Au cours de sa première incarnation (1981-86),
Warlord aura sorti une foultitude de matériaux (démos, singles, compilations, tous plus introuvables que les autres), mais reste connu pour son unique album de 1984. Il lui vaudra l'attachement fervent d'un grand nombre de fans à travers le globe après le split de 1986. À l'orée du nouveau millénaire, ces derniers apprendront une heureuse nouvelle : les fondateurs Bill Tsamis (guitare) et Mark Zonder (assurant depuis la batterie de
Fates Warning) décident de se retrouver pour donner un petit frère à «
And the Cannons of
Destruction Have Begun ». Avec au chant un amoureux de longue date du groupe, le Suédois Joacim
Cans (
Hammerfall).
L'éloignement géographique des protagonistes ne facilite pas les choses : les rives des deux océans baignant les USA pour les Américains, celles de la Baltique pour le chanteur. «
Rising Out of the Ashes » ne sort que fin juillet 2002, avec le parti pris de recycler un maximum de vieux titres du groupe, autant par fidélité que pour faciliter la tâche de composition. Du coup, on n'a qu'un seul véritable nouveau morceau (
Enemy Mind). Cela étant, seul
Lucifer's Hammer était réellement familier : il serait faux de décrire ce disque comme une simple compilation, tant les titres qui le composent étaient peu ou pas connus.
Quatre d'entre eux étaient sortis en 1995 ou 1997, sous le nom de
Lordian Guard, groupe formé par Tsamis et sa compagne. Ils proviennent tous de vieilles compositions de
Warlord jamais publiées (ou, pour My Name Is Man, de la démo de l'éphémère
Lordian Winds supposé succéder à
Warlord en 1986). Les fans de
Warlord ayant boudé
Lordian Guard et ce dernier n'ayant jamais eu d'autre diffusion que confidentielle, on peut les considérer comme presque neufs. Le reste provient de la toute première démo (si vous arrivez à la chopper, celle-là) de
Warlord, instrumentale car datant de l'époque où le groupe n'avait pas encore de chanteur, et d'une composition prévue pour le 3e album de
Lordian Guard qui n'a jamais vu le jour (Invaders). Ça va, vous me suivez toujours ? Je vous épargne les changements d'intitulés des titres au fil des années.
Essayons de prendre les choses dans l'ordre, si tant est qu'il y en ait un. Seule véritable création de l'album,
Enemy Mind vaut le détour. Une douce intro en arpèges ponctuée de discordances électroniques laisse la place à un mid tempo lourdement martelé par un excellent Zonder et emporté par un
Cans en état de grâce, rehaussé par un riffing hargneux et défiant ; le lead envolé de Tsamis illustre bien la permanence de ses qualités guitaristiques. Simple, mais pleinement réussi.
Ce n'est pas le cas de ce qui est repris du «
And the Cannons of
Destruction... » de 1984.
Lucifer's Hammer est poussif, encombré d'effets de claviers douteux. On sent que les gars se font plaisir, c'était d'ailleurs le but de la reprise, mais on est loin de l'intensité portée par la version d'origine pourtant bien plus pauvrement produite. Ceci expliquant peut-être cela. Ou aussi, l'éloignement de la menace nucléaire fortement présente dans les années 80. Une réédition de 2014 inclura deux autres titres de l'album de 1984, enregistrés à cette époque ;
Lost and Lonely Days, titre fétiche de Tsamis, est passable,
Deliver Us from
Evil est exécrable : revenez d'urgence aux « Cannons of Destructrion... ».
J'étais très dubitatif sur les titres primitivement interprétés par
Lordian Guard.
Pas pour la guitare de Tsamis, qui n'avait guère de raison de s'affadir, mais la voix de Vidonne Sayre-Rimenschneider est tellement exceptionnelle que je ne voyais guère comment un chanteur masculin pourrait lui succéder. J'ai été bluffé sur ce coup, nul doute que le père Tsamis ne l'ai anticipé, d'ailleurs. Loin de jouer les ténors, Joacim
Cans s'épanouit dans un registre de baryton parfaitement en congruence avec le profond contralto de Vidonne. La similitude est carrément troublante sur le début de My Name Is Man.
