La mouvance revival thrash cherche désespérément et depuis longtemps de réelles lettres de noblesses. Mises à part quelques miettes intéressantes éparpillées aux quatre coins du globe, ce "mouvement", s'il peut être nommé ainsi, éprouve de nombreuses lacunes en termes de crédibilité, cela majoritairement à cause d'un manque flagrant d'originalité, se cachant sous le prétexte pas toujours valable de la nostalgie. Bref, la carence se situe dans le manque d'un consensus autour d'un album, caractérisant et identifiant le revival tout en le crédibilisant aux yeux des fans du thrash, dont le bagage incommensurable du passé incite à la sévérité. Bien entendu, une telle synergie des avis se mérite...
Alors, bien que le revival thrash est encore tout sauf mort et donc qu'il dispose d'une marge de manœuvre suffisante avant que la lassitude ne vienne à le faire s'essouffler, on peut d'ores et déjà désigner en la "personne" de ce "
State of Insurgency" d'
Hexen un prétendant au titre de l'album étendard qui finira par engranger la quasi-unanimité .
Pourtant, au départ, qu'est-ce qui différencie réellement les californiens de la masse grouillante et majoritairement insignifiante des nouveaux groupes thrash? Presque rien, on retrouve ces mêmes "youngsters" ayant échappé aux années 90 et ses prééminences death, du Big Four plein les oreilles et ambitionnant de reprendre le flambeau des glorieuses années 80.
Premier bon point, la cover signée Ed Repka leur attribue une certaine légitimité tout droit venue du passé ainsi qu'un fort capital sympathie de la part des old-fans encore séduits par la beauté des pochettes des différents
Evildead,
Megadeth ou encore
Toxik. Mais comme au moins
Hyades,
Municipal Waste et
Toxik Holocaust ont fait de même, cette distinction ne prouve en rien une qualité musicale irréprochable.
La différence? Un peu de recherche permet de déterminer qu'elle se situe dans l'objectivité de leur regard sur la scène qu'ils investissent, notamment sur la nécessité d'aller plus loin qu'un thrash un peu morbide et kitsch. Rien qu'au niveau des paroles, "
Blast Radius" intègre des thèmes sociaux à tous ces propos mortuaires, leur donnant de la contenance pour des débats finalement moins creux.
Dans ce
State of Insurgency, nous avons affaire à un thrash alambiqué se cachant entre les lignes d'une apparence intense et rude, et qui écouté de façon inadéquate peut paraître primaire et rustre. Pourtant,
Hexen démontre ici une capacité à passer en revue tout le catalogue du genre, en reliant inlassablement chacun des aspects clés du thrash de manière répétée, surprenante et pourtant incroyablement logique. Ajoutez à cela des capacités techniques développées, dont les plus flagrantes traces se situent dans les nombreux solos, remuants et transportant , et vous obtenez une musique complète, hautement complexe sous un faux-semblant de simplicité.
Hexen démontre une capacité à conserver dans un titre incisif et tranchant un brin de mélodie comme dans le furieux "Gas Chamber", et d'inverser complètement les rôles dès le titre suivant "
Past Life", conservant un chant plutôt rugueux pour une musique aux abords de la ballade, ce qu'on retrouvera d'ailleurs par la suite dans une moindre mesure avec "
No More Color".
Mais là où
Hexen devient franchement impressionnant, c'est quand ils parviennent à mélanger tous ces différents tons au sein d'un même titre, sans que la continuité en soit sacrifiée. La référence indiscutable en est "Chaos
Aggressor" qui représente un condensé éclectique de tous les charmes du groupe: un début envoûtant en guitare sèche, suivi d'une progressive montée en puissance avant de se lancer sur un premier riff ultra-rythmé posé sur un fond un temps calme puis de nouveau nerveux. Alors que le chant est toujours aussi furieux, on passe à un solo technique et mélodique. Puis sans nous brusquer, on passe au deuxième temps du titre, débutant sur un riff dans la continuité du solo de guitare, relayé par un solo de batterie, avant d'en revenir aux premiers temps, tout en relançant un nouveau court solo de guitare pour clôturer ce riche titre.
Je me permets de m'attarder aussi longuement sur ce titre car il est de loin le plus complet et surtout car il démontre de manière la plus frappante la logique de construction que l'on retrouve sur tous les autres titres, un principe qui apparait comme immuable: la volonté de surprendre sans perturber, d'une inconvenante évidence, et de jouer sur cet étrange paradoxe pour conserver tout l'intérêt de l'auditeur.
Une démarche ô combien efficace qui permet à cet album de déborder de bonnes surprises, comme les saccades de "
Mutiny And Betrayal", la superbe instrumentale quasi-acoustique "
Desolate Horizons" ou encore les mélodies épiques de "The
Serpent" , ainsi que bien d'autres qu'il vous faudra découvrir au fil des écoutes.
En conclusion, ce "
State of Insurgency" frappe à la porte des petits chefs-d'oeuvre grâce à un thrash intense et intelligent, par forcément le plus original qui soit mais bourré d'influences mélodiques et progressistes qui réunies ensembles donnent un résultat au final peu conventionnel. Qu'est-ce qui manque au final pour grimper la dernière marche? Sans doute d'ôter la veste des nostalgiques et de rentrer définitivement dans le thrash du nouveau millénaire, afin d'aiguiser définitivement une personnalité pas encore tout à fait déterminée. Mais pour l'instant, on se contentera très bien de cela...
it's a bomb !
1 sacré album d'Hexen qui impressionne par sa maitrise et son style à tiroir. Il aurait pu s imposer comme chef de file du revival thrash si 1 grosse ecurie avait misé sur eux.
Je me delecte d un tel album ou le thrash est precis, alambiqué et si bien joué.
Je remercie l auteur de la chronique pour la precision et la justesse de cette derniere.
A posseder !
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