Se manifestant par une caresse agréable, un doux frottement porté à notre visage, ou au contraire par une violente gifle, le vent est un élément fascinant des plus imprévisibles. On l’aurait volontiers donné une nature féminine, mais malheureusement, celui-ci est pourtant aussi invisible et aussi dangereuse que la mort, tentant le plus souvent de se montrer par tous les moyens à sa disposition, car il est de caractère indiscret, pour nous faire don de spectacles impressionnants, faisant tout voler autour de lui, telle une incroyable aura. Faisant bruisser les feuillages comme s’il voulait jouer d’un instrument. On l’entend même dans son profond soupir, reposé ou tout simplement agité.
Ce que la nature fait de plus puissant et de plus beau, l’homme souhaite toujours s’en accaparer. «
Fejd » un nouvel arrivant sur la scène du folk suédois a bien l’ambition de parvenir par sa musique, qui retourne aux sources traditionnelles des contrées suédoises, à égaler le vent lui-même aussi splendide que possible. C’est aussi pourquoi cette formation a intitulé son premier album sorti en 2009, «
Storm », « vent ».
Aux premières notes, on peut assister à une ouverture de scène. Cela ne fait que s’entrouvrir dans les premiers instants. Des lueurs sont perceptibles au son grinçant du hurdy-gurdy que l’on pourrait comparer à la vielle de chez nous. Puis finalement cela s’éclaire d’un seul coup au son de la cornemuse. C’est l’orée du jour qui prend ses marques inondant de ses rayons tout le paysage. Ils parviennent à s’incruster dans les premières branches d’un sous-bois d’où un chant en suédois se fait soudain entendre, comme pour accueillir ces premiers arrivants du matin. Un chant bourru, à l’apparence bien rugueuse, un peu aussi à l’image de ce qui se fait aujourd’hui chez d’autres formations de folk. Il apporte l’authenticité d’être comme la nature, émerveillant et à l’imperfection qui fait toute sa richesse, sa noblesse.
C’est le ressentiment que l’on peut aisément se procurer à l’écoute des titres « Offerrök » et «
Storm ». Un peu moins éclatant sur « Svanesång », qui est l‘occasion pour la guimbarde, si peu communicative, mais toujours bienvenue, de faire son entrée. Le chant de Patrik Rimmerfors sera à la rencontre d’un chant féminin sur les points culminants du vibrant « Älvorna Dansar ».
C’est la fougue et l’entrain de ce chant qui transcende la globale partie de l’aspect metal de cet album. Car pas question ici de guitare électrique, car le temps n’est pas encore à l’orage. De vieux instruments folkloriques constituent ensemble dans la plus grande harmonie l’orchestre des forêts et des vastes plaines. Ils parviennent à recréer de leur association une bourrasque de glissements et grattements de cordes du plus bel effet sonore, attisant sans cesse le feu d’éblouissantes mélodies.
Cette tornade d’instruments ira se gambader sur le titre « Vid Jore Å », avant de faire une interruption lorsque tout à coup le chant devient solennel. Le ciel si clair se couvre donc, permettant ainsi à une flûte insolente de faire une petite apparition maline, avant que les cordes ne réapparaissent de nouveau pour tout emporter.
Seul une cornemuse se montrera capable de dompter l’arsenal des cordes sur le titre instrumental « Egils Polska », et encore. Ils sont trop épris de liberté pour se laisser apprivoiser. Ils tendent à disparaître à l’arrivée du chant, mais leur trop grande curiosité va leur forcer à s’impliquer davantage avec lui.
Ainsi sur « Äril », ils adoptent un jeu plus lent, plus grinçant permettant d’exploiter un chant par à coups, sans perdre pour autant leur aspect sauvage. On est sans cesse ballotter dans un rythme loin d’être linéaire, avec de très fréquents changements de vitesse et d’intensité, tout cela d’une manière un peu désordonnée même si l’ensemble reste accordèment soudé.
Un moment on croit à l’accord parfait, allant tous groupés côte à côte sur la chevauchée sauvage de « Skuld ». La batterie reproduira le bruit des sabots de chevaux; les cordes, dans un extraordinaire élan, la vitesse des animaux; le chant, la force et la rage de ses cavaliers. La troupe partie en conquête fera un break, histoire de reprendre son souffle avant de repartir.
Cet enthousiasme de cavaler ensemble sur le même sentier ne durera qu’un temps. Les instruments chercheront très souvent à se désolidariser. Bien sur les cordes vivant en horde resteront fidèles entre elles, fonctionnant dans un même jeu qui consiste à reproduire le vent. Cela est encore plus flagrant sur les 2 titres bonus de l’album: « Bergakungen » et « Morgonstjärnan ».
« Likfärd » est une parenthèse qui se ferme. Les notes virevoltent de façon plus modérée pour laisser place à la nuit. Le paysage inondé de lumière passe à quelque chose de plus étriqué, un peu comme si on assistait à un couché de soleil.
«
Fejd » parvient avec dextérité dans son émulation à reconstituer naturellement sans presque aucun artifice toute la vigueur impalpable du vent, même si l’on entend parfois en prêtant bien l’oreille un arrière-fond de synthé. Il suffit parfois de quelques instruments folkloriques, d’un peu de bonne volonté et de beaucoup d’acuité pour en être capable.
16/20
un album qui fait voyager rien qu'en fermant les yeux...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire