Shadow Work

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17/20
Nom du groupe Warrel Dane
Nom de l'album Shadow Work
Type Album
Date de parution 26 Octobre 2018
Labels Century Media
Style MusicalPower Progressif
Membres possèdant cet album21

Tracklist

1.
 Ethereal Blessing
 01:11
2.
 Madame Satan
 04:37
3.
 Disconnection System
 06:00
4.
 As Fast As the Others
 04:41
5.
 Shadow Work
 04:12
6.
 The Hanging Garden (The Cure Cover)
 05:51
7.
 Rain
 05:40
8.
 Mother Is the Word for God
 09:31

Durée totale : 41:43

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Warrel Dane


Chronique @ Eternalis

01 Novembre 2018

Laissez-vous happer par les ténèbres d’une voix unique ...

La résonance que l’on donne à une œuvre dépend autant de sa qualité intrinsèque que de son contexte. Il en a toujours été et il en sera toujours ainsi. Le moment de sa sortie, le lien avec une certaine actualité, la vie parallèle entre l’auteur et sa création et, plus encore, le moment où une œuvre devient posthume.
Dans la musique, ce type d’album est forcément rare et on se pose souvent la question de la légitimité du disque, s’il a un but uniquement artistique, si certains veulent se faire de l’argent sur le dos du défunt (pas de nom, pas de nom). Techniquement, c’est aussi la question de savoir si l’album n’est que le fruit d’un déterrage massif de vieilleries inutilisées pour combler la place ou bien des compositions qui auraient pu voir le jour en condition traditionnelle.

Quand Warrel Dane fut retrouvé mort dans une chambre d’hôtel au Brésil, finalement abattu par ses addictions et sa maladie (un diabète très agressif notamment), c’est toute une scène qui est en émoi. Le chanteur a laissé un héritage musical rare, avec Sanctuary et surtout Nevermore où certains albums resteront à jamais des monuments de metal technique, schizophrène et progressif, notamment les cultes "Dead Heart in a Dead World" et "This Godless Endeavor". Cependant, depuis le split de Nevermore, on semblait avoir un peu perdu le vocaliste blond. Si Sanctuary s’était reformé, les attaques de Jeff Loomis sur la paranoïa du chanteur, son autodestruction qui dépeignait sur les autres et un album solo ("Praises to the War Machine" en 2008) décevant qui restait sans suite, on se disait que quelque chose s’était brisé. On savait également l’homme alcoolique et que ses méthodes de travail étaient tout sauf orthodoxe. Cependant, il avait recruté un groupe de musiciens brésiliens, s’était installé là bas et lança une tournée avec en ligne de mire le fameux "Dead Heart in a Dead World" et les classiques de Nevermore. Puis il commença à travailler sur un nouveau disque, annoncé comme un double album, qui renouerait avec la tradition de Nevermore...mais le destin en décida autrement.

"Shadow Work", puisqu’il s’agit du nom de cet ultime disque, seulement le second en son nom propre, sera finalement un unique album de six compositions, une introduction et une reprise, pour quarante et une minute d’un infini musical que nous n’aurions sincèrement pas cru retrouver chez lui. La plus grande peur aurait été d’être influencé qualitativement par le décès du maestro, de chercher des excuses à la musique ou de vouloir la trouver plus belle qu’elle ne l’est simplement du fait de son contexte. Mais ce sera inutile. Inutile car "Shadow Work" est simplement l’album le plus abouti et réussi de l’américain depuis "This Godless Endeavor". Rien que ça !
On ressent rapidement une ombre planante, une aura presque shamanique sur l’opus, comme si Warrel savait que ce serait son dernier exutoire. Sa voix se fait sensible, agressive, sur la corde raide, prête autant à se briser qu’à hurler à chaque instant. Musicalement, l’influence de Nevermore est évidente et les musiciens, Thiago Oliveira et Johnny Moraes en tête, ont clairement appris de tous ces mois à jouer les anciens morceaux sur scène. D’une technicité affolante dans les guitares, complètement alambiquées et adeptes de structures insondables (comme au temps de Jeff Loomis), Warrel a su s’entourer de musiciens talentueux pour parfaire ce dernier testament.

