Liste des groupes Metal Symphonique Moonsun Rise and Shine

S'il est des formations évoluant à contre-courant de ce à quoi nous avaient accoutumés les cadors du genre, ce combo teuton basé à Kaiserslautern serait assurément du nombre. En effet, créé en 2011 par la mezzo-soprano Susanne Scherer et le guitariste et vocaliste Thomas Kolbin, le projet s'est tout d'abord nourri de compositions pop-rock mélodique, comme l'attestent leurs deux premiers albums full length « Silent Pieces » (2013) et « Inner Clouds » (2015). Parallèlement inspirés par quelques pointures du registre metal symphonique gothique à chant féminin, dont Nightwish, Epica, Evanescence, nos deux acolytes ont inscrit quelques uns de leurs titres-phares, tout comme ceux d'artistes de la scène pop-rock et folk internationale (Bob Dylan, Leonard Cohen, Sting, Bonnie Tyler, Adele...), au sein de deux pléthoriques albums en version acoustique : les bien-nommés « Covers Vol. 1 » et « Covers Vol. 2 » (juin 2018). Indice révélateur d'une amorce de changement de cap pour nos deux tourtereaux...

Réalisé quelques mois plus tard, et tout comme ses aînés, chez Spinnup, le présent EP répondant au nom de « Rise and Shine » marque une franche évolution stylistique, logistique et technique par rapport à leurs fondamentaux. En effet, non contents de rester terrés dans l'ombre de leurs maîtres inspirateurs de l'espace metal symphonique, sans pour autant leur tourner le dos, nos deux compères ont souhaité s'en affranchir et, par là-même, conférer à leur œuvre une identité artistique stable. C'est dire que le duo a considérablement relevé le niveau de ses exigences en matière de concept, de composition, et intensifié ses efforts en studio, nous livrant dès lors un propos pop metal mélodico-symphonique aussi charismatique et pénétrant que singulier.

Aussi, Susanne et Thomas nous octroient-ils dorénavant une production à l'ingénierie du son plus soignée aujourd'hui qu'hier, à commencer par une qualité d'enregistrement bien supérieure à ce qu'elle fut à la lumière de leurs deux premiers opus. On effeuille ainsi une galette généreuse de ses 30 minutes où s'égrainent sept pistes inédites (dont le single « Still Miss You » en bonus), où de plus complexes et riches arrangements instrumentaux se font jour et jouissant d'une belle profondeur de champ acoustique. De quoi nous intimer d'aller explorer plus en profondeur la soute de la goélette...

D'emblée, nos deux gladiateurs nous projettent sur des charbons ardents, ce à quoi leurs opus antérieurs ne nous avaient guère préparés. Et force est d'observer que l'exercice de style semble dores et déjà bien rodé et que la sauce ne tarde pas à prendre. Ainsi, tout en ne desserrant que rarement la bride et évoluant sur d'ondulantes et enivrantes nappes synthétiques, le vivifiant et ''delainien'' « Don't Lie to Me » dissémine ses refrains catchy mis en habits de lumière par les angéliques modulations de la sirène, dont la filiation avec une certaine Tarja ne saurait être démentie. Pour sa part, le pulsionnel et ''nightwishien'' « Desire » dissémine ses riffs épais et ondoyants, et ce, corrélativement à une rythmique s'ensanglantant au fur et à mesure de notre progression dans ce champ de turbulences. Bref, un magmatique et ensorcelant méfait susceptible, lui également, de retenir le chaland plus que de raison.

Comme pour nous signifier qu'il n'a nullement occulté ses aspirations pop originelles, le fringant duo les a judicieusement combinées à une assise instrumentale typiquement rock'n'metal. Ce faisant, l'inspiré duo délivre de palpitants instants aptes à procurer quelques frissons chez le chaland. Ainsi, au regard des ses couplets délicatement ciselés relayés par des refrains immersifs à souhait, le ''nightwishien'' « Let Me Escape » se révélera des plus efficaces, et donc, des plus fédérateurs. Et ce ne sont ni le grisant legato à la lead guitare ni les cristallines inflexions de la déesse qui démentiront le constat de se trouver aux prises avec l'un des gemmes de la rondelle. Dans cette veine s'inscrit « Fight and Pray », élégant et aérien propos pop metal calé sur une ligne mélodique aussi exigeante dans sa conception que radieuse dans sa restitution. Pourvu de choeurs samplés coalisés aux sulfureuses et infiltrantes patines de la belle, ce hit en puissance ne ratera pas davantage sa cible, celle de nos émotions les plus profondément enfouies.

Mais c'est surtout au contact de ses mots bleus les plus sensibles que la magie opérera le plus aisément. Aussi ne pourra-t-on que malaisément se soustraire à un cheminement d'harmoniques des plus envoûtants exhalant des entrailles de « Until I Collapse » ; fondante ballade dans la droite lignée d'un Evanescence des premiers émois. Voguant sur une sente mélodique éminemment sensuelle, l'instant privilégié se dote également de refrains des plus enchanteurs doublés d'un fin picking à la guitare acoustique. Dans cette mouvance, on restera suspendu aux lèvres de la diva à l'instar de l'infiltrant single « Still Miss You ». Aussi, un irrépressible frisson gagnera d'une battement de cils les âmes déjà sensibilisées aux ballades atmosphériques et progressives dans le sillage de We Are The Fallen ou encore Autumn. Et comment ne pas voir perler une petite larme sur la joue sous l'impact des ensorcelantes volutes de la maîtresse de cérémonie à l'aune de « Return Home », émouvante ballade romantique aux airs d'un slow qui emballe ?

Au terme de notre traversée, force est de constater que les contrées les plus radieuses ont défilé sous nos yeux ébahis, ayant chacune généré une charge émotionnelle rarement atteinte dans ce registre. En outre, une heureuse harmonisation des tendances pop-rock mélodique et metal symphonique gothique se dessine, et ce, à la lumière d'un projet qui, en l'espace de sept ans, a joui d'importantes transformations stylistique, d'un zeste de maturité supplémentaire relatif aux compositions, et d'une ingénierie du son dorénavant en phase avec les exigences actuelles du genre. En dépit de prestations vocales et instrumentales difficiles à prendre en défaut et de son caractère éminemment fédérateur, la galette accuse un cruel manque de prise de risque, et une sempiternelle uniformité d'exercices de styles se fait sentir. Aussi,.pourra-t-on éprouver un tenace sentiment de frustration en l'absence d'instrumentaux, de fresques, de duos et autres pièces en actes. Mais nos inspirés créateurs ont encore le temps de faire progresser leur art, et de revenir, espérons-le, avec un album full length sous le bras. Wait and see...

Note : 14,5/20