Putain, j’ai vieilli... Je me rappelle quand l’album éponyme de
Gronibard est sorti, j’avais 16 ans et dans ma quête d’extrémisme musical toujours plus poussée, j’infligeais à mes pauvres oreilles les attentats sonores les plus sauvages possibles. En cette année 2001, où je commençais à peine à découvrir le metal extrême, les quatre Lillois sortaient pour moi un
Graal, cristallisant en une rondelle de 43 minutes son qui décape, violence musicale délicieusement jouissive, provocation outrageuse, puérile et gratuite, et rejet des règles et de la bienséance, le tout avec une bonne humeur et une dose d’auto dérision évidente, venant ainsi idéalement alimenter le fond de rébellion adolescente qui m’animait alors.
L’éponyme est vite devenu - trou du – culte, grâce à une pochette incroyable, un logo au bon goût douteux, des extraits bien sentis du Grand Détournement et autres films X de série Z ainsi que des titres de morceaux désopilants. Quelques apéros arrosés, de nombreux concerts, un important bouche à oreille entre chevelus et une cover à la Nouvelle Star plus tard, la légende Gronib’ était née.
Après un bon EP en 2004 mais qui laissait un peu les obsédés que nous sommes sur notre faim (outre les titres complètement délires et nimportnaweskes et les reprises acoustiques, il restait finalement bien peu de vrais nouvelles compos à se mettre sous la dent), le quintette sortait en 2008 un deuxième album longue durée attendu par une masse de headbangers atteints de priapisme. Et là, douche froide – non, malheureusement, je ne parle pas de golden shower… -
We Are French Fukk You fut une grosse déception, s’énlisant dans un metal décousu, parfois poussif et bien loin de l’efficacité d’antan.
Alors, que reste-t-il de la légende
Gronibard en 2022 ?
Ce troisième album s’ouvre sur un petit sample suggestif comme à la grande époque et dès les premières secondes, on replonge vingt ans en arrière avec ce son très gras, ce riffing épais et baveux, ce blast massif et rapide et ce chant ultra guttural. Oui, Fast Gays of Humanity, même si son titre renvoie évidemment à un autre groupe de grind batave, est bien du
Gronibard pur jus (miam!), comprenez un concentré de gore grind à la fois brutal et groovy, et les errances stylistiques de
We Are French Fukk You semblent bel et bien finies même si les Lillois ont en partie conservé cette lourdeur sludgy et poisseuse dans laquelle on s’englue comme dans une mare de foutre (Finger in Anus, avec ce break d’une pesanteur presque slam).
La prod est moins monumentale que sur l’éponyme, plus sèche et compacte, avec des guitares qui éclaboussent moins et parfois un peu recouvertes par le son mat de la batterie – dommage ! – mais ce nouveau
Gronibard exploite judicieusement les nombreux ralentissements et autres parties lourdes et très dansantes (le délicieux break central de
Lady Boy, appuyé par cette courte partie de double qui va bien, Le Monstre des Zizis), ce qui ne fait que mieux ressortir les explosions de violence et de blasts.
Pour le reste, on retrouve avec plaisir ce qui a toujours fait l’identité du groupe (pour le coup, J’ai été livré par DPD aurait tout à fait eu sa place sur le premier album), à savoir un chant décalé et débile qui vient créer le contraste avec le growl (il y a moins d’hurlements suraigus que lors des débuts, mais on a affaire à toute une palette vocale cartoonesque allant de Butters à un Dingo enrhumé, d’ailleurs à ce niveau, le premier single dévoilé, Mon Siamois Maléfique, au riffing incroyablement simple et efficace, a fait couler beaucoup d’encre…), un riffing gras et irrésistible à la puissance de feu imparable, et des samples toujours aussi… savoureux (que je vous laisse le soin de découvrir, petits coquins).
D’ailleurs, rassurez-vous, les jeux de mots aussi crétins qu’hilarants, nombreux clins d’œil à la scène metal, sont toujours là (allez, au pif, en plus du morceau éponyme, citons pour les plus évidents Individual Thought Pâté ou De Mysterfriize Pomme Bananas, ce dernier, avec cette imitation d’
Attila Csihar, nous démontrant s'il en était encore besoin qu’à l’instar d’un
Ultra Vomit, Gronib’ a un vrai talent pour s’approprier et souiller des classiques du metal à sa propre sauce… blanche), et, vous l’aurez compris, les thèmes de prédilection du quintette n’ont pas vraiment changé, même si la fixette sur l’anal semble s’être déplacée sur la précieuse semence de vie.
Pour le reste, les Français se plaisent à alterner titres grind rapides et chaotiques qui défoncent tout sur leur passage (Fast Gays of Humanity,
Unholy Horses of
Evil, tous blasts dehors, le court, intense et explosif To Ride, Shoot Sperm and Drink the Juice) avec des passages purement délirants (les intermèdes acoustiques moisis, tout en grattes désaccordées, sont assez magiques), parvenant à garder une cohérence sans faille et un bon équilibre entre parties lourdes à la Guttalax et giclées plus extrêmes.
Bien sûr, certains titres sont un peu moins inspirés (Finger in Anus, Le Monstre des Zizis), et le tout se répète pas mal sur ces 37 minutes, mais sur une bonne partie de l’album, on est obligé de headbanger comme des zombies décérébrés - Zombites ? - et ce retour à un metal direct, primaire et sans prise de tête qui s’adresse directement à nos instincts les plus bas fait foutrement – oups, pardon… - du bien.
Du coup, que conclure de ce troisième full length que l’on n’espérait plus ?
Regarde les Hommes Sucer est incontestablement un bon album, qui reprend à la perfection tous les gimmicks de Gronib’ (peut-être même un peu trop…), et, on ne va pas se mentir, c’est exactement ce que l’on en attendait... On s’étonnera d’ailleurs presque de voir à quel point les cinq ont su garder leur âme d’enfant, leur délicatesse et leur poésie musicale plus de vingt ans après leurs premiers émois amoureux, et cette persévérance dans la voie du romantisme et du raffinement force le respect.
Reste que l’effet de surprise n’est plus là, que le style, aussi efficace qu’il puisse être, est tout de même redondant et que pour certains, ces seize nouveaux titres n’apporteront rien de neuf et sentiront un peu le réchauffé. En fait, pour être juste,
Regarde les Hommes Sucer est très bon, et objectivement, à peine un petit poil – de cul – en dessous de l'éponyme, mais voilà, le temps a passé depuis, et en ce qui me concerne, cette nouvelle galette est loin de provoquer en moi les érections intempestives et autres pollutions nocturnes qu'il y a vingt ans…
Putain, j’ai vieilli…
Moins de surprises délirantes que leur 1er méfait, mais musicalement plus abouti!
leur 1er c'était du Délirant Porno Grind, celui-ci, du Grind Porno Délirant!
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