Blaak Heat a, comme sa musique, des origines et des influences toutes proches, et une localisation bien éloignée. Le groupe est créé en 2008, à
Paris, par Thomas Bellier, chanteur et guitariste. En
2012, l'oiseau s'envole pour se poser à
Los Angeles et jouer avec le batteur Mike Amster et le bassiste Tom Davis. C'est là-bas, et pour leur deuxième album, qu'ils s'engagent aux côtés de Tee Pee Records. Est-ce un hasard si, cette même maison produit également
Naam, groupe qui n'aura pas manqué d'inspirer Bellier pour le présent enregistrement. Originellement appelé
Blaak Heat Shujaa, ils délaissent cette troisième particule à l'occasion de la composition de «
Shifting Mirrors », et s'adjoignent de la compagnie du percussionniste
Nelson Bragg.
« Anatolia » est le lever de soleil de cette œuvre. C'est une ode au temple de la guitare feutrée et fougueuse à la fois. Ces premières notes alambiquées, sur fond de timides percussions sentent bon le sable qui danse au-dessus d'antiques temples égyptiens. Puis un vent fou réveille une rythmique qui balaye par courtes rafales l'entrée perçante du solo ouvrant les portes de ce palais oriental au cœur du désert Californien. Mais, soyons clair, autant que possible, ce premier titre, ainsi que «
Sword of Hakim », single par excellence, sont bel et bien les morceaux les plus accessibles de cette hymne où se croise génie et obsession. On y associera sans problème « The Approach To Al-Mu'tasim », sans conteste le titre le plus chantant de l'album. Les paroles et leur formulation auront des intonations venues d'Inde. «
Black Hawk » attirera par le même type de prestation vocale, et surtout par la rythmique la plus entraînante de cette aventure.
Mais attention, après ces quelques titres, les portes du palais pourraient bien se refermer sur vous. En effet, autant vous prévenir, la suite se compose de titres très peu chantés. Quand ils le sont, c'est assez particulier. Les mots pourront, comme sur «
Sword of Hakim », être entendus comme de bien courts couplets, plus qu'un ensemble de paroles classiques. Ils agiront tel une suite de mots contés et planants à l'instar de la guitare. Cette dernière se présentera comme une voix sur la plupart des morceaux. Les phrasés et autres notes aigües, sans être réellement des soli, nous guident comme un fil conducteur au milieu de ce palais oriental. Une musique difficile à décrire tant elle est dense, mais en même temps redondante. Certains riff et mélodies se retrouve en début et en fin d'album. Peut-être est-ce là le miroir qui reflète le son trouble d’une fièvre tenace. La six corde, emplit de réverbération, fait monter la chaleur à grand coup de fuzz pour vous emporter corps et âme au plus profond du désert du Mojave. En y ajoutant des particules de jazz expérimental, seulement celles et ceux dont la santé physique et mentale sera la plus forte arriveront au bout de cette traversé hautement prenante. Mais n'est-ce pas là une porte fermée aux moins aguerris à ce style si particulier que
Kyuss et
Fu Manchu ont pu faire fleurir au milieu du sable ardent ?
La guitare est bien entendu remarquable d'inventivité, mais la basse, toujours aussi présente que sur l'album précédent, est hypnotique comme les volutes de fumée qui finissent par croiser les couleurs tournantes de la guitare. Le rythme ponctue ce bal aux effluves envoutantes. Pour accentuer le voyage dans les contrées du Moyen-Orient, les percussions viennent volontiers remplacer la batterie pure et les cymbales luisantes. Mais, chaque titre renferme une particularité, ou un instrument étonnant. «
Ballad of Zeta Brown » nous gratifie, en son cœur, d'un roulement, et d'une cavalcade de guitare, aux faux airs de cowboy. Une légère incartade vers cette Amérique traverse également « Danse Nomade » avec des soupçons de guitare claire, et plus classiquement électrique. « Taqsim » est un interlude unique de violon. Et enfin, « Mola Mamad Djan », chanson Afghane traditionnelle, use des instruments tel que l'oud ou le kanun, communément utilisés dans ces contrées où les déserts de sable tutoient les montagnes rocailleuses.
On a là un album qui affirme le style et le chemin prit par Blaak Heat dans leur précédente production. Une guitare qui explore nombre de tonalités et de possibilités, avec très peu de place pour des sonorités conventionnelles. Une inspiration chargée de traditions musicales dessinant le Moyen-Orient tel que l'avance la pochette du disque. Des mélodies qui marchent sur les braises d'un rock psychédélique s'accordant avec des riffs modérément lourds. La musique que constitue ce «
Shifting Mirrors » peut parfois être aussi dérangeante qu'une discussion avec un Persan parachuté au milieu d'un désert Americain. Pour les puristes du Stoner Rock, attirés par des ambiances sonores orientales, asseyez-vous en tailleur et laissez-vous porter. Les autres, allez le plus loin possible dans cette expérience, et prenez le meilleur de ce dévorant et bouillonnant mélange.
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