Encore une ixième formation metal symphonique à chant féminin, sans doute vouée, comme tant de ses pairs, à une disparition prématurée, me direz-vous, et vous auriez raison... à quelques nuances près toutefois ! Ce jeune combo allemand originaire de Ratisbonne, sorti de terre en 2013, s'est laissé le temps de la maturité compositionnelle opérer, n'accouchant d'un premier et rayonnant album full length, « Malachite Skies », qu'en 2015. Mais le collectif teuton n'aura pas mis longtemps pour reprendre du service, revenant dans les rangs quelques 20 mois plus tard, avec, sous le bras, un second et subtil opus de longue durée répondant au nom de «
Solar Empire » ; une rondelle généreuse de ses 58 minutes sortie, tout comme son aînée, chez le prolifique label allemand STF Records. A l'aune des 11 pistes jalonnant notre parcours, votre humble serviteur subodore que nos acolytes pourraient bien venir jouer les trouble-fête parmi leurs homologues dont
Elvellon,
Beyond The Black et autres
Metalwings...
C'est dans une lignée rock'n'metal mélodico-symphonique gothique aux relents folk plus marqués que naguère que se poursuit l'aventure, le plantureux méfait évoquant tour à tour
Nightwish,
Amberian Dawn,
Epica,
Theatre Of Tragedy,
Xandria,
Leaves' Eyes. Dans ce dessein, la troupe a procédé à quelques changements de line-up, comptant dorénavant dans son équipage : le guitariste, bassiste, programmeur et producteur Chris Diefenbach (Thunderskull), la frontwoman au grain de voix acidulé Lisa Rieger et le batteur Jens Viertel. De cette collaboration naît une galette aux compositions bien inspirées, à la technicité éprouvée, aux lignes mélodiques épurées, faisant la part belle aux choeurs, témoignant d'un enregistrement d'excellente facture et d'un mixage à parités égales entre instrumentation et lignes de chant dispensés par Chris. Le choix judicieux de musiciens aguerris et d'émérites vocalistes pour l'occasion contribue à magnifier le propos et à rendre notre traversée des plus palpitantes. C'est donc sous les meilleurs auspices que s'annonce le voyage. Embarquement immédiat !...
Quand il se plaît à ensanglanter les fûts de ses frappes sèches, le combo nous convie alors à un spectacle des plus prégnants. Ainsi, on sera à la fois envoûté par l'orientalisante ambiance et secoué par les soudaines accélérations émanant des entrailles des ''xandriens'' mid/up tempi « Scarlet Occident » et « Between
Two Worlds ». Leurs riffs roulants, leurs enivrants refrains tout comme les sulfureuses patines de la déesse sont autant d'armes efficaces à mettre à l'actif de ces deux offrandes.
Plus échevelant encore et non moins mélodieux, le frondeur « Towards the
End » accrochera le tympan à la fois par les variations de sa basse vrombissante et le délicat toucher d'archet de la violoniste Ally Storch (
Ally The Fiddle,
Subway To Sally). On ne résistera pas davantage à l'offensive rythmique et ni aux refrains catchy de « Days of
Thunder », véritable hit en puissance dans la droite lignée d'un
Delain des premiers émois.
A l'image de son prédécesseur, le présent opus se dote d'une seule et pléthorique pièce en actes symphonico-progressive à mi-chemin entre
Nightwish et
Xandria. Ainsi, «
Horns of Era'Kor » déploie ses 7 minutes d'un spectacle chevaleresque et romanesque aux forts contrastes atmosphériques, rythmiques et vocaux. En outre, de nombreux coup de théâtre et moult péripéties jalonnent notre parcours ; autant d'armes de séduction stimulant notre désir d'aller jusqu'au terme de notre parcours. Pourvue d'arrangements instrumentaux d'excellente facture et d'une chorale qui peu à peu se densifie, la fresque se nourrit également de joutes oratoires judicieusement amenées, les angéliques impulsions de la sirène donnant le change aux puissantes inflexions de Henning Basse (
Firewind, Hollentor...). A nouveau, la magie opère.
