Après lecture, il faudra veiller à faire passer cette phrase à la postérité : "On a chroniqué du Jazz sur
Spirit of
Metal".
Je ne me suis pas lancé dans cette rédaction pour retracer toute l'histoire de cette musique bientôt centenaire, aujourd'hui enseignée dans les académies et conservatoires, ni pour lécher les orteils des jazzeux souvent considérés, à tord ou à raison, comme d'imbuvables prétentieux au cercle supra-méga-élitiste. Quoique la vague jazz actuelle prout-mon-cher en est particulièrement fournie.
Ici, le but est simple. Il s'agit de rendre justice à un groupe ( allemand, comme c'est étonnant... ) qui, à la fin de la dernière décennie, à fait avancer les choses d'un pas de géant en matière de fusion.
Panzerballett ( tadadaaam... trompettes, cymbales, froufrous, etc... ). Et oui, nous parlons bien de jazz. Le véritable jazz et le véritable metal.
Mais avant toutes choses, administrons vite fait un tranquillisant aux historiens professoraux droits, froids, anguleux et intimidants comme le palais des congrès de Francfort. Oui, le jazz et le rock font chambre commune depuis longtemps.
Depuis Hots
Rats ( Frank Zappa ) et In a
Silent Way ( Miles Davis )- 1968 - pour être précis, deux albums que je recommande au demeurant à tous les curieux aux oreilles en alerte. On passera sur l'école de Canterbury, et donc Soft
Machine, ayant touché l'overdose de ce mariage, et même créé des chefs d'oeuvres intemporels. Oui, le jazz rock fusion, c'est pas nouveau...
Sauf qu'entre hier et aujourd'hui, entre rock et metal, un monde s'est dessiné. Et notre metal dans tout ça? A vrai dire, il aura beau avoir été berceau de moult fusions, lui et le jazz, ça se regarde surtout en chiens de faïence.
Quelques noms, tout de même :
Atheist. Les atmosphères jazzy sont bel et bien présentes, à commencer par un swing non dissimulé sur Unquestionnable
Presence, mais il lui manque un ingrédient sans lequel il ne dérogera point à la règle : une musique en électron-libre.
Cynic? Encore moins. Painkiller? Noisy, expérimental et torturé, mais toujours... écrit.
Et là,
Panzerballett intervient avec son Jazz Sabbathien. Sur cette deuxième mouture,
Starke Stücke, l'alliance parfaite est crée. Il ne s'agit plus de superposer jazz et metal, d'intégrer les éléments de l'un par dessus l'autre. Non. Ici, la frontière des deux genre a totalement disparu.
Pour décrire cette entreprise farfelue, il faut d'abord noter le côté totalement espiègle de la démarche. Nos têtes brûlées collectionnent les reprises constituées d'airs connus et cultes, des refrains pop, des rythmiques publicitaires, du hard rock (
Deep Purple,
AC-DC ), jazz ( Joe Zawinul )... Oh oui, attend... l'autre va crier "Ils n'ont pas tout composé?! Tas d'arnaqueurs !"
T'as rien saisi, mec.
Panzerballett se permet une razzia sur ces morceaux pour pouvoir mieux les tourner en dérision, les tordre dans tous les sens, les raffiner, les bricoler et par dessus tout, improviser dessus. Voilà le but ultime. Du chaos naît l'ordre, le cadre des thèmes repris n'est qu'une base pour en sortir un magma libre, une création sur le vif, et quelle création!
Une musique essentiellement instrumentale, quelques lignes d'un growl criard viennent peindre une ou deux pistes et ce morceau de metal-funk-opéra-Mike-Pattonien Zickenterror, avec Andy Lind.
Le thème de la Panthère
Rose, une ouverture coup de butoir, et son ventre où guitare clean et walking bass baladent tranquillement avant que notre bassiste, pris d'une soudaine crise d'hystérie fait swinguer son instrument au wah-wah à en réveiller le mémorial de Bastogne.
Autre titre choc, ce Friede, freude, fussball... décharge d'énergie et de maîtrise. Entre ces lourdeurs appuyées par doubles, déstructurations rythmiques et palm-mute meshugghiennes, grandit un monument de variations insoupçonnables, portant le titre vers une séries de contrées vastes et hétérogènes.
Quant à la plupart des titres composés par leur frontman cinglé et tentaculaire ( oui, j'aime bien son chapeau, moi ), Jan Zehrfeld, on retient surtout ce M. W. M. I. O. F. R complètement destroy, appelant tout un genre à se recycler.
Panzerballett jouit de la présence d'instrumentistes de très haut niveau. Ce saxophoniste se prête magnifiquement bien à l'exercice, donnant une énorme touche de folie à son instrument. Et quand il cherche à souffler, c'est pour métamorphoser un titre à la base simpliste, racoleur et infect comme
Winds of Change (
Scorpions ) en un Louis d'or de couleurs et de charme.
Parlons aussi des gratteux ( au nombre de trois, se partageant les morceaux ), jamais avares en riff abrasif et tranchant, mais jouant sur la nuance par les très nombreux effets qu'ils utilisent.
Quant au batteur, c'est une perle qui apporte au groupe une grande partie de son identité. Il a investi et assumé son terrain de jeu en usant de toutes les possibilités offerte par la technique. S'adapte à merveille à chaque situations, n'en fait jamais de trop et pourtant, nous défonce le crâne.
Avec un tel band,
Starke Stücke n'est jamais redondant, jamais boursouflé, jamais répétitif. Le toute est servi sous une production exemplaire. Puissante, claire, précise et nette, tout en n'édulcorant jamais le son à le rendre impersonnel ( et dire qu'il y en a beaucoup ).
Alors que ce groupe aurait pu être rangé aux côtés des
Diablo Swing Orchestra, dans la case du melting pot un peu gadget, très sympa sans en faire un boom, nous voilà face à un groupe ayant revu et réassemblé certains codes, nous faisant redécouvrir une scène et la rafraîchissant une bonne fois.
Panzerballett, par ses idées de reprises iconoclaste fait du grand avec du petit et transforme aussi ses liens principaux avec le metal. Un groupe s'adressant finalement davantage au fan de jazz et de fusions, pénétrant ce cercle de prime assez snob avec une fourrure en acier originale, ne perdant pas de vue d'où il semble venir en s'arrachant à la toute fin un dernier hommage au Black Sab', par le biais de quelques lignes de guitare.
Il nous en manquait un. Le voici. Jazz Sabbath !
Mais, faut que tu saches que ce n'etait pas une écoute de facade, j'ai du l'ecouter une bonne dizaine voire quinzaine de fois l'album, mais avec la complexité du truc il en faut au moins 100 de plus hein ? ;)
Merci pour cette chronique qui ne peut que m'encourager à découvrir le groupe et à me pencher sur les autres références Jazz-Rock, pauvre petit inculte que je suis.
Encore une fois, merci et au plaisir (car s'en est un) de te relire!
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire