Nous sommes en 2001. La Terre vient à peine d’achever sa révolution autour du Soleil après la sortie du fameux "
Aeons of Magick", que
Sirius, formation portugaise de Black
Metal Symphonique, est déjà de retour avec un nouvel album au titre pour le moins énigmatique : "
Spectral Transition –
Dimension Sirius".
Rapide rétrospection… Remontons le temps et revenons en cette année 2000, marquant historiquement notre entrée dans un nouveau millénaire et, pour ce qui nous intéresse, marquant la sortie du premier album studio de nos Portugais. À cette époque, avec "
Aeons of Magick",
Sirius donnait l’image d’un groupe au talent certain mais sans vraie personnalité, que ce soit du point de vue de la musique ou du concept. Musicalement et conceptuellement,
Sirius laissait effectivement transparaître de façon claire et distincte son affiliation au style de
Limbonic Art, première période... Même démarche orchestrale, même contexte cosmique ; bref, le moins que l’on puisse dire, c’est que
Sirius avait vraisemblablement l’intention de s’inscrire comme suiveur plutôt que créateur. Avec l’arrivée de "
Spectral Transition –
Dimension Sirius" sur le marché du Black Symphonique, les premières questions qui nous viennent à l’esprit sont certainement les suivantes : qu’en est-il maintenant ?
Sirius a-t-il évolué ? A-t-il enfin créé sa propre marque de fabrique ?
Oui et non, à tous les niveaux...
D’abord, non, parce
Sirius n’a pas abandonné la dimension cosmique de son concept ; concept déjà si cher à
Limbonic Art depuis 1996, rappelons-le. En cela, on ne s’étonnera pas de voir à nouveau, dans "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", l’espace au centre des préoccupations. Le logo à l’effigie de
Sirius, le soleil de notre galaxie, en témoigne ; tout comme les paroles avec des titres évocateurs comme "In
Astral Plains Of
Trance" ou encore "Stellar Transcendence".
Pourtant, malgré ce conformisme conceptuel global,
Sirius a vraiment innové avec cet opus en se focalisant désormais sur une approche très scientifique des phénomènes spatio-temporels, tout en explicitant leur influence sur les êtres. Une fois encore, les titres des chansons sont très évocateurs… Pour la rédaction des textes, il est manifeste que le groupe a consulté des documents relatifs à la physique quantique, à la transmigration, aux événements électromagnétiques, si ce n’est, encore plus précisément, aux théories explicatives de la Ceinture de Photons et aux hypothèses d’un Multivers ; autant dire des documents particulièrement abscons pour le commun des mortels... Pour que vous compreniez un minimum de quoi il s’agit, et n’ayant pas moi-même les aptitudes requises pour me lancer dans une démonstration épistémologique détaillée, je vais essayer de faire simple…
Avec "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", les Portugais ont vraiment poussé à l’extrême la complexité de leur concept, comme je vous le disais à l’instant. La pochette, indéchiffrable s’il en est, nous conforte un peu plus dans cette idée. Mais, venons-en au fait… Dans cet album,
Sirius a décidé de se concentrer sur les phénomènes physico-chimiques qui régissent l’Univers, autrement dit qui maintiennent l’ordre cosmique. Le groupe s’intéresse alors naturellement à la Ceinture de Photons, sujet digne d’un film de science-fiction, mais qui est pourtant extrêmement sérieux quand on voit la théorie scientifique pointue qu’il y a derrière… La Ceinture de Photons est une sorte d’agrégat de particules lumineuses se situant dans l’espace. Cette "ceinture", qui n’est en fait rien d’autre qu’une étendue gigantesque de lumière vive, a une influence déterminante sur la réalité, matérielle ou spirituelle. Son rayonnement, qui procède par impulsions électromagnétiques, par vibrations à fréquences élevées, s’infiltre dans tout ce qui existe et donne lieu à des transformations systématiques. On dit alors que la puissance photonique dégagée intervient dans la perturbation des cycles qui animent l’univers des possibles. En effet, il est généralement admis que le réel est soumis à une évolution cyclique, suivant le principe de hiérarchie. On entend par là que tout être, toute chose dans notre Univers, bien que traditionnellement conditionné(e) par une dynamique ascendante, un processus d’élévation primaire, connaît aussi des phases de régression, de chute. Selon les spécialistes,
2012 devrait être le moment où la Ceinture de Photons aura une action démultipliée et irréversible sur l’Univers : on parle du Point Zéro. L’ordre cosmique sera complètement bouleversé, et il faudra alors s’adapter aux changements. À ce titre, on parlera de "transition dimensionnelle", ce qui devrait vous rappeler le titre de l’album en question… Serons-nous téléportés dans la "dimension
Sirius" dans quelques années ? Nul ne le sait. Ce qui est sûr, c’est que l’homme est loin d’avoir percé tous les mystères du cosmos. Voilà pourquoi nous ne devons pas négliger la possibilité d’existence d’une infinité d’univers parallèles, d’un Multivers en somme, qui serait fragmenté en plusieurs dimensions…
Après cette digression des plus abstraites sur la théorie soulevée par "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", il m’incombe maintenant de revenir à des choses plus terre à terre... D’après ce que nous venons de voir, d’un point de vue conceptuel,
Sirius n’est donc ni vraiment original ni complètement banal (loin de là…). Il s’avère qu’il en est de même pour ce qui a trait à la musique, au sens strict du terme.
