En 2005, l'arrivée de
Bilocate avec son premier opus «
Dysphoria » a été une véritable bombe en Jordanie. Bravant les interdits caractéristiques du Moyen Orient, le sextet a non seulement ouvert de nouveaux horizons mais a permis à la scène locale de faire de vrais pas en avant. Le pays de
Petra a donc progressé depuis cette date en terme de metal, ainsi que
Bilocate, qui, souffrant alors d'une production tout à fait médiocre, a réussi à se faire remarquer avec le second opus « Sudden
Death Syndrom », leur octroyant des signatures chez
Kolony Records et Daxar Music, ainsi que chez les Italiens de Code666 Records, spécialisés dans l'avantgarde et le dark metal.
En grande figure du dark oriental,
Bilocate revient sur les devants de la scène cette année, après de nombreux concerts et une tournée de soutient avec les pionniers d'
Orphaned Land. Le sextet, originalement fondé par les frères Essayed, améliore considérablement son jeu et sa production avec ce «
Summoning the Bygones ». Il s'attire les faveurs de musiciens réputés tels que Dan Swano (en guest sur deux morceaux) ainsi que de Jens Bogren (
Opeth,
Katatonia) pour le mixage. Rien à voir avec la première offrande «
Dysphoria », qui bien qu'ambitieuse, détenait un réel point noir : le manque de moyen.
De ce fait, «
Summoning the Bygones », comme son nom l'indique, est un « appel aux anciens », c'est à dire un retour aux anciennes compositions. Le groupe a décidé de mêler des titres nouveaux à des vieux, c'est à dire ceux du «
Dysphoria ». Toutefois, ils ont été recomposés et remastérisés, de façon à repartir depuis le début. Ce sont donc comme des nouveaux titres, avec la patte et la production actuelles. Le rendu ne peut être que plus efficace.
Si vous êtes un habitué du «
Dysphoria », il serait dommage de passer votre chemin dans la mesure où il s'agit ici d'une toute autre expérience. Le groupe a beaucoup évolué et même si on peut reconnaître les parties et les mélodies, il a changé énormément de structures, et les tout nouveaux titres sont comme une suite du terrible « Sudden
Death Syndrom », à la manière d'un «
Beyond Inner
Sleep » qui mélange habilement les styles dont
Bilocate nous avait habitué, la voix claire du growleur hors pair en prime.
Les Jordaniens sont réputés pour leur doom/death oriental au Moyen Orient et ils continuent ici sur leur lancée sur la majeure partie des titres. Ces derniers sont longs et très progressifs de façon à nous offrir un panel complet de sonorités et de mélodies. « The
Tragedy Within » montre tout le potentiel de
Bilocate avec son intro arabisante, son accélération très dark/death, ses envolées symphoniques, ses ralentissements de rythme, ses riffs mélancoliques, sa lourdeur, et son growl caverneux bien charismatique. A « Deadly
Path » se verra raccourci tandis que « Passage » garde son empreinte atmosphérique pour faire la part belle au chant clair triste. Cependant, on ne peut pas dire que le groupe accentue le côté doom, qui devient moins prédominant et se veut plus comme une influence, contrairement aux parties death et symphoniques, qui se taillent la part du lion. On retrouve donc peu de parties lentes et écrasantes mais aussi peu de parties rapides et bourrines. Tout se porte sur les atmosphères en somme.
Exception faite sur le conceptuel « A
Desire to Leave », qui parfois s'apparente à un doom funéraire à la
Evoken. Le morceau est lourd et porté par un piano ainsi que le duo de vocalistes Essayed / Swano. Les guitares, qu'elles soient acoustiques ou metalliques apportent beaucoup à l'ambiance sombre et orientale du titre qui tire sur le black à certains moments. En outre,
Bilocate a le mérite d'offrir la chanson la plus longue du Moyen Orient, avec une force et un charme qui lui est bien caractéristiques, et ce, grâce à trois parties tout à fait distinctes.
Bilocate rend aussi hommage aux initiateurs britanniques du doom/death, c'est à dire
Paradise Lost, avec une cover de «
Dead Emotion ». Il s'agit d'une de leurs principales influences et les Jordaniens ont réussi à composer une reprise convaincante et surtout personnalisée. La patte du sextet se retrouve bien, avec cette apport massif et puissant de claviers et les soli arabisant de Rami, sans non plus déformer la version originale.
Dans son ensemble, «
Summoning the Bygones » ne manque pas de prise de risque, toutefois, on aurait aimé plus de nouveautés, la reprise restant dispensable, et même si des titres comme « Hypia » (anciennement « Days of Joy ») ont été refait intégralement (paroles, mélodies, structures...), il manque cette force propre à « Sudden
Death Syndrome » et cette ambiance prenante en matière de dark oriental. Sans doute parce qu'on se retrouve avec deux esprits d'avant, le
Bilocate d'avant et le
Bilocate de maintenant. Cela reste donc assez confus, bien que la puissance soit toujours de rigueur et que tout soit calibré au millimètre prêt. De toute manière, les Jordaniens confirment leur position de leader dans la scène dark orientale avec cette pierre angulaire.
Mais je peux t'affirmer que la plupart des groupes ne font pas dans le black ou dans l'extrême.
@Bakou: pareil, je n'ai pas réussi à rentrer dedans à 100%, contrairement au Sudden Death Syndrome. Comme je l'ai fait comprendre, il manque quelque chose dans cet album, et comme tu dis, la durée doit y être pour quelque chose. N'empêche que c'est très couillu pour un groupe du Moyen Orient.
La voix claire comme tu dis...on en a dans "Hypia" avec Dan Swano, et dans la conclusion "of leaving" aussi. D'un côté, Ramzi n'est pas très doué dans ce domaine (son chant clair avait tout de même du charme dans le titre "Pure Wicked Sins").
Maintenant, le soucis, c'est que ça tend à tourner en rond, les nouvelles formations (qu'elles soient orientales du moyen orient ou orientales et européennes/américaines) utilisant souvent le même processus pour leurs compositions, ce qui est dommage. Avec le manque de distribution et de médiatisation, ça n'aide pas non plus. En réalité, il faut chercher pour les trouver ;)
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