Pourvoyeur d'un nombre sans cesse croissant de formations metal symphonique à chant féminin, depuis près de deux décennies déjà, le Brésil apparaît aujourd'hui tel une terre de prédilection, s'affichant même comme l'un des leaders incontestés de ce registre en Amérique du Sud. Après
Vandroya,
Silent Cry,
Lyria,
Enarmonika,
Noturna,
Perpetual Legacy, le géant sud-américain enfante, cette fois, d'un quartet originaire de São Paulo, sorti de terre en 2016, évoluant parfois à contre-courant de la plupart de ses compatriotes. En effet, contrairement à nombre de ses homologues, le groupe serait moins volontiers inspiré par
Nightwish que par
Theatre Of Tragedy,
Autumn,
Tristania et
Sirenia. De plus, celui-ci confère à son projet une double orientation symphonique et atmosphérique gothique, mêlée de diverses touches rock et metal, l'éloignant des standards actuels du metal symphonique. Une prise de risque, certes, mais totalement assumée par nos acolytes...
En guise d'introductif mouvement, Lúcia Ricardo (frontwoman au grain de voix clair et enveloppant, à mi-chemin entre celui de Marjan Welman (
Autumn) et
Angelica Rylin (
The Murder Of My Sweet)), Bruno França (guitares et claviers),
Wilson Souza (basse et growls) et Rafaela Martini (batterie), nous octroient un EP 4 titres répondant au nom de «
Picture of a Paradise » ; auto-production d'une durée ne dépassant guère les 18 minutes et sortie quelque deux années suite à la création du collectif brésilien. Le temps aurait joué en la faveur de nos compères, la menue rondelle témoignant d'une ingénierie du son rutilante, à commencer par un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation, et ne concédant que peu de notes résiduelles. Le temps d'asseoir, parallèlement, un set de compositions bien inspiré, à la technicité éprouvée et à la gracieuse mélodicité, reposant partiellement sur le schéma de la Belle et la Bête.
Tout d'abord, à l'image de certains passages susceptibles de figurer dans les charts, la jeune troupe détiendrait déjà les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'illustre l'entraînant et ''sirénien'' «
Winter », délectable espace symphonique gothique doté d'une ligne mélodique aussi engageante qu'exigeante, que n'aurait reniée ni
Delain ni
Beyond The Black. Portés par les ensorcelantes impulsions de la déesse, couplets finement customisés et refrains catchy glissent avec célérité dans nos pavillons alanguis. Et ce ne sont ni le fuligineux solo de guitare ni les grisantes variations rythmiques qui nous feront lâcher prise, bien au contraire... Dans cette veine, au regard d'une frondeuse dynamique rythmique, l'incisif et néanmoins efficace « A Soul's
Agony » saura, quant à lui, déclencher un headbang bien senti. Paré de refrains certes convenus mais immersifs à souhait, dans la mouvance de
The Murder Of My Sweet, l'accroche s'opérera d'un battement d'aile.
Lorsqu'il desserre la bride tout en jouant sur les effets de contraste, le combo fait montre, là encore, d'un bel élan d'inspiration. Ainsi, à mi-chemin entre
Tristania et
Autumn, le mid tempo «
Picture of a Paradise » nous plonge tout de go au sein de délicats arpèges au piano avant de nous projeter dans de troublants méandres synthétiques doublés d'une basse résolument vrombissante. Dans l'énigmatique ambiance où nous mène cette frissonnante offrande, évoluent les graciles inflexions de la belle auxquelles répondent point pour point les growls saillants de son acolyte masculin.
Dans ses moments tamisés, le combo ne s'est guère avéré plus maladroit, loin s'en faut, nous invitant alors à une sensible et intiltrante ronde de saveurs. Aussi ne pourra-t-on que malaisément se soustraire à l'appel de la sirène sur «
Beneath the Surface », touchante et ''delainienne'' ballade a-rythmique impulsée par un magnétique piano-voix. On déambule dès lors, cheveux au vent, dans une atmosphère ouatée, le long d'un cheminement harmonique des plus ragoûtants. A réserver toutefois aux seuls aficionados de l'exercice de style.
Au final, on effeuille une œuvre émoustillante et éminemment sensible, plutôt accessible, qui se savoure davantage au fil des écoutes. On aurait cependant souhaité davantage de diversité atmosphérique et vocale, et des exercices de style bien plus variés pour nous sustenter. Néanmoins, la qualité de la production d'ensemble aidant, les qualités techniques et mélodiques du collectif, et les quelques prises de risques observées pourraient compenser ces relatives insuffisances, probablement imposées par le modeste format de l'opus. Et ce, même si l'originalité escomptée par le chaland n'est pas encore de mise et si les modèles identificatoires peinent à se faire oublier, et ce, sur la majeure partie du manifeste. Bref, une plaisante livraison, laissant entrevoir un réel potentiel de ses auteurs, mais pas encore un foudre de guerre. Peut-être à l'aune d'un album full length ?...
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