"Ethereal Blessing" surprend par ses percussions, ses arrangements de cordes et la voix presque sacrificielle du leader. Entre une prière et un rituel, l’introduction permet de lancer la diabolique "Madame Satan" qui aurait pu sortir de "The Obsidian Conspiracy". Le son est lourd, la caisse claire claquante, les riffs tranchent littéralement l’auditeur tandis que Warrel se pose comme un murmure sur les couplets pour se radicaliser ensuite. Il est impressionnant d’entendre le résultat quand on sait que les sessions de chant proviennent de démos et non d’enregistrement studio. Certains growls retentissent, fait rare chez le chanteur mais prouvant qu’il possédait une palette vocale quasi absolue, modulant sa voix comme il le souhaitait. "Shadow Work" est probablement le titre le plus incisif en ce sens, avec un riff tétanisant de puissance. La ligne vocale semble complètement possédée, comme conté par une entité supérieure, presque en retrait dans le mix, pour laisser la place à une ambiance malsaine et dérangeante. Les soli se mélangent les uns les autres, le refrain est susurré, conférant une sensation de fin, de terminus et d’urgence.
A l’inverse, on trouvera avec "As Far as the Others" une composition en forme d’hymne, plus mélodique et accessible, avec un lead mélodique au tapping qui aurait pu être la suite d’un "Final Product" ou d’un "Your Poison Throne". Le chant est plus en avant, sans pour autant que la noirceur de l’ensemble soit moins présente. C’est comme si "Shadow Work" était profondément empreint d’une mélancolie, d’une lassitude et d’une fatigue que la musique voudrait combattre. Car si tout l’entourage du chanteur dit que Warrel se sentait partir, cela semble vraiment se ressentir dans la façon de chanter, dans les mots choisis...alors que la musique est plus vivante, bondissante et insaisissable que jamais. La reprise de "The Hanging Garden" (The Cure) va en ce sens tant elle est méconnaissable, débordante de puissance et de violence, où on pourrait à peine reconnaitre l’aspect gothique sur le refrain. L’appropriation est totale, le break en est une superbe preuve et démontre le talent des guitaristes qui ne se privent pas de rallonger le titre de deux bonnes minutes et de twin battle grinçantes.

"Rain" vient apporter un souffle de détresse et de tristesse suite à ce déferlement. Renouant avec l’ambiance maudite d’un "Dreaming Neon Black" ou "Dead Heart in a Dead World", une voix à fleur de peau, prête à se briser à chaque instant, où la perfection n’a pas lieu d’être car la sensibilité et la sincérité sont évidentes. La seconde partie voit germer un riff menaçant qui assombri encore un peu plus l’atmosphère suffocante, pour finalement revenir à cette pluie, cette mélancolie, ce temps qui passe et, inexorablement, nous avale. Parfait prélude pour le monstre à venir, l’œuvre dans l’œuvre, la fierté d’un disque puisque "Mother is a Word for God" est et restera l’ultime composition de Warrel Dane.
Un mastodonte de neuf minutes, faisant écho au titre "This Godless Endeador" avec lequel il partage une certaine structure, un final anthologique et une montée dantesque en puissance. L’ouverture par les cuivres laissent déjà augurer quelque chose d’épique et progressif, rapidement accompagné par un riff majestueux et la voix de Warrel qui semble raconter une histoire, nous plonger dans les méandres de son imagination. Le titre se lance après deux minutes sur un riff fou et une partie de batterie très proche de Van Williams. Nevermore renait ! Les soli se multiplient. La sensation d’urgence grandi, la structure n’arrête pas de changer, Warrel se déchaine, le thème initial ressurgit en toile de fond avec un slap de basse en superposition et la teneur progressive du propos s’intensifie. Il y aura ce riff assassin à la cinquième minute, le passage syncopé qui le suit qui donne clairement envie de se détruire les cervicales en concert, la ligne vocale complètement halluciné ensuite puis les multiples cassures qui s’enchainent avant un final se rapprochant presque d’un blast beat sur des soli polyrythmiques. Un puzzle musical génial qui se délite pour devenir un véritable miroir d’un esprit malade et proche de la cassure totale.

Les cordes reviennent pour un ultime sursaut, une litanie finale. Warrel a poussé son dernier souffle. Livré sous la forme d’un testament surnaturel, comme un opus de Nevermore qui se serait perdu dans les méandres du temps pour finalement ne se livrer qu’aujourd’hui. "Shadow Work", plus qu’un travail de l’ombre, est porteur d’une des voix les plus lumineuses que notre scène n’ait jamais connu. Lumineuse mais emplie de tristesse, de mélancolie et d’une souffrance qui aurait bercé son existence. Il est un sublime opus qui, bien que court, restera gravé dans les mémoires et les consciences de cette année. Noter cet opus ne serait que lui donner une forme conventionnelle alors que contexte est tout autre. Ecoutez le, simplement, sans préjugés ni aprioris. Et laissez-vous happer par les ténèbres d’une voix unique ...

6 Commentaires

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David_Bordg - 02 Novembre 2018:

Je me pose aucunes de ces questions, une œuvre forte et indispensable de cette année dont moi aussi j’ai eu la chance de chroniquer pour heavy sound. Hélas celle-ci amputée de trois morceaux...

metalstormrider - 04 Novembre 2018:

Merci pour cette superbe chronique Eternalis. Warrel Dane était une personnalité complètement à part, unique surtout sincère... Il s'agit donc du dernier chapitre, celui qui clôt definitivement l'histoire de Nevermore et Sanctuary, indispensable pour celui qui a su apprécier ces deux groupes géniaux.

David_Bordg - 04 Novembre 2018:

Indispensable effectivement de l’année 2018.

Baal666 - 05 Juin 2020:

RIP Warrel, tu nous manquera à jamais 

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