L’espace : refuge des mystères les plus insondables de l’Univers, théâtre du Big
Bang, catalyseur de la création, berceau de l’existence et de la vie… L’espace est un ailleurs qui a toujours fasciné les hommes à la recherche de leurs origines ou rêvant d’évasion. Car l’espace est a priori un monde infini où tout est possible, et où tout reste à découvrir. Grâce aux immenses progrès de la science depuis moins d’un siècle et notamment grâce aux efforts des astronomes/astronautes, le rêve le plus fou de l’humanité consistant à résoudre les énigmes du cosmos, est en train de se réaliser petit à petit. L’odyssée stellaire a définitivement commencé, et il y a fort à parier que ce voyage au cœur de la nuit des temps nous apportera des révélations qui transformeront notre perception de l’Univers à tout jamais…
En musique, et notamment dans le
Metal, ce thème est particulièrement récurrent. Regardez
Limbonic Art, formation norvégienne pionnière en matière de Black
Metal Symphonique. Il ne se passe pas un album sans que le cosmos ne soit invité à la fête… On pourrait tout aussi bien évoquer
Arcturus, groupe norvégien de
Metal Atmosphérico-Symphonique Expérimental, tirant évidemment son nom d’une étoile. Mais il y a aussi les Allemands d’
Obsidian Gate qui évoluent dans ce style caractéristique, et il convient de ne pas les oublier ; on verra pourquoi... Avec "
Aeons of Magick",
Sirius semble donc s’inscrire dans la même logique conceptuelle que les groupes sus-cités, et je ne vais pas manquer de vous expliquer pour quelles raisons…
Sirius, comme vous le savez probablement, est une étoile. Une étoile, oui, mais pas n’importe laquelle… Dans certaines cultures, quelque part entre ésotérisme et astronomie,
Sirius est effectivement l’étoile la plus brillante de notre galaxie, ce qui lui vaut naturellement le nom de "soleil de la Voie Lactée". Pour ces cultures, de la même manière que les astres gravitent autour du soleil dans notre système solaire, la Voie Lactée toute entière (dont notre propre soleil) gravite autour de
Sirius. Ainsi, on comprend déjà mieux la cohérence globale du groupe quand on jette un œil sur la pochette ou plus précisément sur le logo. La pochette représente sans équivoque le système héliocentrique potentiellement en vigueur dans notre galaxie, comme en témoigne ce zoom sur
Sirius. L’astre apparaît naturellement flamboyant et immense à côté du reste de la galaxie, quasiment noyée dans un bleu intersidéral ; d’autant que le soleil galactique semble être mythifié par un cercle spirituel - pour ne pas dire ésotérique - qui l’entoure. Détail intéressant : il semblerait que
Sirius, sur le dessin, s’apparente à la partie centrale d’un œil (pupille et iris), alors que la galaxie en forme le contour. Concernant le logo en particulier, il est clair que ce dernier s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la pochette puisqu’il glorifie lui aussi
Sirius, le supposé "soleil des soleils" dont nous venons de parler.
Comme vous pouvez vous en douter, ce n’est pas tout…
Sirius, le groupe, a aussi pris soin de rédiger des textes qui soient les plus proches possible du concept pictural. C’est en cela que l’on aura le plaisir de retrouver dans les paroles un véritable hommage à l’espace. Et, on en conviendra, le plaisir s’avère d’autant plus intense que la musique est parfaitement bien adaptée à la situation…
Musicalement, nous sommes quelque part dans la discographie de
Limbonic Art, entre "In
Abhorrence Dementia" et "
Epitome Of Illusions" (version réenregistrée des démos précédant "
Moon In The Scorpio") avec un chant qui ressemble à s’y méprendre à celui d’
Ihsahn dans "In The
Nightside Eclipse". En fait, "
Aeons of Magick" est globalement moins emphatique et diversifié qu’"In
Abhorrence Dementia" mais reste plus travaillé et symphonique qu’"
Epitome Of Illusions" ; d’où la place intermédiaire que je lui ai attribuée. Les pistes instrumentales sont, par exemple, symptomatiques de cette place. En effet, que ce soit "The
Stargate" ou "
Beyond The Scarlet
Horizon", on reste bel et bien entre un "Oceania" mélancolique et un "Arctic Odyssey" orchestral. À propos des chansons au sens strict du terme, il faut reconnaître que les compositions sont globalement trop homogènes, et c’est quelque peu regrettable. Tout ceci nous donne presque l’impression que le groupe, malgré son talent, n’est pas créatif.
Limbonic Art est un bonne influence, et donc une bonne base de travail compositionnel. Cependant, il faut savoir s’en détacher, et se faire violence pour acquérir une autonomie dans le milieu, pour imposer sa marque de fabrique. Il faut aussi savoir introduire un minimum de variations dans les compositions, sans quoi on sombre automatiquement dans une logique de bloc compact qui lasse généralement l’auditeur à terme, ce dernier ayant l’impression d’écouter à chaque fois la même piste.
