S'il est des formations désireuses de ne pas chercher à précipiter les événements pour essaimer coûte que coûte leurs riffs et faire entendre leur voix, et laisser ainsi la maturité de leurs compositions opérer, ce discret mais inspiré quartet brésilien originaire de São Paulo serait assurément du nombre. En effet, créé en 2016, le combo sud-américain ne réalisera son introductif EP, «
Picture of a Paradise », que deux ans plus tard ; une modeste mais sensible et enjouée rondelle à laquelle succède, en 2020, une cadette de même acabit répondant au nom de « «
Roots of Decadence ». A la lumière de ses trois pistes égrainées sur une bande auditive d'un tout petit quart d'heure, ce second volet se calerait-il dans la droite lignée atmosphérique de son aîné ou prendrait-il, au contraire, quelques libertés qui en fonderaient alors tant son caractère que son originalité ?
Dans cette nouvelle aventure, se retrouve embarqué le collectif initial au grand complet, exception faite de sa frontwoman. Aussi, si s'inscrivent à nouveau le guitariste/claviériste Bruno França, le bassiste et grunter
Wilson Souza, et la batteuse Rafaela Martini, la chanteuse Lucia Ricardo, elle, se verra remplacée par Lucy Gomes l'année-même de la réalisation de ce second mouvement. De cette étroite collaboration naît certes une œuvre dans un mouchoir de poche mais reposant sur une ingénierie du son plutôt soignée, annihilant de fait tout effet de compression, et recelant des arrangements instrumentaux de bon aloi. Demeurée fidèle à ses fondamentaux stylistiques, la troupe a néanmoins cherché à varier ses ambiances et ouvrir plus large le spectre de ses sources d'influence, rapprochant alors davantage son propos de
Lacuna Coil,
Autumn,
Evanescence et
Tristania que
Theatre Of Tragedy ou
Sirenia. Mais entrons sans plus attendre dans la soute de la frêle goélette en quête de pépites profondément enfouies.
Contrairement à moult de ses homologues stylistiques, c'est sur une cadence mesurée que s'effectue le plus clair de la traversée, le combo nous faisant dès lors renouer avec l'adn metal symphonique gothique de son précédent effort. Ainsi, à la confluence d'
Autumn,
Lacuna Coil et
Tristania, l'intrigant et sensuel mid tempo «
Roots of Decadence » se voit imprimé de riffs épais et graveleux adossés à une féline rythmique que doublent de sinueuses rampes synthétiques. Dans ce bain orchestral aux légers remous où viennent s'intercaler de sensibles gammes au piano, évolue un duo mixte en voix de contrastes des plus saisissants, les cristallines inflexions de la belle n'ayant de cesse de faire front aux attaques en profondeur de son acolyte de growler. Et la sauce prend sans ambages...
Si l'ambiance du message musical se fait éminemment souffreteuse, celui-ci s'est parallèlement avéré un poil plus incisif. Ce qu'atteste « Brief », mid/up tempo syncopé d'obédience metal symphonique gothique aux relents dark, à mi-chemin entre
Draconian,
Evanescence et
Autumn. Suite à un bref mais vibrant solo de guitare, le gorgonesque méfait aux riffs corrosifs et ondoyants et à la basse ronronnante laisse entrevoir une insoupçonnée et poignante montée en régime du corps orchestral. Au cœur de cet énigmatique paysage de notes infiltré de grisants gimmicks guitaristiques, évoluent les chatoyantes impulsions de la déesse, dont la filiation avec celles de Marjan Welman (
Autumn, Vetrar Draugurin) ne saurait être démentie. Et la magie opère, une fois encore.
Enfin, sous couvert de sensibles arpèges pianistiques que l'on croirait alors empruntés à un
Nightwish de la première heure, l'aérien low/mid tempo symphonique gothique « My Darkest
Nightfall » nous baigne dans une atmosphère à la fois éthérée et des plus enveloppantes. Lorsque le condor instrumental ouvre ses ailes et qu'il se plaît à caresser le tympan comme pour mieux s'en emparer, les limpides volutes de la maîtresse de cérémonie, quant à elles, font mouche où qu'elles se meuvent. Octroyant un bel effet de contraste oratoire, déployant peu à peu ses nappes synthétiques les plus soyeuses et calé sur une sente mélodique aussi exigeante dans sa conception que génératrice d'un headbang subreptice, l'instant privilégié ne se quittera qu'avec l'indicible espoir d'y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité.
Au final, la jeune et créative troupe nous livre un propos dans le sillage stylistique de son prédécesseur, avec quelques variations atmosphériques au programme toutefois ; stratégie payante lui permettant précisément de s'en distancier quelque peu, du moins suffisamment pour offrir une palette plus étoffée en matière d'ambiances. Ce faisant, nos acolytes ont également joué à plein la carte de la diversité oratoire, décoché des mélodies certes convenues mais des plus attachantes, instillé en prime une production d'ensemble de bonne facture à la menue rondelle.
Dans un tel registre, d'aucuns auraient sans doute espéré voir figurer l'un ou l'autre instrumental ou fresque au cahier des charges. Par ailleurs, en raison de sources d'influence pas encore totalement digérées et de l'extrême classicisme de l'exercice, le laconique et pourtant seyant manifeste peinera à se démarquer de son aîné et, plus encore, à constituer une arme efficace face à la concurrence galopante dont cet univers metal fait actuellement l'objet. Bref, une œuvre aussi délicate qu'intrigante mais éminemment classique...
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