On a même une bonne raison de préférer la version
Warlord 2.0 des morceaux de
Lordian Guard, elle s'appelle Mark Zonder. La batterie de
Lordian Guard est une boite à rythme programmée misérablement, celle de «
Rising Out of the Ashes » est actionnée par un gars qui n'était assurément pas paraplégique aux premiers temps du groupe et dont le talent s'est affirmé en jouant des années avec
Fates Warning. C'est un vrai régal de voir ces excellents titres enfin pourvus d'une rythmique digne de ce nom.
Le jeu de
Lordian Guard était aussi subtil que léger. Reprenant ces titres en tant que franc groupe de Heavy,
Warlord en renforce l'armature et la puissance. L'affaire est aisé sur le nerveux Battle of the Living
Dead ou l'enflammé
War in
Heaven, déjà joliment enlevés chez le « calme »
Lordian Guard. Les longs passages instrumentaux émaillés de breaks permettent à la guitare de Tsamis et la batterie de Zonder de s'en donner à cœur joie, tandis que
Cans tient haut la main son rang.
Plus posé,
Winds of
Thor est encombré d'effets superflus et surtout de mélodies un peu trop copiées sur les meilleurs titres de l'album de 1984 ; il reste néanmoins plus que convainquant. On atteint les limites de la rénovation Heavy-
Metal sur My Name Is Man, irréductible à une ballade du style, trop calme et contourné pour entrer dans une catégorisation simple ; en tous cas, une belle chanson que cette mélodie sereine emmenée par un
Cans à la voix confiante.
Issu des premiers temps sans parolier de la vie de
Warlord, Sons of a
Dream assume un idéal fédérateur et positif (son titre originel était All for One) : le morceau porte de forts jolis développements, peut-être handicapés par un certain manque de puissance. On n'en dira pas autant d'Invaders, initialement prévu pour le 3e album mort-né de
Lordian Guard, judicieux équilibre de vigueur, de mélodie et d'une profondeur soulignée par un léger jeu de claviers et la longue plage lead de Tsamis. Également travaillé avec
Lordian Guard, Achille's
Revenge, hommage aux racines et aux fans grecs du guitar hero, est un brûlant retour vers l'inspiration héroïque du
Warlord originel. Lourde et déchirée, la rythmique nous plonge en pleine épopée tandis que la guitare aux accents délicatement orientalistes, empruntant parfois un son de bouzouki, convie l'auditeur sur les rivages de la noble Troie assiégée. Je ne trouve pas la voix pourtant convaincue de
Cans tout à fait à la hauteur, mais ce cocktail de péplum et de délicatesse fait pleinement honneur à l'art du groupe.
«
Rising Out of the Ashes » est au final bien difficile à évaluer. Fan énamouré du premier album, je ne cacherai pas une certaine déception à la première écoute. Pourtant, les titres sont solides, interprétés avec passion et leur écoute répétée produit des intérêts. Mon oreille est sans doute trop habituée à l'album de 1984 pour être pleinement convaincue par ces chatoyants morceaux forts d'une production moderne pleinement réussie, mais qui heurte mes souvenirs. Restons honnête : sans avoir la trouble fulgurance du premier opus, la galette est une valeur sûre et réjouira bien des Metalheads parmi les plus exigeants.
Merci JL pour la chro de ce disque que je ne connais pas.
J'ignorais totalement que Cans avait chanté sur un skeud d'un autre groupe que Hammerfall (ou que sur ses projets solo). Je l'apprécie beaucoup et je suis donc curieux de l'entendre sur des formats différents de ceux assez "formatés" (et un poil redondants) de son groupe de coeur.
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