Parfois, l'atmosphère se fait plus lourde, voire angoissante, nos acolytes nous menant alors au beau milieu d'un champ de gorgones. Ce qu'illustre précisément l'énigmatique mid/up tempo «
Doomed » d'obédience dark gothique, dans l'ombre de
Tristania, avec un zeste de
Draconian eu égard à son cheminement d'harmoniques. Dans la tourmente, évolue une sidérante triangulation oratoire entre des choeurs en faction, d'angéliques patines et des growls caverneux. En dépit de son climat lugubre, le tortueux méfait offre quelques moments de répit, d'insoupçonnés changements de tonalité doublés de fines nuances mélodiques. Autre corde à mettre à l'arc de nos gladiateurs, donc...
Par ailleurs, dans un souci de diversification de l'offre oratoire, nos gladiateurs ont misé leurs espoirs de séduction sur des duos féminins et mixtes. Et force est d'observer que, là encore, la sauce prend. D'une part, on ne pourra que malaisément esquiver le seyant chapelet d'harmoniques émanant de l'entraînant « Witness of Arbitrament » ; mid tempo folk symphonique dans l'ombre de
Leaves' Eyes, où un duo en voix de contrastes se fait jour, les claires inflexions de la belle venant en contre-point des serpes oratoires du frissonnant growler Jule Dahs (
Leviathan). On appréciera également la progressivité du corps orchestral tout comme les sinuosités d'une cornemuse libertine, signée Michele Gasparri (
Vexillum). Et comment résister à l'appel des deux sirènes infiltrant le ''nightwishien'' et rayonnant low/mid tempo « The Last
Swan » ? Evoluant à l'unisson, les envolées lyriques de Lisa Rieger et de Zuberoa Aznarez (
Diabulus In Musica, Stardust Reverie, Tragul...) ainsi coalisées font mouche où qu'elles se meuvent.
Assurément l'une des pépites de l'opus.
Lorsqu'il retient les chevaux, comme il nous y avait déjà accoutumés, le collectif germain trouve sans jambage les clés pour nous retenir plus que de raison. Aussi, le pavillon sera-t-il irrémédiablement aimanté par la fluidité des harmoniques et la délicatesse de la sente mélodique inondant «
Memorial » ; tubesque et ''nightwishien'' mid tempo progressif doté d'un léger tapping, d'une flûte gracile octroyée par Dominik Uschold et de la caressante empreinte vocale de la sirène, à laquelle s'adjoint une muraille de choeurs. Pour sa part, et dans la veine de
Lunatica, «
Assassin's Scent » nous octroie des couplets éminemment fondants que relayent d'entêtants refrains. En outre, un joli face à face de cordes s'installe entre le violon virevoltant d'Ally Storch et la harpe enveloppante de Nadine Mittmann (Conspiria). Mis en habits de lumière par les chatoyantes volutes de la belle, le propos se fait des plus magnétiques.
Dans ses moments tamisés, la formation teutonne nous livre ses mots bleus les plus sensibles. Ce faisant, ces instants privilégiés ne seront pas sans générer quelques frissons aux aficionados du genre. Ainsi, l'oeil sera-t-il prestement embué par les troublantes modulations atmosphériques de « Crystalline Cage » ; ballade romantique jusqu'au bout des ongles et voguant sur une mer d'huile, que n'aurait nullement reniée
Leaves' Eyes, et dont on appréciera tant les claires inflexions de la douce que la délicatesse du toucher de l'émérite harpiste sus-citée.
Arrivé au terme de notre périple, force est d'observer qu'un quasi sans-faute s'offre à nous, et l'on éprouvera l'irrépressible envie de remettre le couvert aussitôt l'ultime mesure envolée. C'est dire que le combo a élevé d'un cran le niveau de ses exigences en matière de logistique, d'ingénierie du son et de technicité instrumentale depuis leur premier effort, et ce, en l'espace de quelques mois seulement. En outre, les choix opérés relatifs aux artistes invités se sont avérés des plus judicieux, contribuant par là-même à densifier en le magnifiant le corps orchestral et vocal du solaire message musical. Diversifié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, le manifeste s'inscrit toutefois dans la droite lignée stylistique de leurs maîtres inspirateurs, sans réelle prise de risque susceptible de l'en démarquer. Quoiqu'il en soit, le combo teuton détiendrait-là une œuvre aussi émouvante que charismatique, susceptible de le placer parmi les valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin. Bref, une formation qui a le vent en poupe...
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