Eh oui, en un sens,
Sirius a radicalement évolué en un an, à tel point qu’on est maintenant loin d’un remake orchestral de
Limbonic Art. Il n’y a plus d’"In
Abhorrence Dementia" ou d’"
Epitome Of Illusions" qui tiennent, cette période est clairement révolue. Avec "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", l’auditeur est désormais confronté à un style direct où le clavier a définitivement perdu sa suprématie des premiers instants, ce qui laisse ipso facto une plus grosse part du gâteau aux autres instruments. En fait, ce qui frappe, c’est d’abord la violence inattendue des compositions, servie idéalement par une production en béton et renforcée par un chant puissant et profond. Ce chant, et c’est une surprise, n’a plus grand-chose à voir avec l’imitation d’
Ihsahn à laquelle on avait droit dans "
Aeons of Magick" (cf. "In The
Nightside Eclipse"). Dans "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", les vocaux sont globalement plus percutants, mais aussi plus polyvalents, alternant entre des aigus incisifs et des graves destructeurs.
Néanmoins, l’originalité n’est pas aussi présente que vous pouvez l’imaginer… Le virage qu’a pris
Sirius avec ce deuxième album n’est pas sans rappeler le virage qu’a pris
Limbonic Art avec "
Ad Noctum –
Dynasty Of
Death" ; ce dernier ayant créé la surprise lors de sa sortie, en privilégiant nettement la brutalité aux structures symphoniques grandiloquentes d’antan. D’ailleurs, on notera l’intervention exceptionnelle de
Daemon dans le cadre de l’élaboration de l’album des Portugais ; histoire de montrer que tout n’est pas complètement le fruit du hasard… Mais, plus intéressant encore,
Sirius semble s’être largement inspiré d’
Emperor pour la composition de ce "
Spectral Transition –
Dimension Sirius". À vrai dire, même sans avoir écouté l’album, on aurait pu s’en douter parce que
Sirius a un contrat avec
Nocturnal Art Productions (le label de Samoth, guitariste d’
Emperor), parce que
Sirius a pu compter sur la collaboration de Samoth lui-même et de
Faust (premier batteur d’
Emperor), et parce que
Sirius a tout simplement repris à sa sauce "The
Majesty Of The Nightsky" (morceau d’
Emperor, issu du mythique "In The
Nightside Eclipse").
Alors, évidemment, la discographie d’
Emperor étant particulièrement hétéroclite, encore faut-il y situer "
Spectral Transition –
Dimension Sirius". Pour cela, laissez-vous guider par la couleur des pochettes… Vous voyez certainement où je veux en venir, n’est-ce pas ? Oui, je fais bien référence à "IX
Equilibrium", le troisième album des géniteurs du Black Symphonique. J’y fais référence parce que les ressemblances avec l’album qui nous préoccupe sont édifiantes. On y retrouve globalement les mêmes rythmiques véloces, le même mélange Black/
Death efficace et subtil, et la même utilisation aérienne du clavier. Comble de l'histoire : "
Spectral Transition -
Dimension Sirius" a été enregistré dans le même studio que "IX
Equilibrium", à savoir le Akkerhaugen Lydstudio.
Seul petit problème : l’homogénéité est de retour. Donc ne vous attendez tout de même pas à un ensemble aussi varié que le fameux "IX
Equilibrium" d’
Emperor. Ici, tous les morceaux sont approximativement construits sur le modèle d’un "The Source Of
Icon E" ou d’un "
Sworn", ce qui laisse finalement peu de place à des morceaux plus calmes du type "An
Elegy Of Icaros" ou "
The Warriors Of Modern
Death" qui introduiraient pourtant une certaine diversité non négligeable.
En dépit de ce que nous venons de voir, précisons qu’il ne s’agit pas pour autant d’un plagiat basique, sans intérêt. Le petit plus que
Sirius apporte avec ce "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", c’est certainement un regain de puissance appréciable, mais aussi une atmosphère singulière, dans des cas particuliers. L’intro et le dernier morceau (mid-tempo, s’il vous plaît…) montrent par exemple que nos musiciens portugais sont tout à fait capables de composer quelque chose qui est bien a eux, avec cette atmosphère mêlant théâtralité et électronique grâce au clavier.
Avec "
Spectral Transition –
Dimension Sirius", on ne peut donc pas s’empêcher de tirer plus ou moins les mêmes conclusions qu’avec "
Aeons of Magick"…
Sirius est un groupe au talent certain, mais c’est aussi un groupe qui manque d’inventivité, et qui ne parvient pas à tracer sa route dans le milieu du Black Symphonique. Les Portugais semblent avoir de réelles difficultés à dépasser l’apport de leurs influences notables -
Limbonic Art et
Emperor - ainsi qu’à diversifier leurs morceaux au sein de leurs productions. Peut-être le groupe devrait-il prendre plus de temps à l’avenir pour laisser mûrir ses idées et trouver du même coup comment mettre un peu plus de sa personnalité dans sa musique.
Malheureusement, et malgré la signature avec
Nuclear Blast Records que "
Spectral Transition –
Dimension Sirius" a provoqué, il n’y aura pas de prochaine fois car le groupe s’est séparé peu de temps après la sortie de cet opus. Dommage, car
Sirius avait un fort potentiel à exploiter, et le label géant représentait une opportunité unique de le faire pleinement fructifier.
M'est avis que la Terre (et par extension les Humains / Animaux / Plantes) va prendre littéralement son pied, un "orgasme cosmique" à nul autre pareille (dommage que sur cet opus, cela n'a pas l'air d'être vraiment le cas), "mots" que j'utilise histoire de contrecarrer tous ces prédicateurs américano-catholiques qui y vont avec leur mai ou décembre funeste :)
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