D’un certain point de vue, on pourrait dire qu’il y a malgré tout de l’innovation puisque "
Aeons of Magick" n’est pas un plagiat pur et simple d’un album de
Limbonic Art en particulier, vu qu’il est dans une position intermédiaire entre "In
Abhorrence Dementia" et "
Epitome Of Illusions". Seulement, ce qui est gênant, c’est que
Sirius a aussi été précédé dans cette entreprise par
Obsidian Gate (nous y voilà…) avec "The Nightspectral Voyage". La conséquence, c’est que
Sirius arrive presque comme un cheveu sur la soupe avec rien de bien nouveau à nous proposer. Néanmoins, sur ce dernier point, on ne tiendra pas vraiment rigueur à
Sirius dans la mesure où il est très peu probable que les Portugais aient eu connaissance des travaux des Allemands ; déjà parce qu’
Obsidian Gate est un groupe à notoriété limitée, mais aussi parce qu’un intervalle de temps assez court sépare "
Aeons of Magick" de "The Nightspectral Voyage"…
Ceci étant dit, depuis le début de ma chronique, je parle beaucoup de
Limbonic Art, et je pense que cela n’a échappé à personne. Mais pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les productions de ce groupe, surtout avec "In
Abhorrence Dementia" et "
Epitome Of Illusions" dont il est question ici, il m’incombe d’apporter de plus amples informations afin de livrer une analyse compréhensible par tous.
"
Aeons of Magick", c’est quoi exactement ? Eh bien, c’est du Black Symphonique, au sens propre du terme. Ici, le clavier est quasi omniprésent, à tel point qu’il noie en partie les autres instruments dans ses nappes symphoniques sophistiquées. Mais justement, l’utilisation grandiloquente de cet instrument fait que la dénomination "Black Symphonique" prend tout son sens ; et ce d’autant plus que la production est très correcte. Les pistes instrumentales évoquées plus haut, à savoir "The
Stargate" et "
Beyond The Scarlet
Horizon", en sont des preuves éloquentes car le clavier y est ici le seul acteur, avec néanmoins quelques percussions en toile de fond pour "The
Stargate". "The
Stargate", justement… Il faut avouer que ce morceau porte particulièrement bien son nom… Vous connaissez sans doute le film de science-fiction éponyme ou la célèbre série associée - "
Stargate SG-1" - avec toutes ses dérivées, qui mettent en scène des humains ayant découvert une porte des étoiles permettant de voyager à travers la galaxie. Dans le cas présent, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a comme une similitude réelle entre ce que nous propose
Sirius avec "The
Stargate" et les bandes son symphoniques associées aux réalisations cinématographique ou télévisuelle que l’on vient d’évoquer. Même constat, ou presque, avec "
Beyond The Scarlet
Horizon" qui, sans être similaire aux bandes son de "
Stargate", incarne bien l’esprit présent dans de nombreuses musiques de films. Remarquez, les "vraies" chansons de l’album ne sont pas non plus à négliger dans le cadre de ce constat car les compositions de
Sirius pourraient tout à fait être des musiques de films, avec néanmoins le côté
Metal en plus.
Un mot sur le groupe…
Sirius est né en
1994 de la volonté d’un seul homme : un certain Draconiis. À la base, il devait s’agir d’un projet solo, mais trois ans plus tard, suite à l’éclatement de
Twilight, groupe de
Metal Portugais où jouait également Draconiis, ce dernier fut rapidement rejoint dans le projet
Sirius par ses camarades du groupe défunt. Un premier effort - "… The
Eclipse (The Summons Of
The Warriors Of
Armageddon)" -, démo saluée par la critique, verra le jour peu de temps après cette collaboration. Mais c’est en 1999, fière de son contrat avec
Nocturnal Art Productions, que la formation présenta "
Aeons of Magick", son premier véritable album et l’objet de toutes nos attentions aujourd’hui. Alors, bien sûr, un détail qui n’échappera pas aux connaisseurs est le label avec lequel
Sirius a signé après sa démo. Oui, c’est effectivement celui qui a fait la renommée de
Limbonic Art. Quelle surprise, me direz-vous…
Finalement, s’il fallait ne retenir qu’une seule chose de cette chronique, c’est donc bien qu’"
Aeons of Magick" est un album fort sympathique à écouter pour tout admirateur de Black Symphonique, et notamment pour tout fan invétéré de
Limbonic Art, véritable monument du style. Malheureusement, on regrettera le manque d’engagement flagrant de
Sirius avec cet opus qui fait tout sauf sortir des sentiers battus. Le talent est là, mais l’inspiration manque cruellement. Et, soit dit en passant, ce n’est pas parce que
Therion a sorti un "
Sirius B" et
Gojira un "From Mars To
Sirius" bien après ce "
Aeons of Magick" des Portugais qu’il faut y voir une relation de cause à effet… Peut-être Draconiis et sa bande devraient-ils revenir sur terre car ce n’est pas en levant simplement les yeux vers le ciel que l’inspiration va forcément pleuvoir…
Merci pour la découverte et ce bel effort littéraire Bada.
Val'
Voilà, bon, tu as parfaitement résumé la situation. La preuve, je suis d'accord en tout point.
EDIT : La chronique de l'album suivant est en préparation... :)
Enfin, tu verras ça en temps voulu, n'est-ce pas ? ;)
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