Difficile, à l'heure actuelle, de se démarquer dans un registre metal symphonique à chant féminin, où pléthore de jeunes formations viennent crânement tenter leur chance, aux côtés d'une poignée d'indéboulonnables cadors du genre, à l'instar de
Nightwish,
Epica,
Xandria,
Within Temptation ou encore
Amberian Dawn,
Leaves' Eyes et
Delain ; et bien rares sont les heureux survivants de cette périlleuse entreprise. Autant dire que les nouvelles recrues devront affûter leurs armes techniques et mélodiques, peaufiner leurs gammes et leurs arpèges, s'armer de patience pour ne pas essuyer une désaffection prématurée comme bon nombre de leurs prédécesseurs. Ce à quoi se sont employés nos valeureux acolytes.
Fondé en 2005,
Shield Of Wings est une jeune formation américaine originaire de Chicago, souhaitant précisément s'illustrer sur cette scène, prudemment, et aux fins d'un travail minutieux en studio, dont témoigne son premier méfait «
Solarium » ; EP 6 titres d'un message musical de 27 minutes sorti 6 ans plus tard. Estampé metal mélodico-symphonique gothique et progressif et influencé par les vibes de
Nightwish (première mouture) de par ses arrangements,
Epica au regard de son riffing acéré, avec une pointe de
Delain quant à ses harmoniques, cet initial opus laisse néanmoins entrevoir une touche personnelle mais une ingénierie du son perfectible, à commencer par un surmixage des riffs au détriment des lignes de chant. Toutefois, la qualité des compositions et de l'interprétation compensent partiellement ces petits défauts de jeunesse.
Composé de James Gregor (guitare et growls), Jeff Olsem (basse), Pat Eulitz (batterie) et de Grace Meridan (ex-
Apparition), chanteuse non lyrique au timbre clair et délicat, le quartet nous embarque dans une émoustillante aventure, mêlant le plus souvent dynamisme rythmique, justesse des accords et vibrante mélodicité. Le frondeur «
Essence and the
Moon » en est une parfaite illustration. Energisant et voluptueux, à la manière de
Sirenia (seconde mouture), avec une touche d'un
Within Temptation des premiers émois, ce titre metal symphonique pur jus entonné par un duo mixte en voix de contrastes magnétise nos âmes par son caractère enjoué et ses vibrantes harmoniques. Lorsque le convoi instrumental prend l'ascendant, on est happé par la tourmente, emporté par un tourbillon propice à un voyage en apesanteur.
Dans une même énergie mais soucieux de diversifier son empreinte stylistique, le combo américain a également opté pour une touche gothique plus marquée dans ce projet. Ainsi, « Carnival Mirror », up tempo sympho gothique, dans le sillage de
Within Temptation à l'époque de « Enter », vogue sur d'amples nappes synthétiques, parallèlement à un riffing écorché vif. Ce faisant, par ses libertaires attaques et des aigus plus prononcés dispensés par la sirène, nos deux tourtereaux parfois se plaisent à nous désarçonner comme pour mieux nous retenir dans leurs filets. Et le sauce prend.
Lorsqu'il ralentit la cadence, force est de constater que le collectif étasunien n'a nullement tari d'inspiration, nous offrant deux vibrantes pistes que pourraient bien lui envier ses homologues générationnels. A commencer par l'altier et vrombissant « Malady », mid tempo sympho progressif typé
Nightwish jouissant d'arrangements de bon aloi, avec un zeste de
Delain quant au plaisant cheminement mélodique. Ce faisant, il nous agrippe le tympan tant par ses roulements brefs et abrupts d'un martial tambour que par ses refrains catchy mis en habits de lumière par les cristallines volutes de la déesse. Efficace effort qui ne nous lâche pas une seule seconde et poussant à une irrépressible écoute en boucle. Dans cette veine stylistique, «
Solarium » hypnotise par son pilonnage graduel de caisse claire, son ondulant serpent synthétique, ses gimmicks à la lead guitare et surtout les chatoyantes patines oratoires de Grace.
En dépit du format de l'album, la troupe s'est attaquée à la réalisation d'une fresque, exercice classique dans ce registre metal, mais qui n'est pas sans dangers pour leurs auteurs. Cependant, celle-ci est réalisée avec inspiration et un certain sens du détail technique. Pièce d'anthologie sympho prog de l'opus sous-tendue par un léger tapping, «
War and
Rapture » délivre ainsi 7 minutes d'un spectacle cinématique et chevaleresque, dans le sillage de
Leaves' Eyes, où les contrastes rythmiques, atmosphériques et vocaux sont de mise, entre les claires impulsions de la belle et les growls caverneux de la bête. Musclé et bringuebalant, le corps instrumental de par ses frasques et insoupçonnées variations contribue à capter l'attention jusqu'au terme de la pléthorique offrande.
Au final, on découvre un premier et honorable manifeste, à peine interrompu par un bref, orientalisant et dispensable instrumental, «
Threshold » ne jouant qu'un rôle d'interlude. Dénué de toute prise de risque et infiltré de quelques sonorités parasites, cet effort laisse cependant entrevoir de réelles qualités mélodiques de leurs auteurs et des portées savamment accouchées sur chacune des pistes de la menue galette. Du moins, suffisamment pour aspirer l'amateur de metal symphonique à chant féminin inspiré par ses sources d'influence, à condition de ne pas céder à la tentation de la comparaison. En effet, sans être un foudre de guerre, cet album reste accessible, résolument engageant, sans mièvrerie, ni simplicité excessive, où les zones de remplissage sont peau de chagrin. Bref, un groupe à découvrir et peut-être bien à adopter...
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