Pour certains artistes, la musique se définit autour de plusieurs concepts. Cela peut être tout simplement pour s’amuser, s’échapper ou encore servir de véritable catharsis à son auteur. Dans le dernier cas, les œuvres produites ont bien souvent à charge toute l’émotion et la parole du musicien dans ses retranchements les plus rauques.
Tom Englund, du groupe
Evergrey, est de ces musiciens. Trois albums. Trois émotions. Un grand ensemble.
Retracer le parcours de l’homme peut paraître vain, tant on sent que tout a peut-être déjà été dit. Mais au lendemain du très inégal
Torn sort un Glorious
Collision qui connait un succès un peu plus franc qu’à l’accoutumée et cet album renoue avec le sens purement mélancolique qui pouvait émaner d’œuvres telles que Recreation Day ou le parfois décrié The Inner
Circle.
Puis vient 2014, avec ce véritable « reboot » pur et simple pour le groupe, et osons le dire clairement, plus qu’une simple renaissance, une véritable transcendance. Hymns For The Broken sort dans un contexte où
Evergrey ne fait plus véritablement rêver les foules. Le passé semble rasé et apprivoisé pour paraitre en un jour encore plus lumineux, plus beau encore, où le musicien semble au plus proche de ses émotions pour toucher du doigt l’absolu musical dont tant d’artistes rêvent. Le succès est bien plus au rendez-vous. Les tournées s’enchainent, et la demande en devient presque assommante. The Storm Within vient transformer un tir magistral pour proposer une œuvre plus sombre, plus noire mais pas moins ambitieuse dans son propos. Enfin le magistral The
Atlantic sorti il y a deux ans (sans doute jour pour jour au moment de l’écriture de cette chronique) vient confirmer qu’
Evergrey ne sera pas un groupe comme les autres qui aura choisi la facilité.
Plus qu’un nouveau chef d’œuvre, le groupe joue désormais dans la cour des grands malgré un succès souvent encore bien trop limité selon votre serviteur.
Peu après la sortie de The
Atlantic, sorti de nulle part, le projet
Silent Skies voit le jour. Une œuvre voulue par l'auteur comme une véritable échappatoire pour un auditeur vivant au plus près de ses tourments. Tom demande les services de son collègue de
Redemption, Vikhram Shankar, pour assurer la partie instrumentale. Un titre également est dévoilé,
Horizons, qui ouvre l’album.
Le contrat parait rempli. Le morceau est un franc succès bien que l’ensemble ne soit qu’en piano voix. Et cet exercice (plus que simplement expérimental) est renouvelé tout le long du disque.
En réalité, après l’avoir fait tourner de nombreuses semaines dans ma platine, est-il possible de croire à un nouveau chef-d’œuvre ?
Il va de soi que l’exercice ne plaira pas forcément à tout le monde. Les guitares sont complètement absentes pour ne laisser la place qu’au piano de Vikhram et à la voix de Tom. Seulement il ne fait aucun doute que les deux artistes ont placé toute leur âme dans cette œuvre épurée, belle et sensiblement magnifique.
Les premières écoutes sont difficiles. En effet, articuler son album uniquement en piano-voix (si on exclut les quelques samples percussifs trouvables çà et là sur l’album) parait casse gueule tant l’auditeur peut à terme s’ennuyer. Seulement voilà. Il ne fait absolument aucun doute au fil des écoutes que
Satellites n’est, encore une fois, rien de moins qu’une œuvre immense même si véritablement différente des autres albums d’
Evergrey.
En effet, sur ce
Satellites, s’il est intrinsèquement véritablement difficile de parler individuellement de chaque piste tant elles forment un ensemble cohérent.
Satellites doit être jugé comme album et non par pistes séparées car l’ensemble est véritablement homogène dans sa forme et dans ses idées. Je m’explique.
Chaque son et chaque note de
Satellites sont le reflet d’une émotion vive. Elles sont véritablement orientées pour toucher l’auditeur en plein cœur et proposer une méditation plus qu’une simple consommation. Un titre comme Us par exemple est une ode à la mélancolie la plus pure. La plus grise. On imagine une réalité. Une peinture plutôt, changeant son cadre au fil des saisons.
La nature est à l’honneur. Le réel même.
C’est ce réel absolument terrifiant, viscéral, qu’on n’ose pas affronter mais qui sait se montrer accueillant pour qui veut le voir qui est représenté ici. Tom est phénoménal d’émotion et Vikhram vient l’épauler de quelques notes de piano subtiles à la fin de chaque mesure. Et le titre se termine en un feu d’artifice, malgré la simple présence de notes subtiles. Chaque accord est un coup de couteau en plein cœur qui ne manquera pas de renforcer ce ressenti mélancolique immense.
Walls va plus loin dans cette idée. En effet, cette piste dévoile un Tom Englund à coeur ouvert. Ici, seul Tom, ce piano et une acoustique véritablement subtile apportent un sentiment de proximité immense, en particulier dans ces paroles chargées d’émotion (« Who am I in darkness when it's silent and I’m alone. »).
Néanmoins, la musique de
Silent Skies rend également hommage et se réapproprie des idées d’autres projets ou titres pour les transcender.
Sur Dreams, par exemple, on pense à
Anathema ou
Katatonia (dans l’esprit). Aussi, des titres comme la reprise de Here Comes The
Rain Again d’Eurhytmics se retrouve radicalement différente de l’originale. La lenteur, ainsi que la voix noire et unique d’un Tom tiraillé jusqu’au bout des ongles, font que les artistes parviennent à s’approprier d’une main de maître un titre qui était initialement prévu pour faire danser les foules pendant les années 80. Une époque plus pure, plus nostalgique peut être, ce qui laisse à penser que la reprise de ce titre en particulier n’est pas nécessairement le fruit du hasard. Enfin la reprise de Distance (sur The Storm Within à l’origine) viendra achever l’auditeur en proposant une vision encore plus noire, plus seule et plus isolée encore.
Il est bien évident que
Satellites n’est pas un disque qui plaira ou parlera nécessairement à tout le monde. Néanmoins, étant donné sa nature hautement particulière, les artistes ont conçu ce projet comme étant véritablement à part dans leurs discographies respectives. Dans un monde où les collaborations, surtout à un tel niveau, se font rares, on ne peut que saluer le geste, en espérant qu’un second volet tout aussi prenant voie le jour.
Plus qu’un simple apéritif, en attendant
Escape Of The Pheonix prévu pour Février,
Satellites est un album tout simplement remarquable.
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