sur une sente mélodique d'une précision d'orfèvre et apte à éveiller d'authentiques plaisirs, le polyrythmique «
Torn Inside », l'enivrant « In Charge » et l'élégant « In Love and
Hate » déversent tous trois leurs couplets sulfureux que relayent des refrains catchy, le tout dans une allégresse propre à déclencher un headbang bien senti. Enfin, un poil plus contrasté rythmiquement, le tortueux «
Lost in the
Void » n'en révèle pas moins de séduisants atours, à commencer par l'infiltrant cheminement d'harmoniques dont il se pare, auxquelles s'adjoignent les aériennes et enveloppantes patines de la déesse. Et ce n'est pas le grisant solo de guitare s'y ajoutant qui démentira l'agréable sentiment de se trouver aux prises avec l'une des pépites de la galette.
Signe d'un changement de cap amorcé, tout en nous faisant renouer avec un pan de notre passé, la troupe a remixé en profondeur l'un de ses titres phares jusqu'à le transfigurer totalement. Ainsi, d'amples et sinueuses nappes synthétiques viennent inonder le délicat et avenant « In Love and
Hate », habillant alors d'une touche new wave typée mid-80s une piste à l'armature metal mélodique pure. Sans avoir évacué ni les riffs abrasifs ni la basse vrombissante de sa trame, sous couvert d'arrangements de bon aloi, le groupe lui a redessiné à la fois sa structure instrumentale et son atmosphère, pour un résultat d'une confondante efficacité. Une manière habile d'harmoniser les tendances que tout semblerait opposer, susceptible d'inscrire à terme le projet dans un metal mélodique moderne à part entière et qui pourrait bien finir par faire quelques émules...
Pour son retour, le collectif helvétique lance un message fort à ses homologues, signant-là une œuvre d'envergure, d'une énergie aisément communicative, sans accuser le moindre bémol, et des plus liantes. Bénéficiant d'une ingénierie du son rutilante et concédant l'une ou l'autre prise de risque, la galette témoigne d'un réel effort créatif de ses auteurs tout en dispensant un confort auditif que d'aucuns parmi ses pairs pourraient avoir à lui envier. Diversifié sur le plan atmosphérique, le message musical l'est, en revanche, bien moins au regard de son offre rythmique et surtout vocale, la belle monopolisant le micro de bout en bout de notre parcours. L'actuel projet metal mélodique évoluant désormais vers des horizons prog et moderne, on aurait également espéré une palette plus étoffée en matière d'exercices de style, par l'octroi de ballades, fresques, instrumentaux, entre autres. Cependant, à la lumière du potentiel technique et de l'inspiration mélodique révélés par cette troisième et fringante offrande, la formation suisse dispose dorénavant d'un atout majeur pour pouvoir s'imposer parmi les valeurs confirmées de ce concurrentiel registre metal. Bref, un rayonnant mouvement cristallisant une insoupçonnée et heureuse alternative à son prédécesseur...
Si l album est de la qualité de ce titre....Vraiment bon ce groupe.
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