Diablerie est un groupe finlandais d'electro black metal résolument underground et discret fondé en 1998, et dont la musique, franchement barrée, unique et jouissive, éclate au grand jour en 2001 sur ce premier – et à ce jour unique – full lengh qu'est
Seraphyde.
Essayer de décrire la musique des Finlandais est un exercice périlleux tant, au premier abord, leurs compos semblent partir dans tous les sens; non pas que les chansons soient très évolutives, mais les 11 plages qui composent cet album sont très différentes les unes des autres, et
Diablerie semble visiblement se plaire à brouiller les pistes, variant les ambiances, mixant les influences les plus improbables (Until
Death Do Us Apart avec ses couplets bluesy complètement déjantés!!!) et ne se fixant aucune limite pour pouvoir mieux imposer son univers sombre et torturé et y entraîner le pauvre auditeur impuissant.
Un exemple:
Dystopia entame la galette par un beat technoïde limite drum n' bass, se poursuivant sur une mélodie sautillante assez bizarre et saccadée, très dansante, puis arrivent les guitares lourdes et massives, qui reprennent le thème principal sur une rythmique indus' brise-nuque. Le tout se calme ensuite pour laisser place à des voix trafiquées s'entrelaçant confusément sur ces percussions électroniques insidieuses, avant que les grattes ne repartent de plus belle. Et, plus tard, dans le coeur de la tourmente metallique, un clavier lunaire nous sert une succession de nappes hypnotiques et glaciales aux relents apocalyptiques, appuyées par une voix black des plus haineuses. Le ton est donné:
Seraphyde est un album bien barré et définitivement pas comme les autres, qui sait alterner puissance pure et groovy avec des passages plus ambiancés et profonds au sein d'un même morceau.
Les guitares sont saccadées et puissantes à souhait, la basse est parfaitement audible, les percus (j'ai vraiment cru à une batterie programmée lors des premières écoutes, mais à en croire la fiche SoM du groupe, que nenni!) sont tout simplement excellentes, intelligentes et variées, avec une double qui martèle quand il faut et un son délicieusement synthétique qui colle parfaitement à l'ensemble, et les voix, véritable fil conducteur de l'album, sont très variées et expressives, allant d'une éructation death pleine de noblesse (majoritaire) à des feulements black totalement écorchés, en passant par une pléthore de chuchotements insidieux, de rires malsains et de hurlements déments qui expriment une folie palpable semblant expulser un trop plein de haine et de frustrations (Bitter
Utopia,
Seraphyde) ainsi que des voix claires désabusées à la résignation envoûtante (Weltschmerz,
Seraphyde).
Pour tenter tout de même de mettre quelques mots sur le chaos sonore que nous propose
Diablerie, on pourrait parler d'une musique sombre, envoûtante, à l'ambiance vénéneuse, et à fortes tendances électroniques. En fait, la galette se partage plus ou moins entre morceaux bien rythmés et agressifs, où les percussions synthétiques et le mur glacial de guitares, très mécaniques et syncopées, donnent un côté dansant irrésistible appuyé par une touche martiale bien sentie, et en d'autres plages plus lentes et pesantes, faisant la part belle aux ambiances (Float,
Oppression). Ici, les claviers, sorte de fil rouge tout au long de l'album, jouent un rôle prépondérant, tissant une toile sonore mystérieuse et inquiétante, procédant tantôt par nappes ajoutant une noirceur et une profondeur supplémentaires sur les pistes les plus rythmées ( le terrible
Astronomicon avec son final explosif et dantesque,
Death Wired to the
Bleak), tantôt comme instrument principal sur les morceaux les plus lents, où ils distillent une ambiance désolée, glauque et poisseuse. Un côté déshumanisé, désespéré et typiquement indus', comme un parfum de fin du monde, ressort de ces compos qui semblent nous narrer sur plusieurs tons la décrépitude d'un monde à l'agonie, le tout teinté d'un cynisme froid et lucide (confer le titre Bitter
Utopia, qui en dit long).
La musique de
Diablerie est sacrément riche et complexe, et se pare de multiples influences parfaitement assimilées pour créer un univers unique et personel: à l'écoute de certains passages, on peut tour à tour penser à
Rammstein,
Apostasia,
Mortiis, voire
Pain pour le côté entraînant et entêtant de certains refrains, ou carrément Prodigy sur certains passages techno et l'utilisation de certaines parties de claviers.
Seraphyde sera peut-être déstabilisant lors des premières écoutes et difficile à digérer tant son contenu peut paraître éclaté au premier abord, mais à force d'écoutes, on finit par percevoir une véritable cohérence et on se laisse docilement entraîner par ces guitares mécaniques et cette délicieuse ambiance de fin du monde: finalement,
Seraphyde apparaît comme un être hybride et maudit, sorte de fruit pourri d'une civilisation moderne malade et vouée à l'autodestruction, sa musique exprimant le malaise urbain et la lente dégénérescence d'un monde qui se mord la queue, victime de sa propre folie et de ses propres contradictions.
Un OVNI rafraîchissant dans le monde convenu de l'electro black indus, à découvrir absolument et sans tarder!
Je tique juste sur l'emploi du mot "confusément" ; je trouve au contraire que tout est bien agencé et maîtrisé.
La batterie est bien une vraie mais apparemment "clipée" à l'enregistrement (saturation de la grosse caisse), les parties programmées (intros, effets et transitions) sont assez reconnaissables.
La musique est barrée, mais l'album reste homogène de par le son et l'atmosphère. Les compositions sont originales, et les apports Blues, Rock et "carnavalesques" ajoutent à l'ambiance bizarre d'un monde schizophrène.
Les textes permettent aussi plusieurs interprétations.
C'est une œuvre assez "poétique" dans le fond...
Moi je trouve que ce seraphyde était une tuerie à l'époque et je le trouve encore terrible de nos jours dommage que ce groupe finlandais ne soit pas plus prolifique ils auraient pu devenir le nouveau samael.
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